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de l’immortalité dans les tourments de l’enfer.

Arrive la guerre civile. Abel et Caïn se prennent à la gorge. Les contraires se tendront-ils pour se définir à un plus haut niveau, comme le souhaite, fidèle à sa vision cohérente du monde, Unamuno, recteur de l’université de Salamanque ? Hélas, l’un et l’autre trichent et se portent des coups bas. Unamuno descend dans la sanglante arène. Le soldat victorieux le consigne dans son logis. C’est là qu’il meurt, au sein de sa famille « charnelle », le dernier jour de l’année 1936.

L’histoire littéraire, pour la commodité didactique, fait d’Unamuno une figure principale de la « génération de 1898 », l’un des intellectuels artisans de la régénération de l’Espagne.

Or, l’écrivain se voit plutôt lui-même comme un « sanglier solitaire » ou un

« chartreux laïc ». Poète, il n’entre pas dans les cadres des mouvements contemporains. Romancier, il échappe aux critères traditionnels. Les philosophes le tiennent pour marginal, les hommes d’Église pour hérétique.

Comme don Quichotte, son maître,

Unamuno s’est porté témoin de la

Vérité totale, risquant la mésaventure ; comme lui, il n’a jamais cessé d’être l’humble hidalgo de son village, l’Espagne, et, à l’heure de la mort, comme lui, comme Emmanuel (comme le

Christ), il a mis fin à son roman, à sa divine mission sur terre. Ainsi étancha-t-il sa soif d’éternité, car il a rejoint les morts et les vivants qui ont fait et continuent à faire l’éternelle Espagne dans les transes de son histoire.

C. V. A.

& J. Ferrater Mora, Unamuno, Bosquejo de une filosofía (Buenos Aires, 1944). / M. García Blanco, Don Miguel de Unamuno y sus poesías (Salamanque, 1954). / F. Meyer, l’Ontologie de Miguel de Unamuno (P. U. F., 1955). / A. Guy, Unamuno (Seghers, 1964). / E. Salcedo, Vida de don Miguel (Salamanque, 1964 ; nouv. éd., 1972). / P. Ilie, Unamuno. An Existentialist View of Self and Society (Madison, Wisconsin, 1967).

Undset (Sigrid)

Femme de lettres norvégienne (Ka-

lundborg, Danemark, 1882 - Lilleham-mer 1949).

Fille d’un éminent archéologue nor-végien, elle se passionne très tôt pour l’histoire du Moyen Âge. Son père meurt lorsqu’elle a onze ans ; elle grandit à Oslo, où, dès l’âge de seize ans, elle est contrainte de gagner sa vie comme employée de bureau. Pendant ses loisirs, elle consacre de longues heures à l’étude des légendes médié-

vales et des sagas. Mais elle se sent aussi des attaches profondes avec la capitale norvégienne et elle comprend les problèmes du monde contemporain tels qu’ils se posent à la ville. Elle épouse en 1912 le peintre Anders Svarstad ; ils divorceront en 1925.

Sigrid Undset est tout d’abord ame-née à décrire ce qui l’entoure et expose surtout le relâchement des liens familiaux. Mais ce n’est pas la société qui, à son avis, est responsable : ce sont les individus eux-mêmes. Après Madame Martha Oulie (roman publié en 1907), dont l’héroïne est le modèle de la femme qui mérite son sort, et les deux nouvelles de l’Âge heureux, écrites l’année suivante, paraît en 1911 son premier chef-d’oeuvre, Jenny. L’auteur y raconte la lutte tragique d’une femme qui cherche à réaliser (en vain) son rêve d’amour et elle fait de ce roman une étude psychologique très pénétrante.

Les nouvelles groupées sous le

titre de Destins pauvres, publiées en 1913, sont le signe que les thèmes de la femme et du foyer, de la mère et de l’enfant sont ancrés dans son oeuvre.

À partir de Printemps (roman, 1914), c’est d’ailleurs l’enfant qui, de plus en plus, vient résoudre la question du bonheur, et notamment dans les nouvelles de 1918 : les Vierges sages. Les essais de Point de vue d’une femme (1919) retracent son évolution : si elle reconnaît un certain droit à l’émancipation, elle entend préserver les intérêts du foyer et des enfants.

