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La lente montée

au pouvoir

Octave n’a pas encore dix-neuf ans, et il lui faut choisir la meilleure voie pour assurer son destin. Il aurait pu alors abandonner toute ambition, mais le spectacle offert par Rome depuis sa prime enfance lui a montré que le pouvoir appartient à ceux qui font preuve de ténacité et d’audace. Sachant combien la situation est difficile à Rome pour les meurtriers de César, mais comprenant surtout que son absence laisse la place libre à Antoine (né en 83

av. J.-C.), alors consul, qui se pose en vengeur de César, il décide de rentrer en Italie. Débarquant à Lupiae, près de Brindes (auj. Brindisi), à la fin du mois d’avril, il y apprend que, par son testament, César fait de lui son héritier et son fils en l’adoptant. Par ce moyen, Octave est désigné comme le successeur du dictateur assassiné ; il ne peut plus reculer devant son destin, malgré les objurgations de sa mère et de son beau-père. Il n’hésite pas à se rendre à Rome, où il arrive, comme un simple particulier, au début du mois de mai.

Il prétend ne venir réclamer que l’héritage de son père ; tout, dans son attitude modeste, semble le confirmer. Mais il met Antoine dans un cruel embarras ; accorder au jeune Octave ce qu’il demande revient à lui donner le pouvoir. Toute l’action d’Antoine consiste à empêcher les comices curiates de reconnaître l’adoption d’Octave par César ; sans cette reconnaissance, Octave ne pouvait légalement être considéré comme le fils de César.

La position d’Octave est difficile, mais Antoine n’ose pas l’attaquer de front, car le jeune homme possède

un grand rayonnement moral dû à sa piété envers César ; en juillet, il pré-

side les jeux en l’honneur de la victoire de César ; là apparaît une comète en qui le peuple croit reconnaître l’âme même du mort. Octave laisse mûrir la situation politique qui voit, peu à peu, se dresser face à face, au grand jour dé-

sormais, les sénateurs qui soutiennent les assassins de César, Brutus et Cassius, et Antoine, qui puise sa force dans la plèbe romaine.

Le 1er août 44, la rupture est consommée. Octave saisit l’occasion qui s’offre à lui ; à son appel, les vétérans de son père se regroupent autour de lui ; un accord avec le sénat (Cicéron en particulier) lui fait accorder l’imperium et le droit de dire son avis parmi les anciens consuls. Le 21 avril 43, l’armée sénatoriale bat Antoine devant Modène ; mais les deux consuls, Hir-tius et Pansa, ont été tués. Le triomphe du sénat est éphémère, car Octave réclame le consulat pour lui-même. Il est désormais en position de force, car les légions victorieuses d’Antoine lui sont entièrement dévouées ; le sénat ne lui offre que la préture ; il marche sur Rome et, le 19 août, il se fait nommer consul (bien qu’il n’ait rempli aucune des charges de la carrière des honneurs) avec comme collègue son cousin Q. Pedius. Il est le maître de Rome ; il révoque l’amnistie pour les meurtriers de César et, surtout, il oblige les comices à régulariser son adoption. Il devient alors C. Julius Caesar Octavia-nus, Octavien. Mais il n’aimera jamais être appelé ainsi ; d’ailleurs, pour tous, n’est-il pas déjà César ?

Il lui faut alors accomplir ce qui lui tient tant à coeur, venger la mort de César. Une seule solution lui semble possible dans ce dessein : s’entendre provisoirement avec Antoine et le grand pontife Lépide (Aemilius Lepi-dus), qui avaient regroupé 17 légions en Occident. L’entente est scellée à Bologne ; il en résulte la création d’un triumvirat constituant pour cinq ans (tresviri rei publicae constituendae).

Mais Octave sait combien les lois peuvent apporter de surcroît à la puissance des hommes ; aussi, avec l’accord de ses collègues, fait-il confirmer cette entente par un vote populaire ; la

lex Titia du 27 novembre 43 leur donne des pouvoirs quasi illimités.

