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Il s’établit dans l’île Saint-Louis et se fit apprécier, dès 1629, par une Suite de gravures de mode à la manière de Callot, d’un naturalisme exact et d’un métier très surveillé. Il prélu-dait ainsi à une abondante production, 1 506 pièces constituant un tableau complet de la société française sous Louis XIII (son aîné d’un an) et sous Louis XIV : la Maîtresse d’école, la Boutique du pâtissier, les Soldats au cabaret, Le cordonnier qui essaie des souliers à une dame, L’apothicaire qui apporte un clystère, les Caquets de l’accouchée, le Bal, la Bénédiction de la table, la Galerie du palais, le Courtisan suivant le dernier édit, le Crocheteur, le Peintre, le Sculpteur, les Graveurs, Figures en naturel, tant des vêtements que des postures, des gardes françaises du Roy Très-Chrétien, etc.

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 3

1654

Le seul écart d’imagination qu’il se soit permis fut, dans sa série des Paraboles, de représenter, dans le cadre du Paris de son temps, les scènes et les personnages de la Bible (il était ardent calviniste). Témoin scrupuleux de son époque, Bosse est, de nos jours encore, fort apprécié par les historiens des moeurs et des coutumes.

Il avait applaudi à la fondation de l’Académie royale et obtenu d’y enseigner gratuitement la perspective, qu’il avait apprise du mathématicien G. De-sargues et dont il faisait tout dépendre dans l’art de dessiner, de peindre et de graver. Il distinguait deux manières de procéder : « l’une, à force de dessiner en tâtonnant, à la vue du naturel ou modèle, sans autre conduite que l’oeil qui est fort sujet à se tromper ; l’autre, en travaillant par règle et avec conduite et connaissance de cause ou de raison de l’effet qu’aura l’ouvrage ». Il se

prononçait par conséquent contre les épigones de la seconde école de Fontainebleau et préférait Nicolas Poussin et, sans doute, Louis Le Nain à Charles Le Brun. Partisan résolu des « vieilles formules réalistes françaises », il s’ins-pirait probablement de Descartes (son contemporain) pour systématiser sa doctrine, mais avec une outrance qui allait le perdre : nommé graveur honoraire de l’Académie en 1651, conseiller en 1655, il s’en fit exclure en 1661

pour avoir publié, à côté de maints traités techniques, des pamphlets d’une violence extrême, où il allait jusqu’à attaquer, outre Le Brun et certains académiciens, Louis XIV et Colbert. Il fonda une école concurrente et mérita d’inspirer à l’abbé de Marolles ce vers cruel :

Mais pour vouloir écrire il gâta son négoce.

Il mourut en effet pauvre et abandonné.

M. G.

G. Duplessis, Catalogue de l’oeuvre d’Abraham Bosse (Revue universelle des arts, Bruxelles, 1859). / A. Blum, l’OEuvre gravé d’Abraham Bosse (A. Morancé, 1924) ; Abraham Bosse et la société française au XVIIe s.

(A. Morancé, 1924).

Bossuet

(Jacques Bénigne)

Évêque, orateur et écrivain français (Dijon 1627 - Paris 1704).

L’homme et l’artiste

Jacques Bénigne Bossuet appartenait par son père comme par sa mère à des familles de magistrats dijonnais d’anoblissement récent. Il fut tôt destiné à l’état ecclésiastique. Après avoir commencé ses études chez les jésuites de Dijon, il les termina à Paris au collège de Navarre. Il fut reçu docteur le 16 mai 1652 ; il avait été ordonné prêtre le 16 mars précédent. Pourvu d’un cano-nicat à Metz depuis 1640, il fit de longs séjours à Paris et fréquenta le fameux cabinet des frères Dupuy, qui était alors un des hauts lieux de l’érudition.

Il semble qu’il ait songé un temps à une carrière intellectuelle ; il s’adonna à la

controverse contre les protestants et se fit rapidement une belle renommée de prédicateur. Pourtant, les relations de sa famille lui avaient procuré des amitiés à la Cour et il pouvait espérer aborder aux hautes fonctions ecclésiastiques. De fait, le 10 septembre 1669, il fut nommé à l’évêché de Condom.

