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Quand, en 1577, il conçoit le dessein des Tragiques, il pourra trouver dans cette pitoyable vision du royaume déchiré un aliment à son inspiration.

De là un torrent d’invectives contre les ennemis de sa religion, torrent qui sent

« la poudre, la mèche et le soufre » ; de là une verve satirique étonnante par ses cris d’injure et ses anathèmes.

Publiés en 1616, les Tragiques comportent sept livres. Le mouvement d’ensemble est grandiose et précis.

Le premier livre, Misères, est un long cri de révolte devant les horreurs de la guerre civile. D’Aubigné s’attaque ensuite aux princes et aux courtisans responsables des maux qui accablent le pays (Princes), puis fait le procès de la justice et des juges dans une vaste fresque satirique (Chambre dorée). Au livre IV, Dieu est témoin du martyre des protestants (Feux). Les Fers décrivent les combats et les massacres des guerres de Religion. Mais les persécuteurs et les bourreaux seront punis, tout comme ont été châtiés les criminels depuis l’origine des temps (Vengeances).

Le jugement dernier apportera aux damnés des supplices sans fin et aux

élus une félicité éternelle (Jugement).

D’Aubigné s’exprime comme Juvénal et Amos lorsqu’il fustige Catherine de Médicis, Henri III, les pourvoyeurs de l’Inquisition, Ferdinand, Isabelle, le pape Sixte et combien d’autres, qu’il cloue au pilori dans une sorte d’enthousiasme cruel. Une fois ses adversaires anéantis, le poète ouvre la voie à de célestes visions. Après la dimension universelle et mythique qu’il donne à la peinture d’abominations purement locales et contemporaines, son inspiration s’épure et laisse la place à la contemplation. La chronique, le combat doctrinal s’effacent devant le souffle extatique et mystique. Au partisan succède le chantre de l’éternité, l’homme qui sonde, dans une gravité et une majesté quasi intemporelles, à la fois les fins de l’Histoire et les mystères de la Création.

Si la partie de son oeuvre où il se montre bouleversé par le scandale de son siècle est peut-être la plus caduque, encore que, dans son exaltation sacrée, il trouve d’admirables accents, celle où il sait revêtir sa théologie de tout un luxe d’images reste saisissante. La vision apocalyptique, le trait fulgurant, l’amplification hallucinante viennent spontanément et révèlent une fraternité cosmique entre l’homme et la nature : Ici un arbre sent des bras de sa racine Grouiller un chef vivant, sortir une poitrine ;

Là l’eau trouble bouillonne, et puis s’éparpillant

Sent en soi des cheveux et un chef s’éveillant.

Comme un nageur venant du profond de son plonge,

Tous sortent de la mort comme l’on sort d’un songe.

(Jugement, 671-676.)

Par sa puissance, d’Aubigné an-

nonce Hugo. Et ce n’est pas par hasard si la première édition des Tragiques est signée L. B. D. D., « le bouc du dé-

sert ». Comme un prophète inspiré, il lance pour l’éternité le chant passionné de ses vers. Dans ce grand poème, la somme d’expérience, de foi, de pitié,

de solidarité insurrectionnelle avec les victimes débouche sur l’illumination eschatologique.

D’Aubigné,

poète baroque

La tension intérieure qui anime

l’oeuvre de d’Aubigné fait de celui-ci un représentant typique du baroque. Il en présente les qualités comme les dé-

fauts : une imagination vive à laquelle on peut reprocher une certaine hâte qui engendre répétitions et lourdeurs.

Il développe ses thèmes dans une accumulation d’images généralement obsédantes et dans un élan souvent désordonné. Le mouvement y gagne au détriment de la stabilité. Il vise à l’effet par une surabondance de métaphores et de comparaisons (« Vos yeux sont des charbons qui embrasent et fument /

Vos dents sont des cailloux qui en grin-

çant s’allument »), il a le goût de l’allitération (« Terre qui sur ton dos porte à peine nos peines », « Il fuit d’effroi transi, troublé, tremblant et blême ») et du raccourci frappant (« La mort morte ne peut nous tuer, nous saisir »), il aime l’antithèse (« Encore faut-il Seigneur, O Seigneur qui donnas / Un courage sans peur à la peur de Jonas ») et l’adjectif (« Du soleil cramoisi qui bizarre se couche »), tout en faisant preuve d’un réalisme théâtral (« Ses cheveux vers le ciel hérissés en furie / Le grin-cement de dents en sa bouche flétrie

/ L’oeil sourcillant de peur découvrait son ennui »).

