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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 3

1675

nale fondée plus sur l’expérience que sur l’étude des textes. Il proclame que la nature du Bouddha est dans tous les êtres et en dehors des classifications morales ordinaires : le seul moyen d’atteindre au satori, à la « pensée dégagée de toute diversité », est de méditer sur la pensée individuelle. Cette secte, par son refus de la tradition et que l’on a classée dans les sectes bouddhiques, devrait constituer une catégorie philosophique à part, bien qu’elle se réclame parfois du Bouddha historique.

nichiren-shū

Fils d’un pauvre pêcheur, Nichiren (de son nom véritable Zennichi Maru, de son nom de religieux Renchō, de son nom posthume Risshō Daishi [1222-1282]) fut élevé dans les principes de la secte jōdo. Ordonné moine, il se mit à concevoir des doutes quant à la réelle efficacité de la pratique du nembutsu et s’attacha, parfois très violemment, à vouloir redonner au bouddhisme du tendai sa pureté première. Il quitta le mont Hiei et, refusant les doctrines ésotériques du tendai, commença, en 1253, à prêcher sa propre doctrine, tout entière fondée sur le Sūtra du lotus (Saddharmapuṇḍarika sūtra, Hokke-kyō) et sur trois grands principes : l’objet du culte (c’est-à-dire le Sūtra du lotus), les sens moraux, qu’il affirmait se trouver dans l’invocation au titre du sūtra (Namu Myōhōrenge-kyō,

« Au nom sacré du Sūtra du lotus de la Bonne Loi »), et l’identification de sa doctrine avec le devenir du Japon.

Il exposa ce dernier principe dans son Risshō Ankokuron (« Traité sur la stabilisation de l’État par l’établissement de

l’orthodoxie »), écrit en 1260. Douze ans après, il écrivit son Kaimokushō

(« Traité qui ouvre les yeux ») ainsi que d’autres ouvrages sur les relations qui, selon lui, devaient exister entre la religion et le gouvernement (Shuga Kokkaron, « Traité pour la protection de l’État »), sur les remèdes contre les calamités (Sainan Taiji), combattant violemment toutes les autres sectes.

Afin de matérialiser ses idées, il adopta un maṇḍala déjà utilisé par la secte tendai, où, autour de la formule « Namu Myōhōrengekyō » placée au centre des quatre orients, il plaça Śākyamuni et Prabhūtaratna. Dans l’ensemble, sa doctrine n’était pas essentiellement différente de celle du tendai prêchée par Saichō. Ses successeurs, Nichiji (1250 - ?), Nisshin (1407-1488), Nichiō

(1565-1630), déployèrent un grand zèle missionnaire. La formule mystique d’invocation au titre du sūtra du lotus connut un grand succès, surtout dans le peuple. Cette secte, vénérant principalement la personne de Shaka (le bouddha Śākyamuni) et, accessoirement, quelques divinités populaires, n’eut que très peu d’influence sur les classes aristocratiques.

Le bouddhisme populaire

après la période de

Kamakura

Après le XIVe s., le bouddhisme cessa pratiquement de se renouveler au

Japon. Les sectes existantes, jōdo-shū, jōdo-shinshū, nichiren-shū, zen-shū, shingon-shū et tendai-shū, pour ne pas parler des sectes mineures ou des innombrables sous-sectes, continuèrent d’évoluer, mais sans esprit novateur.

Cependant, l’enseignement diffusé par les sectes bouddhiques avait pénétré profondément dans toutes les couches de la société japonaise, se mêlant (zen-shū et jōdo-shinshū exceptés) aux croyances populaires et au shintō. Avec l’avènement de nouvelles couches de la société à l’époque des shōgun Tokugawa (1603-1867), et avec le nouveau développement de l’influence chinoise, on voit certaines divinités bouddhiques se colorer d’une personnalité nouvelle et apparaître des cultes jusque-là inconnus, les uns empruntés à la tradition chinoise, les autres émergeant du folklore local (ainsi le culte de certaines

divinités du Bonheur et de la Fortune).

