(1640-1703), le rénovateur de la gravure en taille-douce. Ses prédécesseurs travaillaient au burin ; seuls Jacques Callot* et Jean Pesne (1623-1700) avaient fait de l’eau-forte sur vernis dur un usage original. Les graveurs fameux, Robert Nanteuil notamment (1623-1678), gravaient à la pointe, exprimant le modelé par des tailles librement tracées. Le grand artiste vivait encore lorsque Audran fut rappelé de Rome, où il travaillait depuis 1666. Le Brun*, en 1672, le fit loger aux Gobelins, investir de la charge de graveur ordinaire du roi et charger de reproduire les amples compositions de ses Batailles d’Alexandre.
Audran prépara ses planches à l’eau-forte, pour les reprendre et les finir au burin ; ce dernier procédé, employé seul, eût exigé des années de travail.
Audran venait d’affranchir la gravure d’une discipline étroite et limitative, conjurant la tendance au maniérisme des virtuoses du burin. En 1674, l’Académie royale sanctionnait la réussite du maître en l’appelant à elle, pour l’élire conseiller en 1681, la plus éminente dignité qui s’offrît aux graveurs. On a de lui quelque 285 estampes d’après les Italiens (Raphaël) et les Français (Le Brun, Poussin, Le Sueur, Mignard, etc.).
Gérard Audran avait deux frères.
CLAUDE II (1639-1684), l’un des auxiliaires de Le Brun, est l’auteur d’un grand tableau peint pour l’église des Chartreux, la Multiplication des pains ; l’autre, GERMAIN, graveur, eut pour fils CLAUDE III (1657-1734), qui donnera son dernier lustre à cette lignée d’artistes.
Se trouvant à Paris en 1692, il y obtient la maîtrise et, dès 1696, est au service de la Couronne. Il va, dans le domaine de la décoration générale, exercer une influence égale à celle dont Gérard, son oncle, avait fait bénéficier la gravure.
La dernière édition de la Description de Paris de Germain Brice fournit d’intéressantes précisions sur l’oeuvre de Claude III, dont les peintures de murs et de plafonds ont malheureusement disparu : « Claude Audran, y lit-on, est regardé avec justice comme un des premiers dessinateurs qui aient jamais paru pour les arabesques et les grotesques. Ce sont des compositions d’ornements légers et agréablement distribués qui étaient en usage chez les Anciens et qui ont été renouvelés par le fameux Raphaël*. Ils sont devenus fort en vogue et on en orne les lambris et les plafonds des plus petites pièces. »
C’est à l’exécution de ces motifs exigeant grâce, légèreté et sûreté de main qu’Audran employa son jeune élève, Antoine Watteau*. Les créations de Claude III sont à l’origine du style du XVIIIe s., libéré de la pompe et de l’im-pavidité classiques.
On doit au maître les « alentours »
des Portières des dieux, composés de 1699 à 1711 pour les Gobelins ; en 1708, il se montre pleinement neuf dans l’admirable tenture des Mois grotesques. L’année suivante, il des-downloadModeText.vue.download 545 sur 561
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 2
1082
sinera les « cartons » des vitraux de la chapelle de Versailles. Son génie s’est encore manifesté par une curieuse invention, celle des tontisses. Le procédé consistait à saupoudrer de particules de laines teintes les plages fraî-
chement encollées d’une composition, simulant ainsi la tapisserie de lisse. En
son Traité de la gravure sur bois, le fabricant de papiers peints Jean-Michel Papillon (1698-1776) date d’« environ 1712 ou 1716 » l’invention d’Audran, connue, rappelle-t-il, « par les ornements grotesques et délicats sur lesquels Watteau a formé les siens [...] ; ils représentent de comiques repas de singes et de guenons habillés en toutes sortes de façons ».
Ces ouvrages, toutefois, n’étaient pas durables ; les musées n’en ont pu recueillir aucun. Ce n’en est pas moins par ce procédé que l’Angleterre a produit les tentures bleues qui furent en vogue au milieu du XVIIIe s.
G. J.
▶ Estampe / Tapisserie.
