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matiques en 1892, maître de confé-

rences à la faculté des sciences de Lille en 1893, il soutient en 1894 sa thèse de doctorat Sur quelques points de la théorie des fonctions. Revenu à Paris en 1897 comme maître de confé-

rences à l’École normale supérieure, il obtient en 1909, à la Sorbonne, la chaire de théorie des fonctions. En 1910, il succède à son maître Jules Tannery (1848-1910) comme directeur des études scientifiques à l’École normale supérieure. Au cours de la Première Guerre mondiale, il s’occupe du Service des inventions, fondé par son ami Paul Painlevé, et crée les sections de repérage par le son, dont il dirige effectivement l’une d’elles sur le front des combats. En 1919, il revient à la Sorbonne et occupe la chaire de calcul des probabilités et de physique mathé-

matique. Il est député de l’Aveyron de

1924 à 1936, et Painlevé, en 1925, lui confie dans son cabinet le ministère de la Marine.

En analyse, Émile Borel a ouvert

des voies nouvelles dans la théorie des séries divergentes, dans l’examen des notions de monogénéité, d’analyticité, de quasi-analyticité, dans la théorie de la croissance, etc. Il a établi des liens féconds entre la théorie des fonctions et celle des ensembles, où il a précisé la notion de mesure d’un ensemble de points inclus dans un segment de droite.

Pour promouvoir ce type d’études, il a créé la célèbre Collection de monographies sur la théorie des fonctions (Gauthier-Villars), qui contient, outre plusieurs de ses ouvrages personnels, des écrits de nombreux mathématiciens en renom. Cette notion, extrêmement abstraite, qui joue un rôle important non seulement en analyse, mais aussi dans le calcul des probabilités, est distincte de la notion de puissance. Elle possède les propriétés de la mesure des grandeurs. Née des conceptions ensemblistes de Georg Cantor (1845-1918), elle avait été ébauchée par Camille Jordan (1838-1922). Mais sa forme quasi définitive, légèrement améliorée peu après par Henri Lebesgue (1875-1941), lui a été donnée en 1898 par Émile Borel, qui avait été conduit à sa définition de la mesure par l’étude de certains ensembles de mesure zéro ou de mesure nulle ayant cependant la puissance du continu. D’autre part, c’est sur la mesure des ensembles qu’est fondée l’intégrale de Lebesgue, outil essentiel de l’analyse moderne. Le théorème de Borel-Lebesgue perpétue le souvenir de ces deux mathématiciens, qui, avec René Baire (1874-1932), ont renouvelé l’étude des fonctions de la variable réelle. Les polémiques sur le transfini, agitées au début du XXe s. entre Émile Borel, Jacques Hadamard (1865-1963), René Baire et Henri Lebesgue, sont restées célèbres. Émile Borel a réuni l’en-downloadModeText.vue.download 548 sur 583

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 3

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semble des lettres qui les concernent dans la deuxième édition de ses Leçons sur la théorie des fonctions.

En théorie des probabilités, il a étendu l’étude de la probabilité du cas d’un nombre fini d’épreuves au cas d’une infinité dénombrable d’épreuves.

Il est aussi le pionnier de la théorie des jeux stratégiques développée ensuite, mais indépendamment, par Johann von Neumann (1903-1957). Ses recherches dans ce domaine ont donné naissance à un Traité du calcul des probabilités et de ses applications en quatre tomes, publié en collaboration, et à une collection de monographies.

J. I.

M. Fréchet, la Vie et l’oeuvre d’Émile Borel (Genève, 1965).

Borges

(Jorge Luis)

Écrivain argentin (Buenos Aires 1899).

Dans un de ses contes les plus

connus, Borges imagine une biblio-thèque immense qui contiendrait

« tout ce qu’il est possible d’exprimer, dans toutes les langues. Tout ». Dans d’autres contes, il accumule les réfé-

rences bibliographiques, au demeurant souvent fictives. C’est que Borges est un homme de bibliothèques : il passe sa jeunesse dans celle de son père,

« aux innombrables livres anglais », puis il est plus tard employé dans une bibliothèque municipale de Buenos Aires ; il est aujourd’hui directeur de la Nationale.

