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La situation n’a guère changé

lorsque des colonies marchandes

d’Assyriens et d’Amorrites de Syrie, qui dépendent du roi d’Assour en haute Mésopotamie, s’installent, à partir de 1920, dans une douzaine de cités en Cappadoce. Les princes de ces villes tentent, sans grand succès, d’imposer leurs volontés aux étrangers, qui sont forts de leur solidarité : en effet, sur les consignes d’Assour, ils sont, dans chaque cité, groupés en une chambre de commerce (kâroum en assyrien)

dépendant du grand kâroum de Kanesh (actuellement Kültepe). Ce sont ces marchands qui tirent la meilleure part de l’exploitation des mines du Taurus : ils ont le monopole de la vente en Cappadoce du cuivre local et dirigent la fabrication du bronze avec l’étain qu’ils ont apporté ; ils vendent également les tissus de qualité fabriqués au pays downloadModeText.vue.download 46 sur 561

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 2

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des Deux-Fleuves. Les profits réalisés leur permettent d’expédier à Assour de fortes quantités d’or et d’argent, tirés des gisements anatoliens, ainsi que de bronze. Leurs activités ont été révélées par les fouilles opérées dans le faubourg de Kanesh, où leur kâroum était installé et où l’on a trouvé des dizaines de milliers de tablettes commerciales sur lesquelles la langue assyrienne est écrite en cunéiformes. À proximité, le tell de la cité indigène de Kanesh a livré aux archéologues une véritable ville, dont les débuts se situent avant l’arrivée des Assyriens. Dès la fin du IIIe millénaire, Kanesh est un grand centre de la nouvelle culture anatolienne avec sa belle céramique peinte et ses curieuses idoles schématiques en albâtre ; bientôt, on la ceint d’une muraille et on y construit, sur le plan du mégaron, le plus ancien temple d’Anatolie. À l’époque du kâroum, la cité prend de l’extension, et ses princes s’y font bâtir des palais. Dans ces édifices, à Kanesh et dans les palais d’autres villes d’Anatolie centrale (Açem höyük, au nord-ouest d’Aksaray ; Kara höyük, près de Konya), des ivoires et des sceaux témoignent des rapports avec la Syrie et l’Égypte du Moyen Empire, tandis que des vases trouvés au comptoir de Kerma, en Nubie, sont des copies de modèles anatoliens.

Les rapports difficiles entre les chefs locaux et la communauté des riches étrangers condamnent celle-ci à une fin tragique. À Kanesh, une première phase du kâroum dure de 1920 à 1850

environ et se termine par un incendie ; relevé, le kâroum reprend son activité de 1800 à 1740, puis il disparaît définitivement, sans doute sous les coups des indigènes. Avec l’expulsion des mar-

chands étrangers, l’essor économique s’arrête en Cappadoce et une partie de leur apport culturel est anéanti : l’écriture, qui avait été utilisée dans les palais anatoliens — pour transcrire de l’assyrien —, sort d’usage pour un siècle. Mais les habitants de l’Anatolie centrale continuent à employer le cylindre-sceau, où les thèmes mésopotamiens interprétés par les Syriens du Nord se mêlent aux sujets tirés de la mythologie et du rituel anatoliens, et leur art poursuit ses progrès sans rejeter les influences extérieures reçues au début du IIe millénaire.

L’installation des

« Indo-Européens »

La théorie traditionnelle, fortement battue en brèche depuis quelque temps, veut que les parlers indo-européens aient été diffusés par des groupes partis de la grande steppe eurasiatique et plus précisément de la steppe pontique.

On a donc supposé que les langues de structure indo-européenne parlées au IIe millénaire en Anatolie y avaient été apportées de l’extérieur vers 2000

par des peuples qui seraient passés par les Détroits ou par la région du Caucase pour pénétrer dans la péninsule.

Mais ce sont là des hypothèses qui ne reposent sur rien de solide : que les groupes de langue indo-européenne soient depuis très longtemps en Anatolie ou qu’ils y soient parvenus seulement à la fin du IIIe millénaire, qu’ils aient procédé à une invasion destructrice ou à une infiltration lente et pacifique, aucun de ces phénomènes, dans un pays qui ignore totalement l’écriture jusqu’à la fin du XXe s. av. J.-C., n’est susceptible de fournir un objet maté-

riel sur lequel l’archéologue puisse poser une étiquette d’appartenance linguistique.