B G. Duplessis, les Audran (Libr. d’art, 1892). /
G. Åkerlund, Audranstudien (Stockholm, 1942).
Augsbourg
En Allem. AUGSBURG, v. d’Allemagne occidentale (Bavière) ; 213 000 hab.
Installée au confluent de la Wertach et du Lech, la ville est un important centre industriel. Les fabrications de machines, de véhicules, de matériels électriques et électroniques, de produits chimiques et alimentaires sont les principales activités.
Augsbourg, quoique située en Ba-
vière, est la plus grande ville de parler souabe après Stuttgart ; elle est d’ailleurs le chef-lieu du Regierungsbe-zirk de Souabe. L’essor foudroyant de Munich a sans doute ralenti son développement. La proximité des Alpes, la situation sur une voie ferrée et une autoroute importantes (indépendamment de l’existence d’établissements supérieurs) donnent à Augsbourg une chance nouvelle.
F. R.
L’histoire
De fondation peut-être celtique et sû-
rement romaine (époque d’Auguste), Augsbourg (en lat. Augusta Vindeli-corum) a gardé une forme elliptique, allongée selon un axe nord-sud, celui
de la Maximilianstrasse, l’antique via Claudia Augusta, mais son développement actuel se fait vers l’est et l’ouest.
Pendant toute l’époque romaine et médiévale, Augsbourg (ville importante sinon capitale de la Rhétie, puis évêché quasi autonome [VIe s.], bien que dépendant de jure d’abord du patriarcat d’Aquilée puis de l’archevê-
ché de Mayence) a été une ville commerçante dont la fortune était liée à la prospérité des mines d’argent et de cuivre du Tyrol et à la voie commerciale transalpine.
Au XIe s., la fondation d’une cité marchande qui entra rapidement en conflit avec son suzerain épiscopal marqua le début de la « commune » d’Augsbourg, favorisée par l’empereur (1316, ville d’Empire). Les bonnes relations avec l’empereur se développèrent à l’époque de Maximilien puis de Charles Quint ; l’élection de ce dernier fut financée par les Welser, grande entreprise familiale d’Augsbourg, rivale de la maison des Fugger. Si les moulins, les forges et les tissages avaient fait la fortune d’Augsbourg médiévale, la cité devint au XVIe s. un des centres financiers de l’Europe, en relation avec l’Est (Cracovie et Slovaquie, mines de cuivre de la famille Thurzó) et l’Extrême-Occident (installation des Welser au Venezuela).
L’essor économique fut facilité par la tolérance confessionnelle (parité) et l’appui impérial, nécessaire d’ailleurs pour protéger la cité contre les appé-
tits bavarois. Si, au XVe s., une jeune patricienne, Agnès Bernauer, avait été noyée comme sorcière à cause de ses amours avec un prince bavarois, les Fugger purent au XVIe s. faire des mariages princiers.
La richesse favorisa tout naturellement une vie artistique très active et une position politique de choix : de nombreuses diètes d’Empire laissèrent une trace importante, la Confession d’Augsbourg de 1530 et la paix d’Augsbourg de 1555. De cette époque date une conscience propre fort vive, à tendances traditionalistes et paterna-listes (béguinage de la Fuggerei, 1519).
La décadence commença dès les
premières années du XVIIe s. (faillite
des Welser en 1614), et s’accentua au cours de la guerre de Trente Ans.
La cité ne retrouva quelque prospérité qu’au milieu du XVIIIe s., avec l’impression sur tissus. Annexée en 1806 par la Bavière, et son évêché étant devenu en 1817 suffragant de celui de Munich-Freising (ce qui favorisa le développement du catholicisme, auquel appartiennent aujourd’hui environ 75 p. 100
de la population), Augsbourg trouva dans le développement des tissages, de l’imprimerie et surtout des industries mécaniques des forces neuves ; diverses usines créées alors constituèrent en 1898 la puissante Maschinenfabrik Augsburg-Nürnberg (MAN). De cette époque date aussi un réseau privé de voies ferrées industrielles d’environ 100 km, fonctionnant encore. À ces industries, le XXe siècle ajouta l’aéronautique (Messerschmitt).