(selkor) aux journaux de Smolensk, où il est accueilli et encouragé par son aîné, le poète Mikhaïl Vassilievitch Issakovski (1900-1973), qui traite de sujets ruraux en s’inspirant des formes de la chanson populaire. Un premier séjour à Moscou, où la revue Oktiabr a publié quelques-uns de ses poèmes, ne lui permet pas de percer. Il revient à Smolensk, où il commence à l’École normale des études qu’il achève à Moscou, à l’Institut de philosophie, littérature et art (MIFLI) [1936-1939].
Membre de l’organisation locale
de la jeunesse communiste (Komso-
mol), engagé, avec sa génération, dans la transformation socialiste des campagnes, en particulier au moment de la collectivisation (1930-1932), Tvardovski consacre à ce sujet ses deux premières oeuvres de longue haleine, le poème Pout k sotsializmou (la Voie du socialisme, 1931), description d’un kolkhoze qui porte ce nom, écrite en vers libres et dans un langage délibéré-
ment « dépoétisé », pauvre en images et abondant en prosaïsmes, et Vstouplenie (l’Introduction, 1933), où il s’efforce de reconstituer une forme poétique spontanée et populaire à partir d’élé-
ments rythmiques empruntés aux proverbes et aux dictons. La célébrité lui vient avec un troisième poème, Strana Mouravia (le Pays des merveilles, downloadModeText.vue.download 4 sur 635
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1936), qui obtiendra en 1941 le prix Staline. Il y crée, à partir du motif folklorique de la quête d’un pays de rêves, un personnage de paysan mi-réel, mi-légendaire, Nikita Morgounok, qui, au terme de sa quête, trouve le bonheur dans un kolkhoze.
Il revient ici aux formes rythmiques traditionnelles de la poésie et de la chanson, qu’il renouvelle cependant par la variété et la liberté de ses intona-tions narratives, et par la saveur d’une langue populaire riche et drue.
Appelé dans l’armée rouge en 1939, Tvardovski participe en qualité de cor-
respondant de guerre à l’occupation de la Pologne orientale, puis à la guerre russo-finlandaise, et enfin à la Seconde Guerre mondiale. Il crée alors, dans un feuilleton en vers publié dans la presse de 1942 à 1945 (Vassili Terkine. Kniga pro boïtsa [Vassili Terkine. Le livre du combattant]), le personnage de Vassili Terkine, type du simple soldat, c’est-
à-dire de l’homme du peuple incarnant les qualités nationales d’astuce, de bonne humeur, d’endurance et de courage tranquille, poussé s’il le faut jusqu’à l’héroïsme : c’est l’oeuvre la plus populaire de la littérature de guerre, et peut-être même de toute la littérature soviétique.
Au lendemain de la guerre, le poème Dom ou dorogui (la Maison au bord de la route, 1946) décrit celle-ci sous son aspect de tragédie nationale. Il témoigne d’un approfondissement lyrique et philosophique de l’inspiration de Tvardovski et de son métier poé-
tique. Cette évolution se confirme dans le poème Za daliou-dal (Lointains sans limites), commencé en 1953, achevé et publié en 1960, à la faveur du dégel : le thème du voyage dans l’espace et dans le temps y sert de fil conducteur à une méditation sur les destinées de la nation à la lumière de la grande crise morale de la déstalinisation : Staline y est décrit comme un sinistre despote oriental. La critique du stalinisme lui inspire dès 1954 une suite satirique à Vassili Terkine, Vassili Terkine na tom svete (Vassili Terkine dans l’autre monde), publiée en 1963, qui donne à l’enfer où échoue le héros les apparences d’un fantastique labyrinthe bureaucratique évoquant l’univers stalinien. La veine lyrique et réflexive reprend ses droits dans les deux derniers recueils, Stikhi iz zapisnoï knijki (Vers tirés d’un carnet, 1961) et Iz liriki etykh let (Choix de poésies de ces dernières années, 1967).
Rédacteur en chef de la revue Novyï Mir de 1950 à 1954, Tvardovski y
publie dès avant la mort de Staline des oeuvres (telles que les chroniques rurales de V. V. Ovetchkine) qui
anticipent sur la littérature du dégel.
