Malgré ces déséquilibres, l’économie audoise repose sur des productions de qualité. Les 110 000 hectares du vignoble de masse ne doivent point faire oublier les crus renommés (Corbières, Minervois...), la production fruitière et céréalière. Les industries de la haute vallée de l’Aude comptent des établissements dynamiques : chaussures à Limoux, panneaux de revêtement Formica à Quillan. L’aménagement du littoral, enfin, valorise le vieux village de pêcheurs de Gruissan, dont le futur port abritera un millier de bateaux de plaisance, ainsi que le site remarquable du massif de la Clape, en cours de reboisement, et les plages sableuses bordant l’étang de Leucate aux confins des Pyrénées-Orientales. L’Aude joue désormais la carte du tourisme sur son littoral ensoleillé et son arrière-pays chargé d’histoire.
R. D. et R. F.
▶ Carcassonne / Languedoc / Narbonne.
Auden
(Wystan Hugh)
Écrivain anglais, naturalisé américain (York 1907 - Vienne 1973).
Les premières oeuvres de jeunesse d’Auden, Poems (1930) et The Orators (1932), reçoivent dès leur parution un accueil très favorable d’une partie de l’élite intellectuelle anglaise. Elles séduisent par leurs symboles, la puissance des images, des rythmes et les raffinements de l’écriture. Mais c’est peut-être plus encore — pour obscur et confus qu’il puisse paraître souvent au lecteur d’aujourd’hui —, leur contenu politique qui reçoit l’adhésion d’écrivains comme MacNeice, Spender ou Day Lewis. L’Angleterre se trouve alors en pleine période de récession économique, le chômage sévit, le capitalisme semble à bout de souffle et la paix apparaît menacée par la poussée d’idéologies totalitaires opposées. Certains alors, comme Auden, rêvent de changer radicalement un monde dont les structures ne satisfont pas plus leur coeur que leur raison. C’est ainsi que tout naturellement aux yeux de la critique se trouve constitué l’« Auden group », dont l’existence faisait d’ailleurs dire à Day Lewis : « Nous ne savions pas que nous formions un mouvement avant que les critiques ne le disent. » Pourtant, quoique le poète se sente en parfaite communauté de pensée avec ces esprits avides d’« ouverture sociale », il ne peut demeurer longtemps l’homme d’une chapelle. Il aspire à une large audience et espère l’obtenir par le théâtre (Paid on Both Sides : A Charade, 1930 ; The Dance of Death, 1933). Non un théâtre d’évasion, mais, à la manière de Brecht, dont il subit profondément l’influence, un théâtre d’enseignement et de formation politique des masses. Seul ou en collaboration, surtout avec Isherwood, Auden cherche à « faire apparaître l’urgence de l’action et la clarté de sa nature ». Cette préoccupation didactique ne semble pas contradictoire dans son esprit avec les subtilités de la pensée et les effets d’un brillant virtuose dans les formes et les styles les plus différents (The Dog beneath the Skin, 1935).
Ses pièces se différencient encore du théâtre brechtien par une certaine légè-
reté du ton dans la satire, la part plus importante des choeurs et des chants, qui les rendent proches de la comé-
die musicale. Bon musicien, auteur de livrets d’opéras et d’un oratorio, Auden prend place parmi les maîtres
modernes de l’« art song » et du « popular song » (For the Time Being. A Christmas Oratorio, 1944 ; The Rake’s Progress, 1948).
Poète, dramaturge, compositeur,
Auden est également critique littéraire, et son recueil d’essais The Dyer’s Hand (1963) révèle sa remarquable aptitude à traiter d’un sujet littéraire en le proje-tant sur le plan de la discussion morale et religieuse. Toujours préoccupé des problèmes philosophiques, il poursuit son approche de la vérité recherchée d’abord à travers l’influence de Marx et de Freud. Par un long cheminement au cours duquel il rencontre Kierkegaard et Niebuhr, il aboutira à l’acceptation de l’attitude chrétienne (The Sea and the Mirror, 1942-1944 ; The Age of Anxiety : A Baroque Eclogue, 1947 ; Nones, 1951 ; The Shield of Achilles, 1955 ; About the House, 1966 ; City without Walls, 1970). On ne peut pas pour autant affirmer, malgré The Epi-logue (1940), qu’il soit parvenu au terme de sa quête, comme en témoigne Homage to Clio, paru en 1960. L’oeuvre poétique tout entière d’Auden traduit la perpétuelle curiosité d’esprit de ce magicien du verbe, dont l’éblouissante technique est mise au service de ses thèmes favoris : l’art et la réalité, l’homme et son destin, l’inhumanité du monde moderne.
