Comme tout homme, Auguste pos-
sédait un genius, cette puissance in-discernable qui assurait à chaque être son rayonnement vital. Très vite, les Romains prirent l’habitude de l’invoquer et de prêter serment sur lui. Ce genius fut aussi associé au culte des lares de carrefour qui étaient vénérés par la plèbe. C’était, mystiquement, donner plus de force au génie de l’empereur, et augmenter sa puissance déjà surhumaine.
Cette sacralisation était évidemment accentuée par sa filiation avec son père divinisé, le Divin Jules, à qui un temple avait été élevé sur le Forum dès 29. Cependant, il ne faudrait pas croire qu’Auguste était, de ce fait, considéré comme un dieu ; on ne lui rendait pas un culte vraiment personnel ; d’ailleurs le prince ne permit des temples à son nom que si ces édifices étaient dédiés à « Rome et Auguste », c’est-à-dire à la déesse Rome et à son représentant sur terre Auguste, qui n’était qu’un homme. Dans ce domaine, il se pré-
senta toujours comme respectueux de la tradition, et son attitude fut parfaitement comprise en Italie et en Occident.
Il n’en fut pas de même en Orient, où l’habitude était de diviniser un homme de son vivant, et où s’élevèrent très vite des temples en l’honneur du dieu Auguste.
Ce sont là les premières formes du culte impérial. Auguste sut les contenir, de son vivant, dans des limites presque purement romaines. Elles sont,
en tout cas, l’expression des croyances personnelles du princeps, de sa politique de prudence religieuse et de sa réponse au renouveau général du sentiment religieux.
Auguste organise
l’Empire dans la paix
Le désir d’ordre que nous voyons dans toute la politique d’Auguste se traduit par une administration régulière et qui veut être satisfaisante pour tous.
L’empereur prend seul les décisions, mais il sait s’entourer des hommes les plus compétents dans leur domaine ; c’est ainsi que se forme peu à peu un véritable conseil impérial, mais sans existence légale, ni composition fixe.
Dès 27 av. J.-C., les règles essentielles de l’administration des provinces ont été posées ; les anciennes provinces, pacifiées, sont laissées au gouvernement du sénat (ainsi l’Asie et l’Afrique) ; les gouverneurs portent le titre de proconsul et ne peuvent commander de troupes. Les autres provinces sont dites « impériales », et elles nécessitent la présence de troupes (ainsi la Syrie, la Gaule, l’Espagne).
Les gouverneurs en sont des légats propréteurs, choisis par l’empereur lui-même dans l’ordre sénatorial, sauf le préfet d’Égypte, qui est pris dans l’ordre équestre, car Auguste interdit à tout sénateur de pénétrer dans cette province sans son autorisation. Les petites provinces, mal connues, peu développées, sont aussi gouvernées par des magistrats de rang équestre, les procurateurs.
Cette réforme laisse entièrement dans les mains de l’empereur la direction de l’Empire. Certes, les proconsuls sont désignés par le sénat, mais, en réalité, ils n’échappent pas au contrôle impérial. Quant aux légats et aux procurateurs, ce sont des fonctionnaires que le prince déplace comme il l’entend ; ils reçoivent un traitement fixe et ne peuvent agir qu’avec l’accord de l’empereur. C’est une garantie pour le pouvoir central, mais c’est aussi une assurance pour les provinciaux, qui, en cas de conflit avec leur gouverneur, peuvent toujours faire appel au princeps.
L’administration financière rend encore plus évident le caractère absolu du pouvoir d’Auguste. Il fait remettre à jour le cadastre général de l’Empire, ce qui permet de faire une grande carte du monde, mais aussi de remanier les impôts, qui continuent à être affermés ; cependant, le contrôle effectué par les fonctionnaires impériaux est de plus en plus strict. Dorénavant, il y a distinction entre le trésor du sénat, l’Aerarium, formé des revenus de Rome, de l’Italie et des provinces sénatoriales, et le fiscus, trésor de l’empereur, alimenté par les revenus des provinces impériales. En réalité, les sénateurs à la tête de l’Aerarium sont des hommes de confiance de l’empereur, et les passages de fond d’une caisse à l’autre ne sont pas rares. De plus, dans toutes les provinces sénatoriales, l’empereur est présent dans le domaine financier par l’intermédiaire d’un procurateur.
La subordination du sénat est presque totale ; d’ailleurs, en 15 av. J.-C., Auguste se réserve la frappe de l’or et de l’argent, et ne laisse au sénat que la frappe des monnaies de bronze.
Cette puissance de l’empereur est accentuée par le fait qu’il est le maître des armées. À partir d’Auguste, l’ar-mée est permanente, et le service est de longue durée (vingt ans), si bien que, si les citoyens forment toujours les légions, ce sont pour la plupart des volontaires. Les chevaliers fournissent les officiers supérieurs, mais le commandement est donné dans chaque
légion à un légat de légion, délégué de l’empereur, et que ce dernier peut nommer ou destituer selon sa volonté. Cette armée, complétée par deux flottes, l’une à Misène, l’autre à Ravenne, est puissante, mais peu nombreuse relativement à l’immensité de l’Empire : 350 000 hommes avec les corps auxiliaires, les cohortes prétoriennes de Rome et les contingents alliés.
L’armée n’est pas pour Auguste un instrument de conquête. Sa politique extérieure est fondamentalement pacifique. Trois fois au cours de son règne il ferme le temple de Janus en signe de paix retrouvée. Mais l’Empire est loin d’être achevé ; de nombreuses régions sont encore mal contrôlées par les Ro-
mains ; sur les frontières existent un grand nombre de royaumes, ou principautés « protégées » : en Orient, les royaumes de Judée et de Commagène, les principautés de Palmyre, d’Émèse ; en Asie Mineure, les royaumes de Galatie, de Cappadoce, de Paphlagonie ; en Afrique, le royaume de Mauritanie. Auguste agit avec beaucoup de prudence ; il les laisse subsister, ne les transformant en provinces romaines que dans les cas de disparition du roi ou de force majeure ; c’est ainsi que, en 25 av. J.-C., Amyntas, le roi de Galatie, meurt ; le territoire devient province ; la Judée a le même sort en 6 apr.
J.-C. En revanche, Auguste refait de la Mauritanie un royaume, qu’il confie à Juba II, homme profondément pénétré de culture gréco-latine.
L’empereur doit pourtant se ré-
soudre parfois à intervenir pour rétablir le calme à l’intérieur de certains territoires qui, par leur instabilité, risquent de menacer l’équilibre de l’Empire tout entier. C’est le cas de 27 à 25 av. J.-C., où il dirige lui-même les opérations en Espagne ; les combats contre les Astures et les Cantabres durent jusqu’en 19, date à laquelle le territoire est réorganisé. Il en est de même pour la conquête des hautes vallées des Alpes, en 26, et pour la formation de la province des Alpes-Maritimes, en 14.
Cependant, les plus graves dangers devaient venir des frontières mal stabilisées et menacées par les Barbares.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 2
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En Orient, profitant des difficultés inté-
rieures des Arsacides, Auguste réussit à s’entendre avec le roi parthe Phraa-tès IV, qui, en 20 av. J.-C., doit rendre les enseignes prises aux Romains en 53 av. J.-C. Les difficultés en Occident sont plus grandes ; plusieurs campagnes, menées par Tibère, Agrippa et Germanicus, permettent de soumettre, le long du Danube, les Bastarnes et les Mésiens, puis les Pannoniens. De nouvelles provinces viennent s’ajouter à l’Empire : la Mésie en 6 apr. J.-C., la Pannonie en 10. Il en est de même