La mode s’empare aussi des ta-
bleaux de boudoir de Boucher : bergeries, pastorales, scènes intimes dans l’esprit de Chardin comme le Déjeuner (1739, Louvre) ou le Peintre dans son atelier (Louvre). Ses multiples toiles de Bergère endormie (1743, Louvre), Musette (Louvre), Petite Jardinière (Rome, Musée national) témoignent de l’évolution des goûts depuis les fêtes galantes de Watteau. Enfin, Boucher, rénovateur du paysage français, atteint
la poésie véritable dans le Hameau d’Issé (Amiens, musée de Picardie) et dans le Paysage au moulin et au pont (1751, Louvre).
Il inspire toutes les formes de dé-
coration du règne de Louis XV. Dès 1734, il collabore avec Oudry*, directeur de la Manufacture royale de tapisserie de Beauvais*, crée plusieurs centaines de cartons, parmi lesquels les célèbres suites de l’Histoire de Psyché et des Amours des dieux, participe à la vogue immense des tapisseries à sujets de turqueries et de chinoiseries.
Parallèlement, il collabore aux décorations des châteaux de Versailles, de Marly, de Choisy, de La Muette, de Fontainebleau ainsi que de l’Opéra de Versailles. Il crée des décors de théâtre pour le Persée de Quinault et Lully (1746-47), pour le ballet d’Atys (1747). La décoration sur porcelaine fait, depuis 1745, appel à lui : il dessine des modèles pour la manufacture de Vincennes, puis, quand celle-ci aura été transférée à Sèvres, en 1756, y crée d’innombrables types de Laitière ou de Jardinière. Il est nommé inspecteur des manufactures nationales de Sèvres et des Gobelins, grave des livres de décorations. Propagateur du goût rocaille, il régente pendant quinze ans tout l’art français.
Dessinateur exceptionnel, ses sanguines, ses études à la pierre noire et à la craie sont reprises en gravure par Jean François Janinet (1752-1814), Gilles Demarteau (1722-1776) et Louis Bonnet (1731-1793), qui met au point un procédé de gravure à l’imitation du pastel et reproduit ainsi maints chefs-d’oeuvre de Boucher.
En 1765, l’artiste atteint la consé-
cration suprême de premier peintre du roi à la mort de Carle Van Loo. Cependant, il est affaibli et malade, et son art décline. Diderot le critique avec âpreté depuis le Salon de 1761. En 1763, il s’exclame : « Quel abus de talent ! Que de temps perdu !... Cet homme est la ruine de tous les jeunes élèves en peinture. » En fait, les derniers tableaux de Boucher, la Jeune Mère dormant près de son enfant (château de Chantilly) et la Présentation au Temple (Louvre), échappent à l’évolution du goût de la
fin du XVIIIe s. vers la rigueur et la pureté de l’antique. Boucher forma assez peu d’élèves : ses deux gendres — Jean-Baptiste Deshays (1729-1765) et Pierre Antoine Baudouin (1723-1769) — le secondaient parfois, ainsi que Nicolas Jacques Juliard (1715-1790) à la manufacture de Beauvais ; Michel-Ange Challes (1718-1778) fut organisateur des fêtes de la Cour. C’est Fragonard*, son élève favori, qui devint son véritable successeur.
Oublié sous l’Empire, Boucher fut réhabilité par les frères Goncourt à la fin du siècle dernier.
P. H. P.
P. de Nolhac, François Boucher, premier peintre du roi et Catalogue des oeuvres par G. Pannier (Manzi, Joyant et Cie, 1907). /
M. Fenaille, François Boucher (Nilsson, 1925).
/ A. Ananoff, l’OEuvre dessiné de François Boucher, catalogue raisonné (F. de Nobèle, 1966).
Bouches-du-
Rhône. 13
Départ. de la Région Provence-Côte d’Azur ; 5 112 km 2 ; 1 632 974 hab.
Ch.-l. Marseille. S.-préf. Aix-en-Provence, Arles.
La majeure partie du département
s’intègre dans l’aire métropolitaine de Marseille, dont l’agglomération regroupe 1 076 897 habitants.
