Fin de l’autonomie ukrainienne
Abolissant l’hetmanat en novembre 1764, Catherine II* le remplace par un deuxième « Collège petit-russien » et, en 1775, liquide la setch des Zaporogues. En 1781 est parachevée la fin de l’organisation autonome de l’Ukraine, et, en 1783, un oukase lie définitivement le paysan à la terre. En 1786, les biens de l’Église ukrainienne sont sécularisés.
L’Ukraine occidentale au XVIIIe s. est soumise à la noblesse polonaise. La région est affaiblie par une politique économique incohérente. L’activité intellectuelle est presque nulle. Le mouvement populaire des Gaïdamak naît.
Les partages successifs de la Po-
logne en 1772, 1793 et 1795 remo-
dèlent l’Ukraine : à l’Autriche-Hongrie reviennent la Galicie, la Bucovine et l’Ukraine subcarpatique ; à la Russie, la Kiévie, la Volhynie occidentale, la Podolie et la Biélorussie occidentale.
Ce nouveau partage modifie peu la vie nationale, sociale ou administrative du peuple ukrainien. Un retour à l’autonomie ukrainienne est ébauché sous le règne du fils de Catherine II, Paul Ier (1796-1801). La littérature devient le reflet de la vie nationale : les premiers chants de l’Énéide travestie, d’Ivan Petrovitch Kotliarevski (1769-1838), sont publiés en 1798 en langue ukrainienne.
La renaissance ukrainienne
Alexandre Ier* reprend la politique de Catherine II, mais une conscience nationale se développe.
Des universités et des lycées sont créés entre 1804 et 1835. L’intelligentsia ukrainienne compte parmi ses membres le poète Tarass Grigorievitch Chevtchenko (1814-1861) et l’historien Nikolaï Ivanovitch Kostomarov (1817-1885). En 1846 se forme la
« Confrérie de Cyrille et Méthode », dirigée par Chevtchenko ; elle a pour but de réaliser une future fédération des peuples slaves sur la base d’une entière liberté et d’une complète autonomie des nationalités. Dénoncée au printemps de 1847, elle subit une ré-
pression tsariste impitoyable qui arrê-
tera la vie littéraire en Ukraine pendant plus de dix ans.
En Galicie occidentale, la fondation à Lvov, à la faveur de la révolution de 1848-49, du « Grand Conseil ruthène »
marque la solidarité des Ukrainiens de Galicie avec ceux de l’Empire russe.
Mais l’espoir de 1848 est de courte durée ; la noblesse polonaise reste maî-
tresse de la Galicie, et la vie nationale ukrainienne stagnera de 1850 à 1860.
Sous Alexandre II*, après la guerre de Crimée de 1855, l’Ukraine russe connaît une période de calme ; les hommes politiques et littéraires rentrent d’exil, et les revues reparaissent. Mais, après l’insurrection polonaise de janvier 1863, la répression gouvernementale reprend : la circulaire de juin 1863, renforcée par l’oukase de 1866, étend la censure à toutes les publications en langue ukrainienne. La vie intellectuelle se transporte pour peu de temps à Lvov.
Déçue par Alexandre II, la jeu-
nesse ukrainienne commence à pen-
ser à la libération nationale par la révolution. Un professeur de l’université de Kiev, Mikhaïl Petrovitch Dragomanov (1841-1895), fait des
adeptes par ses idées nationales liées aux revendications politiques et sociales. Les mouvements intellectuels sont en pleine effervescence : en 1873, la « Société Chevtchenko » est fondée à Lvov. L’intérêt que les historiens occidentaux portent au pays inquiète le gouvernement tsariste : l’oukase d’Ems de 1876, qui interdit d’imprimer des ouvrages en ukrainien, restera en vigueur trente ans.
Les liens se resserrent entre Kiev et la Galicie. En 1882, une revue consacrée à l’histoire de l’Ukraine, la Kie-vskaïa Starina, est publiée en russe ; elle produira pendant trente ans un travail énorme. Des sociétés secrètes se forment : les gromadi (communautés). Dragomanov devient le
dirigeant de l’opposition radicale.
