tienne » (E. Gilson). En tout cas, c’est une admirable expression théorique de la spiritualité de François d’Assise.
C’est à partir de là que se comprend la vision que Bonaventure a du monde, de l’homme, de Dieu créateur, sa théologie du Christ et de la Trinité, sa lecture de l’histoire sainte, son épistémologie chrétienne et rationnelle.
M. D. C.
E. Gilson, la Philosophie de saint Bonaventure (Vrin, 1924). / E. Longpré, « Bonaventure », dans le Dictionnaire de spiritualité, t. I (Beauchesne, 1937). / J. Ratzinger, Die Ges-chichtetheologie des Heiligen Bonaventura (Munich, 1959). / J. G. Bougerol, Introduction à l’étude de saint Bonaventure (Desclée, 1962) ; Saint Bonaventure et la sagesse chrétienne (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1963) ; Lexique saint Bonaventure (Éd. franciscaines, 1969). / F. Van Steenberghen, la Philosophie du XIIIe siècle (Louvain, 1966). / Actes du colloque saint Bonaventure (« Études franciscaines », 1968).
Bonhoeffer
(Dietrich)
Théologien protestant allemand (Breslau 1906 - camp de concentration de Flossenbürg 1945).
Issu d’une famille aristocratique luthérienne, il décide à seize ans de devenir pasteur et se met à l’école des meilleurs théologiens de son temps, et notamment de Karl Barth. Vicaire d’une paroisse à Wedding, un des
grands quartiers ouvriers de Berlin, il y découvre l’ampleur et le tragique du problème social, qu’il rencontre dans une dimension nouvelle au cours d’une année d’études supplémentaires à New York, où il fréquente assidûment le quartier de Harlem. Au cours de cette première période de sa vie, le stade de la formation et des débuts de l’enseignement universitaire, de 1927 à 1933, il poursuit une exigeante recherche ec-clésiologique, jalonnée par la parution de deux ouvrages : Sanctorum communio (1930) et Acte et être (Akt und Sein, 1931). Face à l’émiettement et au désarroi du protestantisme d’alors, il insiste pour que l’Église redevienne le lieu d’enracinement et le point d’application du travail théologique. Avec une intuition véritablement prophétique, il souligne que le temps est court et que l’heure de l’épreuve pourrait bien ne pas tarder à sonner.
Elle se présente très vite ; Bonhoeffer est à Berlin le 30 janvier 1933, lors de la prise du pouvoir par Hitler. Dès février, prêchant à la radio, il dénonce l’approbation massive donnée au
« Führer », qui pourrait bien devenir un
« Verführer », un séducteur : l’émission est interrompue. L’intervention de l’État dans la structure même de l’Église et, en particulier, le fameux
« paragraphe aryen » interdisant aux chrétiens d’origine juive de faire partie de la même communauté que les autres le conduisent à rejoindre les rangs de ceux qui, à la suite de Barth et de Martin Niemöller, organisent la résistance spirituelle au nazisme.
En 1934, au synode de Barmen,
est rédigée et votée la « déclaration théologique » qui sera la charte de
« l’Église confessante » (bekennende Kirche), la communauté de l’annonce
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 3
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inconditionnelle de l’Évangile en face de la nouvelle idolâtrie nationaliste et raciste. Mesurant qu’il est désormais engagé dans un combat impitoyable, Bonhoeffer, une dernière fois, prend du recul : le voilà, de l’automne 1933 au printemps 1935, pasteur de la communauté allemande de Londres. Puis il est chargé, par l’Église confessante, de la formation mi-officielle, mi-clandestine des futurs pasteurs de la résistance : c’est le séminaire de Finkenwalde (auj.
Zdroje) près de Stettin où, avec ses élèves, il mène une vie conventuelle.