Son éducation a été celle d’un fils de la bonne bourgeoisie : une éducation à l’européenne, confiée à des gouvernantes françaises ou anglaises qui lui ont appris leur langue parallèlement à l’espagnol. Aussi, lorsqu’en 1914 sa famille part pour la Suisse, l’Europe a-t-elle déjà mis son empreinte sur l’esprit du jeune Jorge Luis, qui passe à Genève son baccalauréat français, apprend l’allemand et donne carrière à son insatiable curiosité intellectuelle.

Agé de vingt ans, Borges se rend à Madrid, à une époque où la vie littéraire d’avant-garde se trouve marquée par la création récente d’un mouvement poé-

tique voisin de notre dadaïsme : l’ultraïsme. Avec l’enthousiasme de son âge, il se lance alors dans l’aventure

du vers libre, de la métaphore choc, de la phrase sans ponctuation avant de retourner, en 1921, dans sa ville natale, où il va chercher à acclimater ce nouvel « isme » à travers d’innombrables plaquettes, manifestes et autres revues éphémères... Erreur de jeunesse déclarera plus tard l’écrivain. 1923 voit paraître son premier recueil de vers, Ferveur de Buenos Aires, où il chante les bas quartiers de la capitale, le Río de La Plata, les mauvais garçons, les danseurs de tango aux cheveux pommadés. Il publie encore deux recueils lyriques, Lune d’en face (1925) et Cahiers de San Martin (1929), avant de s’éloigner de la poésie pour se tourner vers la prose et se consacrer à l’essai.

Paraissent alors ses premiers textes critiques (Enquêtes, 1925), une étude sur les problèmes du langage (la Langue des Argentins, 1928), son Histoire de l’éternité (1936) et son Histoire de l’infamie (1935), qui inaugure son oeuvre de conteur, celle à qui il doit sa consécration définitive avec Fictions (1944) et l’Aleph (1949). Professeur de littérature anglo-saxonne à l’université de Buenos Aires depuis 1956, conférencier international, Borges est revenu à la poésie, mais son activité littéraire reste réduite du fait d’une cécité presque totale.

Borges appartient à cette race d’écrivains qui ne se complaisent qu’aux jeux de l’esprit et de l’imagination.

Nulle préoccupation sociale, aucun engagement politique — ces deux

constantes des lettres hispano-américaines actuelles — dans ses essais, dans ses contes. Se situant même à l’opposé d’un homme de lettres engagé, Borges a pour credo que « l’irréalité est la condition de l’art ». D’où, baignant son oeuvre de conteur, cette atmosphère fantastique, mais d’un fantastique qui donnerait l’illusion de la réalité à force de logique interne, de lucidité dans l’analyse des situations, de rigueur mathématique (l’écrivain, comme Poe, à qui il fait souvent songer, n’a-t-il pas touché au genre policier dans Six Problèmes pour don Isidro Parodi ?

— écrit en collaboration avec A. Bioy Casares) ; le fantastique de Borges est en effet d’ordre purement intellectuel. Dans Enquêtes, l’auteur déclare qu’il a tendance à « estimer les idées

religieuses et philosophiques pour leur valeur esthétique et même pour ce qu’elles renferment de singulier et de merveilleux ». C’est dire que, chez lui, l’art et la métaphysique se confondent.

Esprit sceptique, Borges se penche sur le destin de l’homme, égaré dans un monde chaotique semblable à un labyrinthe — une des images clefs de l’écrivain —, et tente de résoudre l’angoissant problème du temps en niant son déroulement linéaire pour miser sur la notion de l’éternel retour des choses.

Comme il a créé son propre univers métaphysique, il s’est forgé un langage dont il a atteint la parfaite maîtrise : merveille de précision, de rigueur avec un soupçon de baroque qu’il doit sans doute à son héritage hispanique.