À la fin du XIXe s., le mouvement ukrainien a pris une grande ampleur sur le plan littéraire, scientifique et artistique et est passé des idées à la pratique.
L’économie elle aussi a évolué.
En agriculture, le blé et le sucre dominent. On peut parler de révolution industrielle avec la houille du Donets et les mines de fer de Krivoï Rog. Un prolétariat se forme, les villes grandissent, une bourgeoisie cultivée se manifeste. En 1860, l’Ukraine russe compte treize millions d’habitants.
Des cercles marxistes apparaissent dès 1875 à Odessa, entre 1880 et
1890 à Kiev et à Kharkov ; en 1897,
à Kiev puis à Iekaterinoslav sont créées les « Unions de combat pour la libération de la classe ouvrière », qui joueront un rôle important au premier congrès du parti ouvrier social-démocrate de Russie (P. O. S. D. R.)
[mars 1898] à Minsk. En 1899, les Ukrainiens obtiennent l’introduction de la langue ukrainienne dans les écoles primaires. Cependant, les grands problèmes sont maintenant à l’échelle de l’empire. Les partis politiques s’organisent : c’est ainsi que le parti ukrainien révolutionnaire est fondé en 1900. Le mouvement paysan de 1902 et les grèves politiques de 1903 jouent un rôle important
dans la préparation de la révolution de 1905-1907.
Lors de la guerre russo-japonaise de 1904, le gouvernement russe
cherche l’appui du mouvement
ukrainien : après la promulgation de la Constitution russe le 17 octobre 1905, les restrictions de 1876 sont annulées ; l’ukrainien sera reconnu comme langue nationale en février 1906.
De 1910 à 1914, le sort de l’Ukraine suit celui de l’empire tsariste. La politique répressive du gouvernement Stolypine frappe durement le mouvement national ukrainien.
La guerre civile
Après la révolution de février 1917, une dualité de pouvoirs s’instaure en Ukraine. En mars 1917, une Rada
(conseil) centrale, organe de la bourgeoisie ukrainienne, présidée par l’historien Mikhaïl Sergueïevitch downloadModeText.vue.download 18 sur 635
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Grouchevski (1866-1934), est créée à Kiev ; elle s’efforce d’obtenir l’autonomie ukrainienne. Cependant, le prolétariat et la masse paysanne d’Ukraine participent activement
aux actions révolutionnaires qui
se déroulent dans l’ancien empire
tsariste. Le premier « ouniversal »
(règlement) de la Rada (juin 1917) demande l’autonomie législative
sans séparation d’avec la Russie.
En novembre, la Rada annonce la
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création de la République populaire d’Ukraine.
Cependant, le pouvoir soviétique
est déjà établi dans quelques régions de l’Ukraine ; le 11 (24) décembre, à Kharkov, le premier congrès pa-nukrainien des Soviets proclame la République soviétique d’Ukraine ; le 9 (22) janvier 1918, la Rada centrale proclame l’indépendance totale de l’Ukraine.
Alors commencent des soulèvements armés dans tout le pays ; les forces bolcheviques occupent les grandes villes et sont à Kiev le 26 janvier (8 févr.) ; la Rada centrale se réfugie en Volhynie. Elle signe, le 9 février 1918, à Brest-Litovsk, un traité de paix séparé avec l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie qui donne le droit à ces deux États d’occuper l’Ukraine, ce qui est effectif en avril. La Rada est chassée à la fin d’avril par l’occupant, qui restaure l’hetmanat et met à sa tête Pavel Petrovitch Skoropadski (1873-1945). C’est le point de départ d’un formidable soulèvement populaire national. Le 13 novembre 1918, le gouvernement de Russie soviétique annule le traité de paix de Brest-Litovsk ; en décembre 1918, l’hetmanat tombe ; le 14 décembre se reconstitue un État antibolchevique éphémère, sous la direction de Simon Vassilievitch Petlioura (1877-1926), élu Président du Directoire de la Ré-