Выбрать главу

Le régime, pourtant, n’en reste pas à ce stade d’équilibre. En 23, un complot est découvert ; il regroupe de hauts personnages de l’entourage d’Auguste.

Celui-ci en est profondément affecté ; il est obligé d’éloigner certains de ses amis les plus chers (dont Mécène). De plus, il tombe malade et pense qu’il va mourir. En même temps, une crise éco-

nomique ébranle l’Italie. Nombreux sont les citoyens à réclamer un renforcement des pouvoirs du prince, jusqu’à la dictature s’il le faut.

Les décisions prises par Auguste in-fléchissent alors le principat vers l’absolutisme monarchique. En premier lieu, il dépose le consulat le 11 juillet 23 ; c’est marquer l’abandon pour lui-même des magistratures traditionnelles. Mais il revêt immédiatement d’autres pouvoirs. Le sénat lui accorde un imperium proconsulaire supérieur à celui de tous les autres magistrats, à vie et en dehors de toute magistrature ; il a désormais le droit de lever des troupes et d’intervenir partout dans l’empire.

C’est aussi un renforcement de la mystique impériale ; dorénavant, Auguste, par l’intermédiaire de ses généraux, est toujours victorieux et tire le bénéfice de la victoire, même s’il n’est pas pré-

sent au combat.

La décision la plus importante est prise le 1er juillet de la même année ; Auguste se fait de nouveau attribuer la puissance tribunicienne, qui lui sera désormais renouvelée tous les ans, et qui permettra, dans les titulatures, de compter les années de règne. C’est lui donner les pouvoirs des anciens tribuns de la plèbe ; c’est absorber dans une même personne les pouvoirs exécutifs et le droit de contrôle que possèdent les tribuns. Auguste, dès lors, détient les rouages vitaux de l’État ; le princeps peut légalement convoquer et présider le sénat et les comices, et leur soumettre des projets de loi. Par cet intermédiaire, Auguste peut accomplir son oeuvre législatrice et réformatrice.

Après cette date, Auguste refuse toutes les charges républicaines que le sénat ou le peuple veulent lui donner ; il n’en a plus besoin et elles peuvent, tout au contraire, être un obstacle à sa puissance (en particulier la censure à vie et la dictature). Cependant, en 19, il accepte le pouvoir consulaire viager. Il reçoit aussi la curatelle des lois et des moeurs, mais il ne s’en sert pas directement, alors que cette fonction comporte des prérogatives considérables (dont le droit de procéder au recensement).

Auguste a ainsi créé un régime nou-

veau, mais un régime qui ne s’est pas immédiatement affirmé. Le princeps n’a pas voulu exécuter ses réformes avec brutalité ; il a infléchi ce qui formait le substrat de l’État en se servant des plus vieilles fonctions de la res publica, mais en leur donnant un aspect nouveau non choquant pour ses contemporains. Il n’y a pas, de ce fait, de concept unitaire du pouvoir impé-

rial ; Auguste possède un pouvoir qui n’est pas une entité institutionnelle, mais est le regroupement de diverses prérogatives, les unes juridiques, les autres religieuses. Il est à la fois magistrat et chef religieux par l’intermé-

diaire du titre de grand pontife qui lui est donné en 12 av. J.-C., à la mort de Lépide.

Auguste réorganise

la cité

Après la période des guerres civiles, il faut recréer une société ordonnée où chacun ait une place et un rang définis qui permettent à tous de faire montre de leurs qualités.

Désormais, chaque classe sociale est nettement définie. Dans le sénat qu’Octave avait trouvé à son retour à Rome, après Actium, il y avait de nombreux magistrats qui n’avaient dû leur place qu’à leurs intrigues, leur influence ou leurs moeurs, et non à leurs qualités propres et à leur « dignité ». Dès 28, Octave, appuyé dans son action par les conseils éclairés d’Agrippa, révisa la liste des sénateurs et en exclut les plus tarés. Mais, surtout, il fit des sénateurs les composants d’un ordre officiel. Il décida qu’il n’y aurait plus que 600 sé-

nateurs et que ne pourraient accéder à l’assemblée que les personnes possédant au moins, comme fortune personnelle, un million de sesterces. La somme était assez peu élevée, mais elle permettait de garantir la tenue du rang. D’ailleurs, chaque fois qu’il le jugea bon, Auguste donna l’argent né-

cessaire à ceux qu’il voulait voir dans le sénat et qui ne possédaient pas le cens (en particulier de vieilles familles patriciennes financièrement déchues).

L’entrée du sénat est toujours réservée aux magistrats qui ont rempli les pre-downloadModeText.vue.download 549 sur 561

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 2

1086

mières charges de la carrière des honneurs ; mais, là aussi, Auguste exerce son contrôle, puisqu’il a le droit de proposer des candidats aux charges officielles et que le candidat du prince est sûr d’être élu.

Auguste ne se contenta pas de définir une élite dans la société romaine ; il organisa avec minutie un second ordre dans l’État, l’ordre équestre. Les chevaliers existaient depuis longtemps ; ils avaient joué un rôle politique important à partir du IIe s. av. J.-C. Or, leurs contours étaient mal définis, certains étant très proches du genre de vie des sénateurs. Désormais ils ne vivent plus que de la possession du sol, et, pour faire partie de l’ordre, il faut posséder au moins 400 000 sesterces de capital.

Mais le choix des chevaliers est réservé à l’empereur. L’ordre devient une pépi-nière de hauts fonctionnaires, qui ne se distinguent de l’ordre sénatorial que par l’infériorité relative de leurs fonctions et de leurs responsabilités.

Cette société est donc hiérarchisée, mais elle est aussi très souple, car n’importe quel citoyen peut, s’il a le cens et l’aval du prince, entrer dans l’ordre équestre, y faire une partie de sa carrière, puis accéder aux fonctions de rang sénatorial. Toutes les ambitions sont permises, à condition d’accepter le nouvel état de choses.

Ces deux ordres n’étaient ouverts qu’aux citoyens romains. Auguste rendit plus strictes les conditions d’accès à la citoyenneté. À la fin de son règne, l’accroissement du nombre des citoyens n’a été que de 900 000 unités (4 947 000 citoyens en 14 apr. J.-C.).

Cette faible augmentation est due au sentiment profond chez Auguste que le droit de cité est une dignité qui ne peut être accordée que comme récompense. Ce fut le moyen de rallier à Rome les notables locaux et de hâter la romanisation des provinces, ainsi que de montrer leur loyauté. En revanche, les masses barbares ne pouvaient plus espérer accéder en bloc à la citoyenneté romaine.

Une autre source de l’accès au droit de cité était l’affranchissement des esclaves. Sous la république, tout esclave affranchi par un citoyen devenait citoyen. Auguste se contenta de limiter dans sa portée réelle ce très ancien principe de droit. Plusieurs lois, édictées à l’instigation du prince, limitèrent d’abord l’affranchissement par testament (responsable des affranchissements massifs), puis obligèrent les citoyens qui voulaient libérer leurs esclaves à le faire dans les formes légales et solennelles pour que les affranchis puissent recevoir le droit de cité. De plus, elles empêchèrent toute une caté-

gorie d’affranchis (ceux qui avaient été condamnés avant leur libération) de passer dans la catégorie des citoyens de plein droit.