Le bouddhisme japonais tendit à se populariser et à absorber des croyances très diverses, ce qui lui permit, dans un certain sens, de survivre à la stagnation qu’il fut obligé de subir sur le plan intellectuel pendant l’époque d’Edo, les philosophies néo-confucianistes et l’éthique du zen étant alors presque exclusivement à l’honneur. Le bouddhisme se confine alors dans des rôles sociaux (registres de population, oeuvres pieuses) et dans une hiérarchisation de ses temples. Cependant, quelques personnalités de premier plan apparaissent, surtout chez les religieux zen, tels que Hakuin (1685-1768), Takuan (1573-1645), Suzuki Shōsan (1579-1655), Ingen (1592-1673 ; importateur de la secte ōbaku). Certains moines zen jouent le rôle de conseillers auprès des shogun...

La restauration de l’ère Meiji en 1868 et la séparation officielle du shintō

d’État et du bouddhisme contraignirent ce dernier, jusqu’à un certain point, à se réformer et à prendre ses distances à l’égard des cultes populaires, phéno-mène qui contribua sans doute, dans une certaine mesure, à favoriser le développement de sectes nouvelles indépendantes plus ou moins syncré-

tiques que l’on englobe sous le nom de « shinkō-shūkyō » ou « nouvelles religions établies ». Parmi celles-ci, nous citerons le tenri-kyō, ou « religion de la sagesse divine », le konkō-kyō, ou « religion de la lumière d’or » et, comme exemple de groupement religieux moderne s’inspirant du bouddhisme, la sōka gakkai, ou « société pour l’étude des valeurs créatives », dont la doctrine religieuse d’entraide, prétendant être la seule dépositaire de l’orthodoxie nichirénite, se fonde sur les doctrines de Nichiren et sur le texte du sūtra du lotus. Cependant, les sectes orthodoxes connurent (et connaissent encore) un certain regain de popularité. Ces nouvelles religions ont, pour la plupart, emprunté au shintō primitif sa tradition aniconique et n’ont donné naissance à aucune forme originale d’art religieux. Mais l’esprit populaire a gardé vivaces jusqu’à nos jours les cultes de la plupart des divinités du panthéon bouddhique.

L. F.

LE BOUDDHISME CHINOIS

L’histoire

Introduit en Chine dès le Ier s. de notre ère, le bouddhisme joua un rôle capital aussi bien dans la vie que dans la culture chinoises. Et c’est aussi grâce à la Chine que le bouddhisme connut un essor extraordinaire et se répandit dans toute l’Asie.

Du Ier siècle de notre ère jusqu’au milieu du IIIe siècle

Cette période correspond à la dynastie des Han postérieurs et à l’époque dite « des Trois Royaumes ». L’expansion de la Chine vers l’Asie centrale sous les Han permit le contact non pas immédiatement avec l’Inde, mais avec les régions situées entre les deux pays, notamment le Turkestan oriental.

Selon la tradition, ce serait sous l’empereur Mingdi (Ming-ti) des Han (58-75 de notre ère) que débuta la pénétration du bouddhisme en Chine.

À la suite d’un rêve dans lequel il vit le Bouddha, cet empereur envoya chez les Yuezhi (Yue-tche), vers l’an 65, une mission composée de dix-huit personnes qui devait ramener, trois ans plus tard, deux missionnaires ainsi que le texte du « sūtra en quarante-deux chapitres ». Toujours selon la tradition, l’empereur fit construire à Luoyang (Lo-yang) le premier monastère : le temple du Cheval Blanc.

On sait maintenant que les Chinois avaient eu connaissance de cette religion bien avant ce temps. Tout au début, il s’agissait pour eux d’une religion étrangère qui n’était qu’un objet de curiosité. Si, vers le IIe s., grâce à un nombre plus important de textes traduits, principalement ceux du hīnayāna (Petit Véhicule), l’intérêt grandit, on considéra encore cette doctrine comme appartenant aux arts occultes au même titre que les pratiques d’inspiration taoïste.