nommés annuellement par leurs pré-
décesseurs et qui sont obligatoirement possesseurs d’une fortune d’au moins 1 000 livres.
Attachée par l’intérêt au maintien de la présence anglaise, cette oligarchie marchande ne se rallie pas à Philippe le Bel quand celui-ci occupe temporairement la ville (1295), mais elle profite des échecs anglais du temps de Charles V pour tenter de transformer Bordeaux en une véritable république urbaine.
Bénéficiant de la richesse de ses négociants, des dons de l’archevêque Bertrand de Got, devenu le pape Clé-
ment V (1305-1314), et de la présence de la cour du Prince Noir (1356-1370), Bordeaux achève la construction (XIIIe-XVe s.) de monuments qui illustrent sa prospérité (Saint-Seurin, la cathé-
drale Saint-André) à l’intérieur d’une enceinte de 5 250 m qui enserre une superficie de 275 hectares.
Mais le redressement de la France des Valois consacre son déclin. Partiellement incendiée par une escadre franco-espagnole (1403), puis occupée par les troupes de Charles VII (29 juin 1451), la ville accueille l’Anglais Tal-bot en libérateur (1452). La défaite et la mort de ce dernier à Castillon (17 juill. 1453) la contraignent à une nouvelle capitulation (oct.). Perdant au profit du roi de France le droit de nommer le maire et cinq jurats, placé sous l’étroite surveillance du fort du Hâ et du château Trompette, édifié, sur ordre de Charles VII, sur l’emplacement de
l’actuelle place des Quinconces, Bordeaux perd toute indépendance politique, mais obtient de Charles VII et de Louis XI le droit de commercer librement avec l’Angleterre et le rétablissement des deux foires franches créées par Edouard III en 1341.
La remontée des exportations de vin (15 000 tonneaux par an en moyenne à la fin du XVe s. contre 20 000 à la fin du XIVe s. et 60 000 au XVIe et au XVIIe s.), la fondation de l’université (1441) et celle du parlement (1462), avec le concours duquel François Ier réforme les « coutumes » de la Jurade, la création d’une première imprimerie (1517) et celle, enfin, d’un collège de Guienne (1533), dont Michel de Montaigne et Joseph Scaliger sont les élèves avant qu’il devienne un foyer de propagande luthérienne, tous ces faits attestent le renouveau économique et intellectuel de la ville, bientôt atteinte par des troubles graves.
Montmorency brise par la force une insurrection contre la gabelle (1548) ; une Saint-Barthélemy locale (264 victimes, le 3 oct. 1572), l’hostilité du parlement à l’édit de Nantes, enfin l’oeuvre du cardinal François de Sourdis, apôtre de la Contre-Réforme, étouffent la montée du protestantisme. La capitulation du 1er août 1653 prive Bordeaux de ses dernières libertés municipales pour avoir participé à la Fronde parlementaire et à la Fronde des princes sous l’impulsion du prince de Condé (sept.
1651), puis sous celle des hommes de loi et de métiers (gouvernement de l’armée).
Ruinée d’autre part par les combats qui ont détruit les vignobles de l’Entre-deux-Mers, la ville ne renaît réellement à la prospérité qu’au XVIIIe s. Les agents en sont : la chambre de commerce, créée en 1705 ; la reprise des exportations de vin vers l’Angleterre (125 000 tonneaux par an en moyenne au XVIIIe s.) ; surtout l’essor du trafic triangulaire sous l’impulsion des riches armateurs bordelais (Gradis) et grâce aux ordonnances de 1716 et de 1717, qui font de Bordeaux le point de départ du négoce avec les Antilles (vente de pacotilles au Sénégal et en Guinée en
échange du « bois d’ébène » négocié sur le nord des Iles en contrepartie des produits tropicaux destinés au marché français).
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 3
1640
L’enrichissement de la bourgeoisie bordelaise, l’action des trois grands intendants du XVIIIe s. (Boucher, Tourny et Dupré de Saint-Maur) de même que celle du duc de Richelieu, gouverneur de Guyenne, expliquent que la ville connaisse alors une nouvelle période d’essor monumental.