Il ne mit jamais les pieds dans son diocèse et démissionna deux ans plus tard : dans l’intervalle, le 5 septembre 1670, il avait été nommé précepteur du Grand Dauphin. Pour son élève, il avait conçu un vaste plan d’instruction, plus grandiose que réellement pédagogique, que le manque d’intelligence et la paresse du fils de Louis XIV firent aboutir, après dix ans, à un échec total.

Du moins, ce préceptorat eut pour Bossuet l’avantage de le faire entrer dans l’intimité du roi, et il en fut récompensé le 2 mai 1681 par l’évêché de Meaux, dont la proximité lui permettait de longs séjours à Paris et à Versailles. Il fut d’ailleurs un excellent évêque, conscient de l’importance de ses charges pastorales et s’y adonnant avec courage. Il est certain pourtant que ses activités intellectuelles et spirituelles, ses polémiques, les problèmes de politique religieuse tinrent en géné-

ral la première place dans ses préoccupations, et cela jusqu’à sa mort. Atteint vers la fin de 1702 de la maladie de la pierre, à laquelle sans doute se joignit un cancer de la vessie, Bossuet connut une fin de vie douloureuse.

En première apparence, à travers

cette biographie aux contours très simples, il se présente à nous comme un solide Bourguignon à la personnalité sans complications. Pourtant, son histoire offre de déconcertants mystères.

À de certains égards, le roi et, plus tard, Mme de Maintenon ne semblent lui avoir accordé qu’une confiance limitée, ce qui explique que sa carrière à la Cour ait abouti finalement à la déception. Bossuet ne fut jamais initié aux grandes affaires de la politique royale, il ne fit même jamais partie du Conseil de conscience, il ne réussit pas à se faire nommer à l’archevêché de Paris, qu’il avait certainement désiré.

Mais, même en faisant abstraction de ces côtés énigmatiques, il est malaisé de le juger objectivement. Sa foi chré-

tienne est profonde, et il est convaincu

de la grandeur de sa mission religieuse, de la valeur de son sacerdoce. Sa piété est vraie, sincère, et l’expression qu’il lui donne correspond à la réalité de son être. Grand et généreux, Bossuet l’est incontestablement, et il est capable de bonté. Surtout, c’est un affectif, que ses attachements rendent faible jusqu’à l’aveuglement : sa conduite à l’égard de ses neveux, et spécialement à l’égard du peu moral abbé Bossuet, à qui il voulut transmettre son évêché, est d’une déconcertante faiblesse. Le précieux journal tenu à partir de la fin de 1699 par son secrétaire, l’abbé Ledieu, est le triste témoignage de la manière honteuse dont le vieillard fut exploité par la famille de rapaces qui l’entourait. Plus étonnante pour nous est sa servilité, ce culte de lâtrie inconditionnelle qu’il rend au roi, qu’un Fénelon ou un Saint-Simon jugent à sa juste valeur. Son ambition est plutôt un trait d’époque, caractéristique de la classe sociale, alors en ascension, à laquelle il appartient. En revanche, on demeure surpris de son extraordinaire violence, qui, dans la polémique, l’a rendu totalement injuste et l’a conduit à employer des procédés indubitablement diffamatoires. Pour être équitable à son égard, il faut tenir compte de ces contradictions et de ces incohérences de caractère.

Seul l’artiste en lui demeure au-dessus de tout éloge. En ce domaine, où l’éducation de son temps ne pouvait rien lui apporter, Bossuet révèle des dons prodigieux. Il suffit qu’il prenne la plume, fût-ce pour écrire à son intendant, pour produire une oeuvre d’art. La beauté poétique des images, le relief de l’expression, le rythme et la musicalité donnent à sa phrase, ordinairement ample et symétrique, une incomparable grandeur, où l’ordre demeure toujours expressif et dynamique. Son registre est limité : Bossuet n’a pas la violence dramatique et concise d’un Pascal ; mais, dans sa ligne, il est inégalable et demeure l’un des sommets du classicisme français.