Mais, avec le succès, viennent les difficultés. L’économie bolivienne est en faillite (les « barons de l’étain »
contrôlent la fonte et la commercialisation du minerai) et n’est sauvée que par l’aide américaine, ce qui provoque un virage politique à droite, des concessions à l’impérialisme et des dissensions internes que Paz Estenssoro réussit à arbitrer jusqu’en 1964.
La formation du P. R. A. (parti révolutionnaire authentique), aile droite du M. N. R., et celle du P. R. IN. (Parti ré-
volutionnaire international), à gauche, sont à l’origine de l’épreuve de force engagée entre le gouvernement et les mineurs.
En 1964, l’armée commandée par le général René Barrientos renverse Paz Estenssoro.
Depuis 1964 :
le gouvernement
militaire
Barrientos est populaire dans certaines régions ; fort de l’appui des milices paysannes locales, il brise les oppositions, partis, étudiants, syndicats, et donne à l’armée la gloire de tuer le commandant « Che » Guevara (oct.
1967). Le groupe de guérilla de Guevara a fonctionné de mars à octobre 1967 ; mais il a dû se contenter de la défensive à cause du manque d’appui rencontré chez les paysans et aussi par suite de la défiance des forces de gauche boliviennes. Régis Debray, jeune intellectuel français qui a accom-
pagné Guevara, est jugé et condamné à trente ans de prison ; il sera libéré en décembre 1970.
Barrientos ayant trouvé une mort
accidentelle en avril 1969, le général Alfredo Ovando Candía s’empare du pouvoir, en septembre, après un bref intermède où le pouvoir civil (présidence de Luis Siles Salinas) démontre son impuissance. Ovando, qui a soutenu Barrientos dans sa politique d’appel à l’investissement étranger, surprend tout le monde en nationalisant (oct.
1969) la Gulf Oil Co. trois semaines après le coup d’État. Mais, en juillet 1970, les guérilleros réapparaissent, la répression s’abat sur la gauche, et le général Ovando proclame l’état d’urgence ; il est chassé, en octobre, par un général de droite, Rogelio Miranda, qui est aussitôt écarté par le général Juan José Torres, favorable aux mouvements de gauche. Celui-ci est renversé en août 1971 par un coup d’État militaire, appuyé par le M. N. R., qui place le colonel Hugo Banzer Suárez à la présidence de la République.
J. M.
L’ÉCONOMIE
L’agriculture andine et
la réforme agraire
Dans la partie andine des vallées ou du haut plateau, l’agriculture se pratiquait traditionnellement dans le cadre de trop petites propriétés ou de trop grandes propriétés, celles-ci héritées de la période espagnole, et où travaillait une main-d’oeuvre abondante et très misérable.
En 1952, le gouvernement mit en
place une réforme agraire qui consista à installer quelque 110 000 chefs de famille sur environ 4 millions d’hectares provenant de l’expropriation des grands propriétaires fonciers, distribués aux ouvriers agricoles. Mais cette réforme aboutit à une baisse sensible de la production, car si les paysans avaient reçu des terres, ils n’avaient par contre ni les possibilités financières et techniques ni les connaissances scientifiques nécessaires pour diriger
une exploitation et améliorer l’économie agricole. Aussi, faute d’une telle aide, le paysan est-il resté très pauvre ; la réforme agraire n’a guère changé les conditions de vie.
L’exploitation des
ressources du sous-sol
En dehors de cette agriculture d’autosubsistance, l’essentiel de l’économie repose sur l’exploitation des richesses du sous-sol et en particulier des mines d’étain. Mais ces mines sont situées, dans le haut plateau ou dans la Sierra, à des altitudes souvent supérieures à 4 000 m et loin des axes de circulation qui permettent d’évacuer le minerai.
Anciennement propriétés presque
exclusives de grandes sociétés étrangères, les mines les plus importantes furent nationalisées en 1952, tandis que se créait une corporation minière de Bolivie (Comibol). C’est désormais celle-ci qui exploite les 24 grandes mines nationalisées, représentant environ 80 p. 100 de la production. À
côté de ces mines principales, quelque 2 000 autres petites exploitations mi-downloadModeText.vue.download 520 sur 583
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 3
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nières appartiennent à des propriétaires privés.