Siège de l’académie de Bordeaux,
illustrée par Montesquieu, la capitale de l’Aquitaine se rallie à la Révolution, qui fait d’elle le chef-lieu de la Gironde (1790) et à laquelle elle donne quelques-uns de ses chefs les plus prestigieux : les Brissotins, dont Lamartine fera les Girondins en 1847. Mais, au lendemain du 2 juin 1793, journée dont ses députés sont les victimes immé-
diates, Bordeaux se soulève, en vain d’ailleurs, contre la Commune de Paris.
Brisée par la Terreur, incarnée localement par le représentant en mission Tallien et par la « commission militaire » présidée par Lacombe (300 exé-
cutions), l’opposition bordelaise à la Montagne renaît (après Thermidor).
Victime du Blocus continental, qui ruine son port, Bordeaux se dépeuple rapidement (60 000 hab. contre 110 000
en 1789). Aussi, son maire, Lynch, se rallie-t-il aux Bourbons dès le 12 mars 1814. Avec le nouveau régime et grâce à l’action de ses armateurs, tel Bague-rie-Stuttemberg qui établit la Caisse d’épargne et achève le Pont de pierre (1809-1821), la ville connaît une nouvelle période de prospérité. Bien reliée à son arrière-pays grâce à la construction du canal latéral à la Garonne et aux voies ferrées qui l’unissent à La Teste (1841), à Paris (1853) et à Bayonne (1855), elle contrôle, depuis le traité franco-anglais de libre-échange (1860), les relations maritimes directes avec le Sénégal, les Antilles, le Brésil et les États de La Plata.
Capitale économique et même intellectuelle (reconstitution de l’université en 1896) du sud-ouest de la France, elle en devient temporairement la capitale politique lorsque les armées allemandes menacent d’occuper Paris.
Tour à tour viennent y siéger la délé-
gation gouvernementale de Léon
Gambetta (9 déc. 1870), l’Assemblée nationale (12 févr. - 11 mars 1871), les gouvernements de René Viviani (3 sept. - 9 déc. 1914), de Paul Reynaud (15-16 juin 1940) et du maréchal Pétain (16-30 juin 1940).
En 1947, Bordeaux se donne pour
maire l’un des chefs de la Résistance, Jacques Chaban-Delmas, qui deviendra Premier ministre en juin 1969. Depuis lors, l’essor économique et démographique de cette ville explique qu’elle ait été choisie pour devenir l’une des huit métropoles d’équilibre de la France, dont le rayonnement déborde largement le Midi aquitain.
P. T.
La ville
Environ la moitié de la population de l’agglomération vit dans la commune de Bordeaux. La « ville » s’identifie avec l’ensemble des quartiers limités à l’ouest par les cours : cet ensemble compact est un peu aéré par quelques grandes percées rectilignes du XIXe s.
La vieille ville est flanquée au nord de l’ensemble architectural (place Gambetta, allées de Tourny, Grand-Théâtre) dû aux intendants du XVIIIe s.
(notamment à Tourny) et de l’immense place des Quinconces. Celle-ci interrompt la continuité des quartiers du port : le monde des affaires se rassemble autour des Quinconces ; habitations vétustés, entrepôts, voire industries artisanales coexistent en amont jusqu’au cours Victor-Hugo. En arrière de ces quartiers du port s’étendent les quartiers commerçants et administratifs, qui abritent cependant aussi une population vieillie, à majorité féminine : rue Sainte-Catherine (domaine du commerce de détail), « Triangle »
(quartier limité par le cours de l’Intendance, le cours Georges-Clemenceau et les allées de Tourny), voisinage de la cathédrale avec quelques-uns des
grands services publics. Sur le cours d’Albret, qui marque la limite occidentale de cet ensemble, s’est rassemblé le commerce des meubles.
Entre la ligne des cours et celle des boulevards s’étendent faubourgs et quartiers résidentiels, développés à partir de la fin du XVIIIe s. le long des grandes routes divergeant de Bordeaux vers l’ouest et le sud. Entre le maillage assez lâche des grandes rues s’étendent des quartiers assez monotones, où se succèdent les « échoppes », maisons sans étage, toutes jointives, situées en bordure immédiate du trottoir, laissant place en arrière à des jardins. Dans ces quartiers de résidence, quelques commerces s’égrènent le long des voies principales. Ils sont encore bien plus nombreux aux « barrières », carrefours des grandes radiales et des boulevards.