Rutherford établit la théorie de la diffusion des rayons α par les atomes du métal, dans l’hypothèse d’une structure planétaire de ces atomes ; la vérification par l’expérience fut excellente et permit, en outre, de déterminer avec une bonne précision la charge du noyau de l’atome métallique, soit Ze, e étant la valeur absolue de la charge de l’électron ; le nombre entier Z, caractéristique de l’atome, est appelé le nombre atomique de cet atome ; il a fait, postérieurement aux expériences de Rutherford, l’objet de déterminations plus précises.
Le modèle planétaire de Rutherford présentait cependant le grave défaut de ne pas être stable : le mouvement, elliptique ou circulaire, des électrons autour du noyau est un mouvement à accélé-
ration centrale ; or, les lois de l’électromagnétisme impliquent qu’une
charge électrique dont le mouvement comporte une accélération doit rayonner de l’énergie ; l’électron rayonne donc, perd progressivement son énergie et finalement tombe sur le noyau, ce que dément évidemment l’expé-
rience. Autre difficulté : la fréquence du rayonnement émis par l’électron dans son mouvement spiralé autour du noyau croîtrait de façon continue, ce qui est en contradiction avec le fait que les spectres d’émission des atomes sont constitués de raies fines, dont chacune correspond à une longueur d’onde bien déterminée ; ainsi, dans le domaine visible, le spectre d’émission de l’atome d’hydrogène ne comporte que quatre raies, de longueurs d’onde de 0,656, 0,486, 0,434, 0,410 μ.
C’est le Danois Niels Bohr* qui, en 1913, proposa un modèle d’atome planétaire modifié pour échapper aux contradictions précédentes ; l’atome de Bohr présente deux caractéristiques fondamentales.
1. Seules sont « permises » à l’électron certaines orbites, plus précisément celles pour lesquelles son moment cinétique est un multiple entier de la quantité h/2π, h étant la constante de Planck ; pour une orbite circulaire permise, de rayon rn, on a donc mvrn = nh/2π, avec n entier positif.
2. L’électron ne rayonne pas d’énergie aussi longtemps qu’il reste sur l’une des orbites permises.
Ces deux caractères fondamentaux sont en contradiction évidente avec les lois de la mécanique et de la physique classiques ; sur l’une quelconque des orbites permises, l’énergie totale de l’électron, en partie potentielle du fait de l’attraction du noyau, en partie ciné-
tique du fait de la vitesse de rotation, garde une valeur constante, mais qui dépend, comme on le verra plus loin, de l’orbite considérée ; la première restriction introduite par Bohr revient donc à affirmer que l’énergie de l’électron dans l’atome ne peut pas varier de façon continue, mais peut seulement éprouver, si l’électron passe d’une orbite à une autre, une série de variations déterminées et finies. On reconnaît là une condition de quanta : les niveaux d’énergie de l’électron dans l’atome sont quantifiés. Dès lors, l’origine du spectre d’émission de l’atome devient évidente : en sautant d’une orbite à une autre de plus basse énergie, l’électron doit émettre un quantum d’énergie, et celui-ci apparaît sous forme d’un rayonnement électromagnétique de courte durée, dont la fréquence n est imposée par la relation
Wn1 – Wn2 = hν.
Le cas de l’atome d’hydrogène est particulièrement simple et convaincant : le rayon rn d’une orbite circulaire de rang n de l’électron de masse m obéit à la relation mvrn = nh/2π (1) ; mais aussi, v étant la vitesse de l’électron sur son orbite, qu’il parcourt sous l’action de la force centripète
qui est l’expression de son énergie ci-nétique ; l’élimination de v entre (1) et (2) fournit les valeurs des rayons des orbites permises :
ces valeurs sont entre elles comme les carrés des entiers successifs, c’est-à-
dire comme 1, 4, 9, 16... ; le remplacement par valeurs numériques fournit, pour n = 1, le rayon de la plus petite orbite : r1 = 0,53 Å, valeur tout à fait vraisemblable. Par ailleurs, placé dans le champ des forces électrostatiques exercées par le noyau, l’électron situé à la distance rn du noyau a une énergie potentielle
son énergie totale est donc
(elle est négative, ce qui correspond au fait qu’il faudrait, pour passer de l’état actuel à celui où électron et noyau seraient immobiles l’un par rapport à l’autre et infiniment éloignés l’un de l’autre, fournir à l’atome un travail positif – W ). Le remplacement de r nn
par sa valeur nous donne
on retrouve sur cette expression la quantification des niveaux d’énergie dans l’atome ; le nombre n, qui peut prendre toutes les valeurs entières positives, caractérise chaque orbite permise à l’électron ainsi que le niveau d’énergie attaché à chaque orbite ; n est dit
« nombre quantique » de l’électron. Le niveau de plus basse énergie, donc de plus grande stabilité, correspond à la plus petite valeur de n : donc n = 1. À
partir de cet état, dit « fondamental », l’électron peut cependant occuper une orbite de rang n1 plus élevé s’il reçoit, par exemple par excitation électrique dans le tube de Plücker, l’énergie correspondant à ce passage ; mais l’atome est moins stable dans cet état excité et tend à revenir sur une orbite de rang in-férieur n2 < n1 ; il émet un rayonnement électromagnétique, un photon, dont la fréquence ν est donnée par
Le très grand succès que connut la théorie de Bohr pour l’atome d’hydrogène tient principalement à cette expression : c’est en effet en 1885 que Balmer avait proposé, pour représenter les neuf raies alors connues du spectre d’émission de l’hydrogène, la formule déduite de l’expérience
ν = cR (1/4 – 1/m2),
avec pour m les valeurs entières 3, 4,
..., 11 ; c est la vitesse de la lumière dans le vide et R, constante dite « de Rydberg », est égale à 1,097.107 m– 1.
La formule de Bohr retrouve ces résultats, car
on obtient la formule de Balmer en faisant n2 = 2 ; mais la formule de Bohr est plus générale et prévoit d’autres séries de raies : dans l’ultraviolet en faisant n2 = 1 ; dans l’infrarouge en faisant n2 = 3, ou 4, ou 5... L’existence de ces séries de raies a été confirmée par l’expérience.
La théorie de Bohr, par l’exactitude de ses prévisions pour l’atome d’hydrogène, a apporté une preuve supplé-
mentaire éclatante du bien-fondé de la notion de quantification ; cependant, dans sa forme initiale, elle ne permit pas de prévoir de façon aussi satisfaisante les spectres des atomes renfermant plusieurs électrons. Sommerfeld, considérant le cas plus général d’orbites elliptiques et introduisant deux nombres quantiques supplémentaires, le premier dit « azimutal l »
et le second dit « magnétique m », améliora les prévisions relatives aux atomes légers et fournit une interpré-
tation de l’effet Zeeman ; toutefois, la théorie resta inapplicable aux atomes plus lourds. La théorie de Bohr-Sommerfeld contient en elle-même une contradiction : d’une part, elle s’appuie sur les principes de la mécanique classique ; d’autre part, elle limite de façon arbitraire, au moyen d’une condition de quanta, les mouvements prévus. L’échec final de cette théorie a convaincu les physiciens qu’il n’était pas possible, pour décrire le compor-downloadModeText.vue.download 525 sur 561
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 2
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tement des particules dans l’atome, d’associer aux conditions de quanta les principes de la mécanique classique et qu’il fallait inventer pour cela une nouvelle mécanique. Celle-ci prit naissance et se développa, à partir de 1924, par les travaux de Louis de Broglie*, de Heisenberg*, de Schrödinger*, de