Les seuls renseignements sûrs

concernant les langues parlées à la haute époque en Anatolie proviennent des archives de Kanesh (XXe-XVIIIe s.) et de celles de l’Empire hittite (XVIIe-XIIe s.) à Hattousha (actuellement Boğazköy).

Les noms propres des clients indigènes des marchands assyriens appartiennent à un certain nombre de langues de types variés ; un petit groupe d’habitants portent des noms hattis (tirés du

parler ancien de la Cappadoce, qui est déjà, à l’époque du kâroum, une langue morte) ; un autre élément minoritaire appartient au peuple hourrite, qui, à partir de la fin du IIIe millénaire, a étendu son domaine de la haute Mé-

sopotamie à l’Anatolie orientale et à la Syrie ; il y a d’autre part à Kanesh deux communautés de langue indo-européenne : les Louwites, qui sont peu nombreux, et la majorité de la population, qui parle un dialecte apparenté au hittite de l’époque impériale. Ces données sont complétées par celles des rituels de Hattousha, qui emploient les langues vivantes ou mortes des diffé-

rents peuples anatoliens, dont l’Empire a adopté les dieux. À côté du hourrite et du hatti, d’une structure tout à fait particulière, on y trouve quatre langues indo-européennes : le néshite (parler de la ville de Nésha, que les modernes nomment le hittite), langue officielle de l’Empire ; le louwite, parlé en Anatolie méridionale ; le palaïte, employé dans la future Paphlagonie ; enfin l’ahshou, impossible à situer. Aux langues des rituels, il faut ajouter celle des inscriptions hiéroglyphiques de l’Empire, qui serait un dialecte louwite.

Ces indications montrent que l’Anatolie, qui avait toujours été morcelée, du fait de son relief, en zones culturelles relativement différenciées, reste au IIe millénaire divisée en unités linguistiques de toutes tailles. Qu’ils soient, au tournant des IIIe et IIe millénaires, arrivés en Anatolie ou parvenus à la position de classe dirigeante, les groupes de parlers indo-européens se sont fondus rapidement avec les peuples anatoliens appartenant à d’autres types linguistiques, et les langues des textes de Hattousha sont surtout indo-européennes par leur structure, leur vocabulaire étant en majorité emprunté à des langues d’autres sortes.

Le royaume hittite

(XVIIIe-XIIe s.) et les peuples

contemporains du reste

de l’Anatolie

Les fouilles de Kanesh ont révélé le palais d’un prince, Anitta (avant 1740), que les Hittites de l’époque impériale considéraient comme le fondateur de leur puissance. Mais il y a, dans l’état actuel de la documentation, un hiatus

entre la dynastie d’Anitta, originaire de la ville de Koushshar, et celle qui, au XVIIe s., est installée dans Hattousha, qui sera la capitale de l’Empire jusqu’à la destruction de ce dernier. L’État de Hattousha, qui ne domine guère en Anatolie que la Cappadoce, la Cilicie, le Taurus et l’Anti-Taurus, devient très vite un empire composite tourné vers la domination du couloir syrien, plus riche et plus évolué que la péninsule anatolienne.

Mais si les Hittites* doivent être traités, pour cette raison, dans un article particulier, l’étude de l’Anatolie au IIe millénaire doit signaler les États et les peuples qui étaient leurs contemporains dans la péninsule. À l’est, sur l’Euphrate supérieur, ce sont de petits royaumes hourrites, dépendant de l’empire du Mitanni (XVe-XIVe s.), puis de l’Assyrie (XIIIe s.). Au nord, dans la chaîne Pontique, vivent les Kaska, des Barbares qui en sont encore à la phase des villages indépendants et ne cessent de venir piller le pays hittite. Au centre et au sud-ouest, on a du mal à localiser de façon précise les États, en majorité louwites (dont le principal est l’Ar-zawa), que les rois de Hattousha tente-ront à plusieurs reprises de soumettre.