Revenu à sa tête en 1958, il utilise sa popularité et la confiance dont il jouit auprès de certains dirigeants du parti (il est désigné en 1961 comme candi-
dat au Comité central) pour soutenir des critiques tels que V. I. Lakchine, Siniavski, Igor Vinogradov et des écrivains tels que V. P. Nekrassov, B. A. Mojaïev, V. V. Bykov et surtout Soljenitsyne*, qui défendent ou incarnent l’idéal d’une littérature lucide et libre, profondément engagée dans une critique impitoyable du stalinisme et de ses séquelles et jouant par là le rôle d’une conscience sociale.
Privé en 1964 de son principal appui politique par la chute de Khrouchtchev, et affaibli par la maladie, il continue néanmoins, au milieu de critiques et de pressions de plus en plus insistantes, à faire de Novyï Mir le bastion des idées libérales, mais il sera contraint de dé-
missionner peu avant sa mort, en 1970.
M. A.
& A. M. Tourkov, Aleksandr Tvardovski (en russe, Moscou, 1960 ; nouv. éd., 1970). /
P. F. Rochtchin, Aleksandr Tvardovski (en russe, Moscou, 1966).
Twain (Mark)
Pseudonyme de SAMUEL LANGHORNE
CLEMENS, écrivain américain (Florida, Missouri, 1835 - Redding, Connecticut, 1910).
Longtemps considéré comme un
vulgaire humoriste et un conteur pour enfants, Mark Twain apparaît au XXe s.
comme l’un des plus grands écrivains américains. Depuis 1920, son influence a marqué la plupart des romanciers américains, qui voient dans les Aventures d’Huckleberry Finn (1884) le premier roman véritablement amé-
ricain. Hemingway écrit : « Toute la littérature américaine moderne descend d’un livre de Mark Twain intitulé Huckleberry Finn. C’est le meilleur livre que nous ayons eu. Tout ce qui s’est écrit en Amérique vient de là. »
Cette influence de Mark Twain se
marque sur deux plans principaux : celui du style et celui du sujet. Il arrache la littérature américaine à l’Europe. Avant lui, l’écrivain américain transcrivait en rhétorique anglaise.
Twain, lui, exploite les ressources de la langue populaire et des patois de l’Ouest pour créer un style parlé dont le rythme et les structures sont ceux du
conteur populaire oral. Étranger aux coteries littéraires de l’Est, cet outsider du Far West libère la prose américaine des contraintes rhétoriques et la ramène à la parole directe et concrète, source vive de la littérature. « Mark Twain, écrit T. S. Eliot, a découvert une nouvelle manière d’écrire. Il faut le placer avec Dryden et Swift parmi les écrivains qui ont renouvelé la langue et donné un sens nouveau aux mots de la tribu. »
Cette qualité vient des origines
populaires de Twain. Ce n’est pas un
« homme de lettres ». Marinier, chercheur d’or, reporter, c’est un homme du peuple qui sort le roman de la tour d’ivoire des salons de Boston et ouvre la littérature au grand vent d’ouest. Il a peu de culture et pas de bon goût.
Mais il donne à voir l’Amérique avec ses personnages pittoresques et ses immenses paysages. Twain est grand parce que l’Amérique est grande, brutale, crue, et qu’il la montre tout en-tière dans son grand mouvement vers l’ouest, avec cette force, cette violence et cet humour qui marquent l’Amé-
rique de la fin du XIXe s.
Samuel L. Clemens est né dans
l’Ouest, sur la « Frontier », en 1835, dans un hameau perdu sur un affluent du Mississippi, la Rivière salée. En 1839, son père, épicier mythomane, s’installe à Hannibal (Missouri), sur les bords du Mississippi ; Twain y vit de quatre à douze ans : il en transpose les décors et les personnages dans Huck Finn et Tom Sawyer. Dans ce village de l’Ouest, on laboure le fusil sur l’épaule.
Si Huck se met si facilement hors la loi, c’est qu’il vit dans un monde de violence, de lynchage et d’esclavage.
Soumis à l’éducation puritaine d’une mère ambitieuse, Clemens restera toute sa vie déchiré entre ses goûts anarchistes et ses aspirations mondaines.