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diévale, rassemble plusieurs épisodes.

La brillante Adoration des Mages de la National Gallery de Washington est sans doute un autre témoignage de l’activité romaine du maître.

La période de gloire à Florence

À Florence, l’humanisme passionné-

ment cultivé par Laurent le Magnifique et son entourage trouvait en Botticelli son meilleur interprète dans le langage de l’art. C’est encore pour Lorenzo et Giovanni di Pierfrancesco qu’il peignit, peu après son retour, les deux célèbres tableaux mythologiques de la villa di Castello, aujourd’hui aux Offices : Minerve et le Centaure, la Naissance de Vénus ; et c’est probablement pour le Magnifique qu’il représenta, d’après Boccace, l’Histoire de Nastagio degli Onesti, en quatre panneaux, dont trois sont au Prado de Madrid et un dans une collection particulière des États-Unis.

Le tableau de Mars et Vénus (National Gallery, Londres) fut peut-être commandé par une autre famille illustre, les Vespucci. Autour de 1485, on vit Botticelli revenir au thème de la Madone, avec l’aisance de la maturité ; les variations les plus célèbres en sont la Madone au livre du musée Poldi Pezzoli à Milan, la Madone du Magnificat et la Madone à la grenade des Offices, l’une et l’autre peintes en « tondo », enfin la Madone Bardi (Berlin), commandée par Agnolo Bardi pour sa chapelle à Santo Spirito de Florence. Peu avant 1490, le peintre obtint la commande, assez rare dans sa carrière, de deux ouvrages de dimensions importantes : le Retable de saint Barnabé (Offices), pour la confrérie florentine des médecins et des pharmaciens, réunissant sur le panneau principal, devant un fond d’architecture, la Vierge assise sur un trône, six saints et quatre anges, tandis que des scènes diverses sont représentées à la prédelle ; le Retable de saint Marc (Offices), pour la corporation des orfèvres, avec le Couronnement de la Vierge et quatre saints au panneau principal, des histoires saintes à la prédelle, le tout attestant l’intervention d’élèves.

La crise finale

La mort de Laurent le Magnifique, en 1492, mit un terme à la période la plus brillante de la civilisation florentine.

Après les malheurs que le mauvais gouvernement de Pierre de Médicis valut à la cité, la dictature théocratique

de Savonarole* eut raison de l’humanisme. La crise politique et morale de Florence explique pour une large part celle dont Botticelli devait donner les signes vers la fin de sa vie. Ses derniers ouvrages traduisent une exaltation du sentiment religieux à laquelle l’influence de Savonarole n’est pas étrangère.

Au cours de cette période, qui est également celle des dessins pour

la Divine Comédie de Dante, on ne compte qu’un seul tableau important à sujet profane, la Calomnie, peint pour Antonio Segni d’après les descriptions du chef-d’oeuvre antique d’Apelle ; encore l’humanisme y est-il pénétré de méditation chrétienne. Déjà, l’Annonciation peinte vers 1490 pour Santa Maria Maddalena dei Pazzi (Offices) renouvelait le thème par des attitudes mouvementées et un climat dramatique dont la Vierge debout avec l’Enfant embrassé par saint Jean-Baptiste

(palais Pitti), postérieure de quelques années, offre de nouveau l’exemple dans une mise en page singulièrement hardie. Les deux Pietà peintes vers 1495, celle de la pinacothèque de Munich et celle du musée Poldi Pezzoli à Milan, portent la tension tragique à son comble, et c’est un sentiment d’angoisse qu’exprime la figure isolée dite de La Derelitta (palais Rospigliosi, Rome), sans doute celle de la Thamar abandonnée. Cela n’empêchait pas

Botticelli de peindre en même temps de petits panneaux à la facture précieuse, dans un langage moins âpre et cependant adapté à l’expression de la vie in-térieure : le Saint Augustin écrivant des Offices, l’Annonciation et la Communion de saint Jérôme du Metropolitan Museum de New York, les scènes de la Vie de saint Zénobe représentées sur quatre panneaux de coffre (Londres, New York et Dresde). Enfin, les pré-

dications de Savonarole semblent avoir directement inspiré la Nativité mystique de la National Gallery de Londres (1501) et la Crucifixion avec une vue de Florence du Fogg Art Museum à Cambridge (Massachusetts).

