Bien que révélé en France dès 1925
par Valery Larbaud, Borges ne s’est imposé que tardivement sur la scène littéraire mondiale, en recevant en 1961 le Prix international des éditeurs, partagé avec Samuel Beckett. Mais, aujourd’hui, son nom est familier à tout un public amateur d’érudition (même si celle-ci frise parfois la mystification) et pour qui « l’étrangeté est une partie intégrante du beau », comme disait Baudelaire de Poe.
J.-P. V.
F Fantastique (littérature) / Hispano-américain (domaine littéraire).
Borges (Cahiers de l’Herne, 1964). / A. Ju-rado, Genio y figura de Jorge Luis Borges (Buenos Aires, 1964). / G. Charbonnier, Entretiens avec Jorge Luis Borges (Gallimard, 1967). /
E. Rodríguez Monegal, Borges par lui-même (trad. de l’espagnol, Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1970). / G. Sucre, Jorge-Luis Borges (trad. de l’espagnol, Seghers, 1971).
Borgia
Famille originaire d’Aragon (Borja), qui joua un rôle important au XVe et au XVIe s. en Italie.
Sa fortune débute avec l’élection à la papauté d’Alonso (1378-1458), archevêque de Valence, qui règne de 1455 à 1458 sous le nom de Calixte III.
Son népotisme abusif renforce la situation de sa famille en Italie ; une de ses
soeurs, Isabella, a deux fils, Pedro Luis et Rodrigo.
Pedro Luis (v. 1432-1458) est fait par son oncle, le pape, capitaine général de l’Église, duc de Spolète, châtelain de Saint-Ange, préfet de Rome et gouverneur du patrimoine de Saint-Pierre (1456-57).
Rodrigo (1431-1503) est fait par
Calixte III cardinal à vingt-cinq ans.
Une carrière particulièrement brillante le conduira jusqu’au souverain pontificat, qu’il assumera sous le nom d’Alexandre VI*, de 1492 à 1503.
Quand il est élu pape, le cardinal Rodrigo Borgia a déjà eu plusieurs enfants de différentes femmes.
De mère inconnue est né Pier
Luigi (v. 1463 - Civitavecchia 1488), légitimé en 1481 ; ayant vaillamment combattu les Mores en Espagne, il est créé duc de Gandía par les Rois Catholiques, mais il meurt prématurément.
De Vannozza Cattanei, le futur
Alexandre VI a eu quatre enfants, tous légitimés : Cesare, Giovanni, Lucrezia, Jofré.
Giovanni (v. 1474 - Rome 1497)
hérite de son frère naturel Pier Luigi le titre de duc de Gandía (titre qui ne s’éteindra qu’en 1748). Son assassinat mystérieux, après qu’il a reçu les fiefs de Bénévent, de Terracine et de Pontecorvo, est attribué aux Orsini, puis à son frère Cesare.
Cesare ou César (Rome ? v. 1475 -
Pampelune 1507) est incontestablement le fils préféré d’Alexandre VI, qui fonde sur lui de grandes espérances.
Il est fait archevêque de Valence en 1492 ; en 1493, il est cardinal. Livré en otage aux Français, maîtres de Rome (1495), il s’évade. C’est alors qu’il est accusé — car on connaît son ambition, sa cruauté et son défaut de scrupule —
du meurtre de son frère Giovanni ; en tout cas, il hérite de son titre de duc de Gandía. Il semble que ce jeune homme, qui inspira Machiavel, ait songé à constituer en Italie centrale un État économiquement fort, aux dépens des féodaux, voire du Saint-Siège.
En 1498, César abandonne le car-dinalat pour se vouer entièrement à la politique. Il manoeuvre le pape, son père, dans le sens qu’il désire. L’alliance française lui étant nécessaire, il y amène Alexandre VI, qui le désigne comme légat chargé de porter la bulle qui annule le mariage de Louis XII et de Jeanne de Valois. Il épouse alors Charlotte d’Albret, cousine du roi de France (1499), et est fait duc de Valen-tinois. Il rentre à Milan aux côtés de Louis XII et devient capitaine général et gonfalonier de la Sainte Église.