Ce sont, dans l’ensemble, les mêmes conflits qui étayent les romans historiques, et le réalisme est d’autant plus frappant que le Moyen Âge n’a pour elle plus de secrets. Kristin Lavrans-datter, qui paraît de 1920 à 1922, est

une trilogie ayant pour cadre la Norvège du XIVe s. : le premier volume, intitulé la Couronne, évoque les jeunes années de Kristin et la lutte qu’elle mène contre son père pour épouser Erlend, l’homme qu’elle aime ; le deuxième, la Femme, traite des rapports et des heurts entre elle et son mari, tandis que le dernier, la Croix, apporte en conclusion l’image touchante de Kristin, qui, vieillie et humiliée, mais toujours forte, aide à soigner les malades souffrant de la peste dont ellemême sera victime. Les quatre tomes d’Olav Audunssøn, publiés entre 1925

et 1927, dont l’action se déroule à la fin du XIIIe s., sont aussi l’histoire tragique d’un amour et d’un mariage, dominée par le personnage bien campé du héros.

En 1928, l’oeuvre de Sigrid Undset est couronnée par la remise du prix Nobel de littérature.

Cependant, sa conversion au catholicisme, dès 1924, est l’aboutissement logique de sa pensée. Non seulement ses nombreux essais, parmi lesquels il faut citer les deux séries d’Étapes, qui paraissent en 1929 et en 1933, ainsi que Saints norvégiens (1937), mais encore ses nouveaux romans contemporains reflètent ses convictions religieuses : Gymnadenia et le Buisson ardent,

parus en 1930, qui sont également le récit d’une conversion ; Ida Elisabeth (1932), dans lequel une mère, pour le bien de ses enfants, se force à rester avec son mari, un être misérable ; l’Épouse fidèle (1936), qui reprend sous une autre forme, avec peut-être moins de fraîcheur artistique, l’histoire de la femme résignée, comme l’était l’héroïne de Printemps.

Dans Madame Dorthea (1939), Si-

grid Undset décrit la fin du XVIIIe s. avec autant de pénétration que le Moyen Âge ou les Temps modernes. Ses portraits d’enfants y sont particulièrement attachants. Elle conte par ailleurs les impressions de sa propre enfance dans l’ouvrage autobiographique intitulé Onze Années (1934).

Entre-temps, elle prend ouverte-

ment parti contre le nazisme dans une série d’essais et d’articles virulents.

Quand, en 1940, les Allemands oc-

cupent la Norvège, elle doit se réfugier aux États-Unis. Sa fuite par la Suède

et la Russie est au centre de Retour à l’avenir (1942) ; et en 1943 paraît un livre de souvenirs qui porte le titre de Jours heureux en Norvège. Sigrid Undset rentre en Norvège en 1945 où elle trouve la force de terminer son importante biographie de Catherine de Sienne, dont l’édition posthume est de 1951.

Romancière admirée, polémiste

redoutable, elle a la franchise d’accepter la réalité telle quelle et le don de la reproduire dans un style narratif fécond et soutenu, élargissant ainsi l’horizon de la littérature norvégienne.

J. R.

& A. H. Winsness, Sigrid Undset ; une étude dans le réalisme chrétien (en norvégien, Oslo, 1949). / H. H. Moen, Notes sur les romans du Moyen Âge de Sigrid Undset (en norvégien, Oslo, 1950). / N. Deschamps, les Femmes dans les romans de Sigrid Undset (Université de Paris, 1962).

Ungaretti

(Giuseppe)

Poète italien (Alexandrie, Égypte, 1888 - Milan 1970).

Le père d’Ungaretti, originaire de Lucques (Toscane), avait émigré en Égypte pour travailler comme manoeuvre au percement du canal de Suez.

Il mourut en 1890 d’un accident du travail. Malgré les maigres ressources de sa famille, Ungaretti eut une scolarité régulière, complétée par la lecture de Leopardi et des symbolistes français (Baudelaire, Mallarmé, Laforgue) ainsi que par la fréquentation des milieux cosmopolites d’Alexandrie, où il se lia d’amitié avec Enrico Pea (1881-1958), le pittoresque auteur de Moscardino (1922), qu’Ezra Pound traduisit en anglais.

En 1912, il quitte l’Égypte pour

une brève visite à sa terre ancestrale, puis pour Paris, où l’accompagne un ami égyptien, Mohammed Sceab, qui se suicidera peu après et dont plusieurs poèmes (dans Il Porto sepolto et la Guerre) rappellent le souvenir. Il s’inscrit à la Sorbonne et suit les cours de Bergson au collège de France. Il devient l’ami d’Apollinaire et entre en