Quand Botticelli mourut, de jeunes artistes donnaient à la Renaissance une orientation nouvelle : Michel-Ange*, Léonard* de Vinci, Andrea del Sarto, Raphaël*. Sa peinture, déjà démodée,

allait tomber dans l’oubli, et il faudra attendre le XIXe s. pour qu’elle soit remise à la place qu’elle mérite.

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 3

1667

Ligne, mouvement et

couleur

Dans la Renaissance florentine, on discerne un grand courant dont des peintres comme Masaccio* et Uccello*

furent les initiateurs au cours de la première moitié du XVe s., et dont l’ambition principale était de représenter un monde où les apparences sensibles sont soumises aux lois de l’intelligence, où des volumes denses occupent un espace organisé rationnellement par la perspective géométrique.

D’une façon générale, Botticelli ne donne pas la primauté à cet effort, il va même souvent jusqu’à le contredire, non qu’il n’ait pas réussi à prouver qu’il en fût capable : l’Adoration des Mages des Offices et celle de la National Gallery de Washington offrent l’une et l’autre une composition magistralement calculée en profondeur et dont la stricte convergence obéit à un principe d’unité ; le Saint Augustin peint à fresque dans l’église d’Ognis-santi à Florence (v. 1480) fait preuve, par le relief de la figure, d’une autorité qui rappelle Andrea* del Castagno, tandis que la représentation des accessoires y dénote un réalisme méticuleux et robuste, qu’il est assez rare de rencontrer dans l’oeuvre du peintre.

Botticelli aurait pu persévérer dans ces recherches, mais sa vision vraiment personnelle est celle d’un monde plus arbitraire, qu’il a su parer d’une poésie fascinante. Les figures y sont non pas échelonnées selon les exigences d’un espace souverain, mais plutôt présentées sur un plan très rapproché du spectateur, devant un fond tendant à limiter la profondeur, qu’il emprunte ses élé-

ments à l’architecture, à des rideaux ou même au paysage. Parfois ces figures épousent avec grâce la forme circulaire du « tondo » (Madone du Magnificat), parfois elles déterminent une compo-

sition en frise (le Printemps), parfois même elles s’ordonnent selon une mise en scène de type médiéval et d’intention théologique (fresques de la chapelle Sixtine, Nativité de Londres) ; mais ce qui les assemble, c’est un rythme souple et comme musical, traduisant le mouvement d’une sorte de danse qui empêche les formes de peser.

Ce mouvement, essentiel au monde de Botticelli, est saisi par le trait, qui a plus d’importance que le volume. Nerveux, imprévu, d’une sensibilité très personnelle, il fait ondoyer la figure humaine ou parfois la tourmente, la brise selon le caprice du peintre ; il insiste sur les accidents des contours, sur les particularités asymétriques des visages ; mais son irrégularité lui évite précisément de se confondre avec l’arabesque décorative : il est l’expression de la pensée.

Cependant, la primauté du trait ne suppose pas, chez Botticelli, cette indifférence à la matière picturale qu’on prête souvent à l’école florentine. Le raffinement de sa facture et son goût pour la couleur apparaissent surtout dans une série de petits tableaux pré-

cieux comme des enluminures, qu’on rencontre tout au long de sa carrière, de l’Histoire de Judith à la Vie de saint Zénobe. Mais cela reste vrai des ouvrages de plus grand format, qu’ils soient peints à fresque, à tempera ou surtout à l’oeuf. Le coloris y est tantôt éclatant, comme dans la Madone du Magnificat, tantôt plus mat, comme dans la Naissance de Vénus, ou un peu assourdi, comme dans le Printemps ; il est toujours harmonieux et transparent, et semble pénétré d’une lumière cristalline.