À Rome, il fait poignarder le duc de Bisceglie, mari de sa soeur Lucrèce, et oblige celle-ci à épouser Alphonse d’Este, duc de Ferrare, afin de consolider sa position en Romagne. À l’automne 1500, avec l’appui de la France, il organise une nouvelle expédition en Romagne ; il chasse Malatesta de Rimini, occupe Pesaro, Faenza et bientôt toute la Romagne, dont il est fait duc par Alexandre VI (1501). Menaçant alors Florence, il s’empare de Piom-bino ; avec Louis XII, il pénètre dans le royaume de Naples et prend Capoue.
En juin 1502, il oblige à la fuite le duc d’Urbino, Guidobaldo de Montefeltro ; il entre par traîtrise à Camerino. Successivement, les Colonna et les Orsini (1503) sont éliminés.
César songe à attaquer Florence,
quand la mort inopinée d’Alexandre VI (18 août 1503) arrête son élan. Souf-downloadModeText.vue.download 549 sur 583
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 3
1646
frant de la malaria, il ne peut empêcher l’élection à la papauté de l’ennemi des Borgia, Giuliano della Rovere (Jules II).
Sommé par ce dernier de livrer les forteresses qu’il occupe en Romagne, il est fait prisonnier à Rome ; il s’évade et, d’Ostie, se réfugie à Naples près de Gonzalve de Cordoue, qui l’arrête et l’expédie en Espagne (1504), où il est emprisonné. S’étant de nouveau évadé (1506), il met son épée, comme condottiere, au service de Jean d’Albret, roi de Navarre, son beau-frère. Il meurt
dans une embuscade à Pampelune.
Celui dans lequel on a voulu voir le Prince par excellence de la Renaissance a compté nombre d’ennemis,
mais aussi des admirateurs, tel l’historien anglais Thomas B. Macaulay, qui a vu en lui « l’unique homme capable au XVIe s. de défendre l’indépendance de l’Italie ».
Lucrezia ou Lucrèce (Rome 1480 -
château de Belriguardo, Ferrare, 1519) est restée, par la faute de multiples lé-
gendes, l’incarnation d’une certaine civilisation corrompue et amorale, assimilée à toute la Renaissance italienne.
Son père, Alexandre VI, et son
frère César firent d’elle — recherchée pour sa beauté — un instrument de leur politique. Elle a treize ans quand le pape lui fait épouser Giovanni Sforza, vicaire de l’Église et neveu de Ludovic le More. Mais, dès 1497, Alexandre fait annuler ce mariage et unit Lucrèce à Alphonse, duc de Bisceglie, bâtard d’Alphonse II d’Aragon, roi de Naples ; de cette union naît un fils, Rodrigo. Cependant, la politique pontificale s’oriente, comme celle de César, vers l’alliance française contre l’Aragon ; Alphonse de Bisceglie, devenu gênant, est poignardé sur l’ordre de César.
Comme il s’agit pour le pape de
consolider la position des Borgia en Romagne, Lucrèce épouse, en troisièmes noces, Alphonse d’Este, héritier du duché de Ferrare (1501), qui lui donnera plusieurs enfants. Alphonse devient duc de Ferrare en 1505, mais déjà Lucrèce a réuni autour d’elle une cour d’artistes et de lettrés, dont Pietro Bembo*, qui lui dédie les Asolani, et l’Arioste*, qui célébra ses vertus dans une stance du Roland furieux et dans ses Satires.
Parmi les légendes qui se sont créées autour de Lucrèce et des Borgia, la plus tenace est celle de ses amours inces-tueuses avec son père. Dans le fils légitimé, Giovanni (1498 - † 1530), que Giulia Farnèse donna au pape, on voulut voir le fruit de cet inceste.
Jofré (v. 1481-1522) épouse une fille
naturelle d’Alphonse II d’Aragon et devient prince de Squillace.
Les autres membres mémorables de
la famille Borgia sont :
Saint François Borgia, en esp. Francisco de Borja (Gandía 1510 - Rome 1572), fils de Jeanne d’Aragon ; vice-roi de Catalogne (1539), il perd son épouse (1546), entre chez les Jésuites (1551) et est élu 3e général de la Compagnie de Jésus ; canonisé en 1671. Fête (non universelle) le 10 octobre ; Francesco (1582 - Madrid 1658), plus connu sous le nom de Francisco de Borja y Aragón, prince de Squillace, vice-roi du Pérou de 1614 à 1621, auteur d’épopées, dont Napoles recupe-rada por el rey don Alonso (1651) ; il inspira Lope de Vega.
P. P.
F Alexandre VI / Italie / Renaissance.
P. Rival, César Borgia (Grasset, 1931). /