Выбрать главу

tour d’un registre conceptuel restreint, mais Bonald, dans une lutte dramatique contre ses propres limites, recherche la cohérence et l’unité à travers une sorte d’algèbre mentale.

En appliquant le terme social à

l’homme, Bonald s’efforce d’éliminer toute conception contractuelle pour dégager la constitution fondamentale de l’être humain, de la naissance au tombeau. Social il est dans sa famille, la société politique, la société religieuse et devant Dieu. Créant l’homme comme être social, Dieu lui confère le langage et par là lui permet de s’éveiller à la pensée. Bonald se place parmi les précurseurs de la linguistique moderne. Précurseur, Bonald l’est aussi par la notion de nature humaine, qui n’est pas un donné initial, mais un idéal historique à atteindre dans la civilisation et la culture.

L’idéal de Bonald est celui d’un

légitimiste meurtri par la séparation de la société politique et de la société religieuse, qui entend montrer que, par Constitution divine et naturelle, les deux sociétés sont indissolublement liées comme le corps et l’âme ou encore le père et la mère. Une société monarchique, certes, mais où les corps intermédiaires ont une fonction média-trice indispensable, d’où la trilogie : pouvoir - ministre - sujet. Le parallé-

lisme entre la société politique et la société religieuse est grand, mais le gentilhomme gallican veille et s’arrête aux bords de la théocratie : la société politique a un monarque terrestre, mais la société religieuse n’a qu’un « vicaire », le monarque étant Jésus-Christ.

Bonald, en reliant toute responsabilité sociale au sacrifice du Christ, est l’initiateur d’une profonde spiritualité du service public.

J. G.

C. Maréchal, la Jeunesse de La Mennais (Perrin, 1913). / H. Moulinié, De Bonald, la vie, la carrière politique, la doctrine (Alcan, 1915). /

F. Baldensperger, le Mouvement des idées dans l’émigration française (Plon, 1925 ; 2 vol.). /

A. Latreille, l’Église catholique et la Révolution française (Hachette, 1949 ; 2 vol.). / D. Bagge, le Conflit des idées politiques en France sous la

Restauration (P. U. F., 1953). / J. Gritti, Bonald (Bloud et Gay, 1962).

Bonaparte (les)

Famille dont est issu l’empereur

Napoléon Ier.

Sous l’Empire, des généalogistes

complaisants n’ont pas manqué de rattacher la famille Bonaparte à la gens Julia de la Rome antique, aux empereurs d’Orient ou à des souverains lombards. Napoléon les renvoyait à son frère Joseph, le « généalogiste de la famille », et n’accordait aucun cré-

dit à leurs flatteuses fantaisies. Il avait l’habitude de dire que sa noblesse « ne datait que de Montenotte ou du dix-huit brumaire ». Noblesse ancienne pourtant, si on rattache les Bonaparte à la famille lombarde des Cadolingi qui, avant 1100, se divise en trois branches, établies à Bologne, Trévise et Florence.

La branche florentine donne naissance aux Bonaparte de San Miniato et aux Bonaparte de Sarzane. Vers 1520,

l’un de ces derniers, François, passe en Corse et s’y fixe. Ses descendants downloadModeText.vue.download 532 sur 583

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 3

1629

sont presque tous des magistrats ou des avocats. Au XVIIe et au XVIIIe s., la république de Gênes reconnaît leurs titres de noblesse ; les autorités françaises prendront la relève. Bonaparte, bona parte, le « bon parti », cette famille est parfaitement honorable, sans ambition particulière, mais d’une fortune plutôt médiocre.

Elle a pour chef, au moment où

la Corse devient française (1768), Charles Marie Bonaparte. Douze

enfants naîtront de son union (1764) avec Letizia (ou Laetitia) Ramolino.

Huit survivront : Joseph, Napoléon, Lucien, Elisa, Louis, Pauline, Caroline et Jérôme. Letizia, jeune femme presque totalement illettrée, a « un grand caractère, de la force d’âme », et surtout se donne beaucoup de mal pour élever les siens. Charles, s’il a

« de la chaleur et de l’énergie », est de tempérament léger, dépensier, ver-

satile ; après avoir appuyé le mouvement séparatiste de Paoli, il se rallie à la France, fait, à son tour, reconnaître les titres de noblesse de sa famille et obtient des bourses pour ses trois aînés.