La dissymétrie est nette entre un secteur montagneux aux altitudes peu élevées, mais présentant de nombreux obstacles aux communications, et
une zone de plaines centrées sur les vallées du Rhône et de la Durance, à peine interrompues par la barre isolée des Alpilles. La partie orientale est occupée par des chaînons calcaires disposés en alignements parallèles de la Durance à la mer selon une direction est-ouest : Sainte-Victoire et Sainte-Baume, chaînes de l’Etoile et de l’Es-taque. Ces crêtes isolent un système de cuvettes qui ont favorisé l’implantation humaine : bassin d’Aix, ouvert vers l’ouest ; bassin de Marseille, barré vers le nord. Le secteur occidental est formé de basses plaines alluviales ou
détritiques ; la Camargue est née des limons déposés par le Rhône ; la Crau est un ancien cône de déjection de la Durance. Ces espaces marécageux ou caillouteux, longtemps désertés, sont peu à peu conquis par l’agriculture ou l’industrie.
La façade maritime traduit cette
variété physique sur plus de 100 km.
À l’ouest, la Camargue se termine par une côte basse et sableuse, mal fixée ; à l’est, les escarpements calcaires donnent une série d’abrupts rocheux entaillés par les calanques ; au centre, le vaste plan d’eau de l’étang de Berre voit depuis peu son taux de salinité baisser en raison des apports récents et artificiels des eaux de la Durance, au cours dévié.
L’influence adoucissante de la Méditerranée apparaît dans les températures moyennes : 6,5 °C en janvier, 23 °C en juillet. Les hivers sont doux et ensoleillés, et les étés secs, l’aridité croissant vers l’intérieur et se traduisant par l’indigence des cours d’eau. Les pluies se concentrent sur les saisons intermé-
diaires ; le mistral contribue à purifier l’atmosphère, mais son influence, né-
faste sur les cultures, constitue également une gêne pour la navigation.
Le département a gagné plus de
400 000 habitants depuis 1962, malgré la faiblesse de l’excédent naturel. Cet essor est dû à l’attraction de l’agglomé-
ration marseillaise et à des conditions politiques particulières en Afrique du Nord. Depuis 1956, l’indépendance de la Tunisie et du Maroc, puis, en 1962, celle de l’Algérie ont poussé vers les Bouches-du-Rhône des « rapatriés ».
Mais cela ne constitue qu’un épisode récent ; le port de Marseille facilite depuis plusieurs décennies l’introduction de ressortissants des pays riverains de la Méditerranée ou des territoires de l’ancien Empire colonial français.
Enfin, dans le cadre national, le département présente un bilan migratoire positif avec toutes les régions.
Cependant, les offres d’emplois demeurent assez limitées, et les activités économiques déséquilibrées. L’agriculture est fondée sur la production maraîchère et fruitière grâce à la mise
en place d’un large réseau d’irrigation : primeurs de Châteaurenard et de Saint-Rémy-de-Provence, foins de Crau, riz de Camargue ; les deux dernières ré-
gions pratiquent l’élevage du mouton, des chevaux et des taureaux.
La présence du premier port de
France explique le maintien d’industries alimentaires et chimiques liées aux importations. Seuls trois établissements industriels comptent plus de 2 000 salariés : Sud-Aviation à Marignane, les Houillères de Provence à Gardanne-Meyreuil et les chantiers de construction navale de La Ciotat.
Le bâtiment et les travaux publics dominent par leurs effectifs, mais leurs activités restent liées aux fluctuations de la conjoncture. Deux pôles sont particulièrement dynamiques. Le premier se situe sur les rives de l’étang de Berre, où s’est mis en place un vaste complexe de raffinage d’hydrocarbures et d’industries pétrochimiques à La Mède, à Lavera et à Berre. Là se localisent également la base aérienne d’Istres et l’aéroport de Marignane. Le complexe portuaire naissant du golfe de Fos reçoit déjà des bateaux de fort tonnage, et l’implantation d’un centre sidérurgique est attendue ; de Lavera part le pipeline sud-européen. Le deuxième pôle est centré sur Gardanne, qui fournit les deux tiers de la production de lignite français ; le bassin alimente en électricité les usines d’alumine, qui traitent la bauxite de Brignoles, alors que la soude nécessaire est fournie par les salins camarguais.