Les mines emploient environ
41 000 ouvriers mineurs : 26 000 travaillent dans les exploitations nationalisées et 15 000 dans les petites mines.
La situation du mineur est précaire ; mal payé, mal logé, il est souvent victime de maladies diverses, en particulier tuberculose et silicose. Sa moyenne de vie est inférieure à trente-cinq ans.
La nationalisation n’a guère amé-
lioré une situation de misère, cause de conflits aigus entre les travailleurs et le gouvernement.
La Bolivie tire encore quelques ressources des gisements de pétrole (dans la partie orientale), exploités par des compagnies nord-américaines.
L’étain représente plus de 60 p. 100
des exportations (généralement infé-
rieures aux importations), dirigés pour plus d’un tiers vers les États-Unis, qui fournissent une part égale des achats boliviens.
Aussi bien par la faible productivité et la précarité des activités agricoles que par les difficultés de l’exploitation minière, la Bolivie est un pays très pauvre, l’un des pays d’Amérique latine où le revenu par habitant est le plus faible.
Ce bas niveau de vie se reflète dans le paysage des villes, peu nombreuses ; en dehors de la capitale effective La Paz, qui compte environ 600 000 habitants, deux autres villes dépassent 100 000 habitants (Cochabamba et
Oruro).
Les autres villes, dont les plus
connues sont Sucre (85 000 hab.) et l’ancienne ville de l’argent, Potosi (97 000 hab.), sont le plus souvent de petites agglomérations minières ou de petits centres agricoles dont le paysage urbain exprime la pauvreté désolante des habitants.
M. R.
LA LITTÉRATURE
V. hispano-américaines (littératures).
F Amérique latine / Andes / Paz (La).
A. Arguedas, Historia general de Bolivia (La Paz, 1922). / G. R. Moreno, les Derniers Jours de la colonie dans le Haut-Pérou (Nagel, 1954).
/ C. Fain, Bolivie (Arthaud, 1955). / J. Pands Gutierez, Bolivia y el mundo. Geografía eco-nomica (La Paz, 1957). / R. J. Alexander, The Bolivian National Revolution (New York, 1958).
/ H. Vásquez, Manual de historia de Bolivia (La Paz, 1958). / R. Ruiz Gonzales, Bolivia, el Prometeo de los Andes (Buenos Aires, 1961).
/ D. E. Ibarra Grasso, Prehistoria de Bolivia (La Paz, 1965). / P. Cunill, l’Amérique andine (P. U. F., coll. « Magellan », 1966). / R. Vasquez Diaz, la Bolivie à l’heure du Che (trad. de l’espagnol, Maspero, 1968). / T. Wyrwa, les Républiques andines (L. G. D. J., 1973).
L’art
Les deux créations originales de l’art colo-
nial bolivien sont les églises à parvis et à chapelles ouvertes (posas) et l’architecture dite « métisse ». Dans le domaine de la peinture, il convient de souligner l’apport de Melchor Pérez de Hölguín.
ARCHITECTURE
L’église de Caquiaviri (1560) est le plus ancien édifice colonial de Bolivie. Après la conquête espagnole, le besoin de vastes lieux de culte naît avec les progrès de l’évangélisation : les architectes imaginent d’adjoindre aux églises un parvis sur lequel donnent des chapelles ouvertes, ou posas, permettant à de grandes foules de suivre les offices de l’extérieur. Cette formule, qui persista en Bolivie jusqu’au XVIIIe s., offrait en outre l’avantage de ne pas rompre avec la tradition séculaire des cérémonies en plein air. Les exemples les plus connus en sont les églises de Copacabana (porche commencé en 1640) et de Manquiri. Celle-ci se dresse sur une plateforme artificielle de plus de 15 m de haut, et présente une analogie frappante avec certains édifices cultuels préincaïques.