Naturalisé américain, Auden n’en demeure pas moins un écrivain spécifiquement anglais ; il s’insère dans la lignée des Dryden, des Coleridge, des Byron, et son influence sur la jeune littérature rejoint celle de Yeats ou celle d’Eliot.
D. S.-F.
B M. K. Spears, The Poetry of W. H. Auden : the Disenchanted Island (New York, 1963). /
B. Everett, Auden (Londres, 1964). / J. G. Blair, The Poetic Art of W. H. Auden (Princeton, 1965).
Audiberti
(Jacques)
Écrivain français (Antibes 1899 - Paris 1965).
Antibes 1912 : un enfant de treize ans dévale les rochers de la Garoupe, en
criant son admiration pour les pierres, la lumière, les dieux grecs. Dans cette ville, où, au beau temps de Rome, le jeune mime Septentrion, mort à douze ans, « dansa et sut plaire », un poète est né. « Je n’ai jamais quitté Antibes... », écrira Audiberti en 1944. De fait, An-tipolis, la ville de soleil et de pierre, restera au coeur de son oeuvre. Images décisives de l’enfance : son grand-père maçon, qui lui raconte de vieilles histoires populaires ; son père, « plein du sel de la violence » ; les longues heures d’ennui du collège catholique ; la poé-
sie de Hugo, dont il goûte la « plé-
nitude artisanale et plébéienne » ; la saveur du parler provençal.
En 1930, Valery Larbaud s’enthousiasme à la lecture de son premier recueil, l’Empire et la Trappe. En 1935, Audiberti reçoit le prix Mallarmé et, deux ans plus tard, pour l’Ampélour, le prix de la Première Pièce. Déjà la Nouvelle Revue française lui a ouvert ses colonnes, mais c’est à l’écart d’un monde littéraire engagé et tapageur qu’il se livre à une ivresse de dissonances et d’harmoniques, à sa fantaisie baroque (Race des hommes, 1937 ; Des tonnes de semence, 1941 ; Rempart, 1953 ; Ange aux entrailles, 1964). Ses premiers romans mêlent l’ampleur oratoire et la verve populaire, le lyrisme attendri et le réalisme picaresque (Abraxas, 1938 ; Urujac, 1941), puis oscillent entre la dénonciation douloureuse du sordide et du grotesque quotidiens et la volonté de reconstruire un être libéré de toute hypocrisie (la Nâ, 1944 ; Monorail, 1947 ; Talent, 1947 ; Marie Dubois, 1952 ; la Poupée, 1956 ; Infanticide préconisé, 1958 ; les Tombeaux ferment mal, 1963).
Mais le poète et le romancier cèdent bientôt le pas à l’homme de théâtre. La création de Quoat-Quoat en 1946 par la compagnie du Myrmidon qu’animent André Reybaz et Catherine Toth ne marque pas seulement le commencement de l’avant-garde (l’expression est discutable), mais surtout un tournant dans la carrière d’Audiberti. En 1947, Le mal court remporte un véritable triomphe auprès d’un public limité mais enthousiaste, grâce à la mise en scène de Georges Vitaly. L’avant-garde se met en route presque aussitôt
avec la Cantatrice chauve d’Eugène Ionesco. On voit alors se dessiner une démarcation très nette entre ceux qui, comme Audiberti, restent fidèles à la fête du verbe poétique et ceux qui, poussant à la limite la décomposition de l’action, du personnage, du langage, opèrent une mise en question radicale des données traditionnelles du théâtre et de la condition humaine. Si Audiberti occupe une place marginale dans l’histoire du théâtre nouveau, c’est justement par sa fidélité au verbe poétique (fortement marqué par le surréalisme), et parce que, quelle que soit la nouveauté de sa dramaturgie, il ne remet pas fondamentalement en cause les bases établies de la pièce de théâtre.