La violence même dont il use, son volontaire manque de mesure lui font une place à part dans la littérature baroque.

Une espérance trahie

Compagnon incorruptible d’Henri IV, d’Aubigné n’avait déposé l’épée que pour mettre sa plume au service de son parti et de sa religion. Si sa véhé-

mence et son ironie nourrissent encore son pamphlet contre les abjurations des protestants (Confession catholique du sieur de Sancy) et sa peinture de la frivolité de la Cour (Aventures du baron de Foeneste, 1617), il s’efforce à l’impartialité dans son Histoire universelle depuis 1550 jusqu’en 1601 (1616-1620). À près de soixante-dix ans, il

est compromis dans la conspiration contre le duc de Luynes. Il abandonne ses terres et les fureurs romantiques de son oeuvre confidentielle (le Printemps) pour se réfugier à Genève. Il y vivra assez pour se remarier et voir la ruine du parti protestant : plus que la prise de La Rochelle le touchent les désordres de son fils Constant, qui tue sa première femme et renie sa religion.

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 2

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définitif à l’oeuvre de foi de son grand-père, par la part qu’elle prendra à la révocation de l’édit de Nantes : ce sera Mme de Maintenon.

A. M.-B.

▶ Baroque / Épopée / France.

B A. Garnier, Agrippa d’Aubigné et le parti protestant (Fischbacher, 1928 ; 3 vol.). / J. Plat-tard, Une figure de premier plan de nos lettres de la Renaissance : Agrippa d’Aubigné (Boivin, 1931). / A. Lebois, la Fortune littéraire des « Tragiques » d’Aubigné (Lettres modernes, 1957). /

J. Galzy, Agrippa d’Aubigné (Gallimard, 1965).

/ J. Rousselot, Agrippa d’Aubigné (Seghers, 1966).

Auch

F GERS.

Auckland

Principale ville et premier port de la Nouvelle-Zélande ; 650 000 hab. (près du quart de la population totale de l’État).

Au moment de l’installation de

l’Angleterre en Nouvelle-Zélande, la région d’Auckland est peuplée par les Maoris, venus de Polynésie. En 1840, le capitaine William Hobson remarque la baie abritée de Waitemata, achète aux Maoris 1 200 ha et, sur la rive sud, fonde la ville à laquelle il donne le nom du lord de l’Amirauté, George Eden, comte Auckland. Le développement de la nouvelle aggloméra-

tion est rapide : la population atteint

7 000 habitants dès 1851 et, malgré le transfert du siège de la capitale de la colonie à Wellington en 1865, l’essor d’Auckland se poursuit après la fin des guerres maories (1869). Auckland est un port d’escale important sur les routes du Pacifique, un centre d’exportation des produits agricoles de l’île du Nord et un entrepôt pour le reste de la Nouvelle-Zélande, en dépit de sa situation excentrique ; le trafic de redistribution se fait par cabotage. La population dépasse 100 000 habitants à la veille de la Première Guerre mondiale. Grâce à ses fonctions de place de commerce internationale et à son importance croissante comme centre industriel, Auckland est la ville néo-zélandaise qui s’est le plus rapidement développée depuis un demi-siècle.

La ville actuelle est très étalée, comme toutes les villes d’Australasie.

La complexité de sa structure s’explique d’abord par son site. Auckland a été fondée à l’endroit où l’île du Nord est le plus étroite, entre les deux baies ramifiées de Waitemata et de Manukau : il y a un véritable enchevêtrement de la terre et de la mer. De plus, les terrasses sur lesquelles la ville s’est étalée sont parsemées de petits cônes volcaniques aux pentes raides (le plus haut, le mont Eden, a 195 m), qui ont été pour la plupart transformés en jardins publics. Il n’y a pas à Auckland de « ceinture verte », mais de nombreux parcs d’étendue limitée. À la complexité du site s’est ajouté le morcellement administratif, l’aire urbaine étant divisée entre la City d’Auckland (160 000 hab.) et trente-deux Boroughs et County Towns.