La réputation de Finkenwalde est
telle que le chef de la Gestapo, Him-mler, ferme la maison à l’automne 1937. Les oeuvres de cette seconde période — le Prix de la grâce (Nach-folge, 1937), De la vie communautaire (Gemeinsames Leben, 1939), Bible, ma prière... (das Gebetbuch der Bibel, 1940) et Tentation (Versuchung, publié en 1953) — sont à la fois marquées par la proximité des combats livrés par les aînés et par le souci d’aider l’Église à être pour le monde.
Car, comme entre vingt et vingt-cinq ans, Bonhoeffer ne cesse de réclamer des théologiens qu’ils se soucient de l’Église, et affirme qu’il ne faudrait surtout pas, en ce temps d’épreuve, que les communautés se replient sur elles-mêmes, abandonnant le monde aimé
de Dieu à ceux qui l’asservissent et le déshumanisent.
Lorsque la loi pervertie de l’État totalitaire rend impossible l’exercice ouvert de cette responsabilité, la clandestinité devient le mode d’existence normal de ceux qui se savent commis au service du monde. Bonhoef-
fer y entre, d’abord en poursuivant secrètement, en divers lieux cachés et provisoires, la formation pastorale et la direction spirituelle commencées à Finkenwalde. Puis, après un bref voyage en Grande-Bretagne et aux
États-Unis, au printemps 1939, à la fois mission oecuménique et fuite devant la
possible conscription, il rentre pour affronter « la terrible alternative : ou bien vouloir la défaite de son pays pour que survive la civilisation chrétienne, ou bien vouloir la victoire de ce pays et, par le fait même, la destruction de notre civilisation ».
Jouissant encore d’une relative
liberté, bien qu’interdit pour tout enseignement comme pour toute publication, il s’occupe à la fois de ce qui reste de l’ « Église confessante », décimée par la mobilisation puis par la guerre, et de la mise en place de la résistance politique et militaire à Hitler. Il entre dans les services de contre-espionnage de l’amiral Canaris, au sein desquels se prépare l’attentat du 20 juillet 1944 ; il participe activement à la mise en place d’éventuelles solutions de rechange, en faisant, sous couvert du contre-espionnage allemand, plusieurs voyages à l’étranger, dans le vain espoir d’amener les Alliés à prendre à l’égard des conjurés des engagements précis. Dans le même temps, il s’emploie à faire sortir d’Allemagne des groupes de juifs et à rédiger son dernier grand ouvrage, l’Éthique (Ethik, 1949), où il traite du
« problème de la réalisation parmi les créatures de la réalité de la révélation de Dieu dans le Christ ».
Le 5 avril 1943, il est arrêté et interné à la prison militaire du quartier de Tegel, à Berlin ; il n’en sortira qu’en octobre 1944 pour la prison de la Gestapo, puis, en février 1945, pour le camp de concentration de Buchenwald et, en avril, pour Flossenbürg et l’exécution.
C’est de Tegel que Bonhoeffer
fait sortir clandestinement les textes variés — lettres à son ami Eberhard Bethge, à ses parents et documents divers — qui constituent Résistance et soumission (Widerstand und Erge-bung, 1951), l’ouvrage clé de la troisième période de sa vie (1939-1945), qui eut un retentissement mondial et a fait de lui, après sa mort, le théologien le plus fécond en inspirations et pistes nouvelles de l’époque contemporaine. Se sachant offert au monde, Bonhoeffer s’y découvre aussi pauvre et démuni que quiconque, et fait l’ex-périence bouleversante que cette pau-
vreté et cette faiblesse sont les modes mêmes de l’existence dans le monde du Dieu de Jésus-Christ. Ce dernier vient à l’aide de l’homme, non parce qu’il serait tout-puissant, mais parce qu’il est lui-même présent au coeur des pires abandons et agonies. Faire l’ex-périence d’un total dénuement, c’est donc faire l’expérience du Christ, et ce dans un monde désormais « majeur », c’est-à-dire qui rejette délibérément et fortement les formules dogmatiques classiques, les arguments de l’apologé-