Aussi Napoléon est-il admis au collège de Brienne (1779), puis à l’École militaire de Paris (1784). Quelques mois plus tard, Charles meurt d’un cancer à l’estomac.

Chef du clan Bonaparte

Chef de famille non pas de droit

(Joseph est son aîné d’un an), mais de fait, Napoléon prend en charge les siens lorsqu’ils arrivent à Toulon (1793), ayant dû fuir la Corse devant les paolistes. Naguère, il s’est occupé de l’éducation de son cadet, Louis ; aujourd’hui, il améliore de sa solde la vie très difficile de sa mère et de ses soeurs dans le Midi. S’il manifeste quelque irritation devant le mariage (1794) du plus doué de ses frères, Lucien, avec Christine Boyer, la fille d’un aubergiste, il laisse faire l’union de Joseph, la même année, avec Julie Clary, fille d’un riche négociant. Le futur empereur est l’âme du « clan » Bonaparte ; c’est lui qui met en selle les uns et les autres, leur obtient des postes, tour à tour « banquier », « homme d’affaires » du groupe. Mais une ombre ternit ces rapports : juste avant de partir pour l’armée d’Italie, Napoléon épouse Joséphine de Beauharnais (1796),

au grand scandale de la famille, qui n’admettra jamais cette créole, l’ « in-truse ». L’année suivante, autre acte d’autorité : il rompt la liaison de Pauline avec l’ex-Montagnard Fréron et la marie à l’honnête général Leclerc ; en revanche, il accepte, sans enthousiasme, qu’Elisa épouse un médiocre officier, Félix Baciocchi.

L’ascension de Napoléon profite

à Joseph : après plusieurs mois passés comme ambassadeur à Rome, il

revient à Paris pour se faire élire, en même temps que Lucien, au Conseil des Cinq-Cents (1798). Au retour de l’expédition d’Égypte, les deux frères accueillent avec satisfaction le nouvel Alexandre. Pourtant, le 19 brumaire an VIII (10 novembre 1799), Lucien

joue un rôle décisif dans la carrière de Napoléon. Lorsque, accueilli par les Cinq-Cents aux cris de « Hors-la-loi ! », ce dernier sort bouleversé de l’Orangerie de Saint-Cloud, Lucien, qui préside l’assemblée, tente de tenir tête aux députés. Hué à son tour, il va rejoindre son frère, monte à cheval à ses côtés et harangue les grenadiers du Corps législatif, les convainquant que les « audacieux brigands » des Cinq-Cents se rebellent contre les Anciens et contre le général chargé de l’exé-

cution des décrets. Les députés seront dispersés. Lucien a sauvé une situation lourdement compromise, ce que Napoléon acceptera de mauvaise grâce ; c’est peut-être de ce jour de brumaire downloadModeText.vue.download 533 sur 583

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 3

1630

que date l’hostilité qui ne cessera de les opposer. Quoi qu’il en soit, en récompense, Lucien est nommé ministre de l’Intérieur (1800), puis obtient l’ambassade de Madrid.

« Je n’aime pas

ces mariages

d’amourettes... »

Plus que jamais, Napoléon, désor-

mais au pouvoir, estime avoir un droit de regard sur sa famille. Il facilite le mariage de la coquette Caroline « à l’ambition désordonnée » avec Murat (1800), laisse la même année Joseph conclure un traité avec les États-Unis ainsi que les paix de Lunéville (1801) et d’Amiens (1802). Pense-t-il aussi déjà à sa succession ? Il marie (1802) sa belle-fille, Hortense de Beauharnais, avec son protégé, Louis, au caractère sombre et anxieux. « Nous n’aurons peut-être pas d’enfants, dit-il à José-

phine. J’ai élevé Louis, je le regarde comme un fils. Ta fille est ce que tu chéris le plus au monde. Leurs enfants seront les nôtres... » Mais il se méfie surtout de l’esprit d’intrigue et d’in-soumission de Lucien : lorsqu’on lui annonce que celui-ci, après la mort de sa femme, a épousé secrètement (1803) Alexandrine de Bleschamp, veuve du spéculateur ruiné Jouberthon, sa colère éclate devant ce « mariage de carna-