Les triumvirs se partagent le gouvernement des provinces d’Occident ; Lépide a la Narbonnaise et l’Espagne, Antoine la Gaule Chevelue et la Cisalpine, Octave l’Afrique et la Sicile.

C’est sur cette puissance discrétionnaire pour « organiser les pouvoirs publics » qu’Octave établit les bases de sa future puissance.

Cette entente fait sombrer les derniers espoirs des républicains, contre qui les triumvirs se retournent. Trois cents sénateurs et deux mille chevaliers sont proscrits ; la terreur et le meurtre emplissent Rome ; Cicéron est assassiné. Tous les magistrats et les sénateurs doivent jurer de respecter les actes de César. Octave prend militairement le contrôle de l’Afrique, mais il laisse la Sicile occupée par les républicains de Sextus Pompée, le fils du grand Pompée. Puis Antoine et Octave regroupent leurs troupes, et, avec 19 légions, débarquent en Grèce, où se trouvent Brutus et Cassius avec des forces égales. Le choc décisif a lieu en deux temps, près de Philippes ; dans un premier moment, Octave voit son camp enlevé par Brutus, mais, sur l’autre aile, Antoine rétablit la situation contre Cassius, qui se suicide. Le 23 octobre 42, Antoine force la victoire ; Brutus se tue. Le rôle d’Octave a été médiocre dans le combat, il n’en est que plus cruel dans la victoire.

La bataille de Philippes marque le déclin et l’élimination progressive de Lépide ; il doit donner la Narbonnaise à Antoine et l’Espagne à Octave. Il reçoit l’Afrique en compensation. Antoine se rend en Orient, source inépuisable d’or et de richesses ; Octave revient en Italie, où il distribue des terres à ses vétérans en expropriant sans pitié de nombreux petits paysans.

Octave face à Antoine

Les républicains ont été éliminés, mais deux hommes, avec des ambitions immenses et semblables, restent face à face. Le conflit est désormais inévitable. C’est par l’intermédiaire d’un frère d’Antoine, Lucius, et de

la femme d’Antoine, Fulvie, que les premiers heurts se produisent ; ils profitent du mécontentement dû à la crise financière et économique pour soulever les légions de Gaule ; mais les lieutenants d’Octave les bloquent dans Pérouse, et les obligent à capituler. Antoine accourt à leur secours et fait le blocus de Brindes par terre et par mer. Cependant, les vétérans des deux armées ne veulent pas d’une guerre fratricide ; en octobre 40, une entrevue se termine par la « paix de Brindes ». Lépide ne conserve plus que l’Afrique ; en réalité, Antoine devient le maître de l’Orient et Octave celui de l’Occident. Ce dernier a compris quels atouts immenses (militaires et surtout psychologiques) il conserve en se downloadModeText.vue.download 547 sur 561

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 2

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maintenant en Occident et en reléguant son rival en Orient. La rivalité n’éclate pas encore au grand jour puisque, pour sceller cette « paix », Antoine épouse Octavie, la soeur d’Octave, alors veuve et enceinte de Caius Claudius Marcellus. Pour rendre évident leur accord, les deux triumvirs font ensemble une entrée triomphale dans Rome.

C’est à ce moment qu’Octave décide de mettre en application le plan qu’il a peu à peu élaboré. Il lui faut s’assurer le contrôle total de l’Occident, et y forger un instrument de combat terrestre et naval capable de s’opposer aux ar-mées d’Antoine. Après le départ d’Antoine (sept. 39), il entreprend d’éliminer Sextus Pompée, à qui la Sicile a été laissée par le traité de Misène, mais qui continue, malgré les accords, à contrô-

ler les routes maritimes, et peut à tout instant affamer Rome. Grâce à l’aide intelligente et compétente d’Agrippa, il possède bientôt une flotte qui lui permet de contrôler le détroit de Messine ; mais, par prudence, et après un échec de débarquement en Sicile, il demande une aide navale à Antoine. Celui-ci se rend en Italie avec de telles forces qu’un conflit semble prêt à éclater entre les deux hommes ; l’entremise d’Octavie permet une entente à Tarente