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Cette approche n’est cependant pas suffisante, car notre vie psychique n’est pas uniquement intellectuelle. Il faut nous libérer aussi de nos attachements à ce monde et à notre « moi ».

Il faut chasser et éteindre nos désirs, nos passions et nos pensées mêmes, qui sont des activités du « moi » illusoire.

D’où la nécessité d’une règle rigoureuse de vie et l’exercice de la méditation. La méditation est une maîtrise de notre conscience, une tentative pour rejoindre la conscience pure. L’ultime union du « moi » avec l’Esprit universel est le nirvāṇa. Pour y atteindre, il faut toute une vie, ou même plusieurs vies d’effort. Après avoir traversé renaissances et morts, on s’élève peu à peu vers ce salut. On peut, à ce propos, penser à la Raison de Hegel, qui passe des formes inférieures vers les formes supérieures pour, à la fin, retourner à

sa forme pure, entièrement libérée de la matière.

Les écoles du Nord donnent plus

d’importance à la pratique, tandis que celles du Sud s’intéressent surtout à la compréhension théorique. Xuan

Zang (Hiuan Tsang), grand pèlerin et traducteur des textes saints de l’Inde, fondateur de l’école « Rien que la conscience », regretta, à la fin de sa vie, de ne pas avoir consacré assez de temps à la pratique de la méditation. À

l’opposé est l’école jingtu (tsing-t’ou

« Terre pure »), qui enseigne qu’il suffit aux fidèles de penser avec ferveur à Amitābha et de prononcer continuellement son nom pour obtenir le salut.

Cette école, très répandue parmi le peuple, a une idée très imagée et ma-térielle du nirvāṇa ; il s’agit pour ses adeptes d’un pays merveilleux et heureux où règne le Bouddha et où ils vont renaître après une vie parfaitement pieuse. On voit facilement combien cette idée est éloignée du vrai sens du nirvāṇa.

Le nirvāṇa

Pour qu’il y ait illumination, il faut avoir un sujet pour la recevoir. Comme le « moi » n’est que phénomène illusoire, le sujet de l’illumination ne peut être qu’un sujet transcendant, la

« Nature du Bouddha ». L’illumination est la révélation de la « Nature du Bouddha », que chacun de nous possède. Au moment où nous aurons une profonde compréhension de la structure du monde et où nous atteindrons la libération de nos désirs et de nos passions, nous serons « illuminés » et nous obtiendrons le nirvāṇa, qui n’est pas un au-delà. Le monde du Bouddha est ici, dans le monde présent. Le nirvāṇa est l’identification de la conscience de l’individu avec l’Esprit universel.

Il est comparable à « Dieu en lui-même ». Toutefois, il est difficile de le concevoir, et nous ne pouvons rien affirmer sur sa nature et son contenu.

« Le nirvāṇa est calme. » Si le monde phénoménal cesse d’exister, ne reste-t-il pas une sorte de calme absolu, vide et immobile ? Certains confondent le nirvāṇa avec la mort.

Si le nirvāṇa est une prise de

conscience personnelle, comment se pose alors le problème de l’« Autre » ?

Puisque l’« Autre » est situé dans le monde extérieur, qui est illusion, est-il besoin de le sauver ? Quel est le rapport entre l’« Autre » et moi-même ?

Il est vrai que l’« Autre » est une illusion dans ma conscience, qui est en soi une illusion. De même, je suis une illusion dans la conscience de l’« Autre », qui est aussi illusion. Le rapport entre l’« Autre » et moi-même est donc semblable à un ensemble de miroirs qui se reflètent les uns dans les autres. Tout l’univers se reflète en moi, et moi je suis dans chaque parcelle de l’univers, je m’identifie à lui. Ainsi, le microcosme contient le macrocosme tout en étant dedans. Tous les êtres appartiennent au même fond conscient.

Nous sommes différents et semblables, multiples et un. Pour mon salut, donc, il faut aussi le salut de l’« Autre », de tous les autres. D’où l’immense compassion du Bouddha. D’où l’amour

pour autrui. Le nirvāṇa en soi est

« calme », mais le Bouddha revient au monde de la souffrance ; en fait, il ne l’a jamais quitté, puisque le nirvāṇa n’est pas un au-delà.

L’illumination

L’illumination (abhisambodhi) est la connaissance de la conscience universelle. Cette connaissance n’est pas une connaissance au sens ordinaire. L’état de nirvāṇa étant inexprimable, cette connaissance est sans contenu ; elle est une expérience incommunicable par la parole. On est dans cet état ou on n’y est pas. L’illumination est subite.

On préconise généralement deux

méthodes pour atteindre le nirvāṇa : l’une graduelle, l’autre subite. Nous avons expliqué dans les colonnes pré-

cédentes que, pour obtenir le salut, il faut un long effort intellectuel et moral.

C’est la méthode graduelle. L’autre méthode ne lui est pas diamétralement opposée. En réalité, les subitistes n’excluent pas les efforts de longue haleine.

Il y a une discipline à suivre. Mais, une fois la maturation atteinte, l’éclosion se fait, et, d’un bond, on est illuminé.

Ce n’est pas à petites doses qu’on « accumule » l’illumination ; d’un coup, une lumière se projette sur tout, et tout

prend un sens nouveau.

L’école du chan (tch’an, zen en

japonais) rejetait toutes études dis-cursives et exercices de méditations en visant directement l’illumination.

On raconte que Mazu (Ma-tsou), qui pratiqua régulièrement la méditation, vit un jour son maître Huairen (Houai-jen) frotter une brique devant sa hutte et qu’il lui demanda, intrigué, ce qu’il faisait. Le maître répondit qu’il avait l’intention d’en faire un miroir. À la question de Mazu : « Comment peut-on fabriquer un miroir en frottant une brique ? », Huairen répondit : « Si, en frottant une brique, on ne réussit pas à fabriquer un miroir, comment la méditation peut-elle faire de nous un bouddha ? » Par cette parole, Mazu fut illuminé. La méditation ainsi que l’étude des livres saints sont de nature fondamentalement différente de celle downloadModeText.vue.download 581 sur 583

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 3

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de l’illumination. Aussi, la méthode que les maîtres chan utilisent pour répondre aux questions des disciples consiste-t-elle souvent à leur donner un coup de bâton, à leur tirer le nez ou à leur crier à la figure.

Le but est de provoquer chez

l’adepte un choc psychologique qui, donné au bon moment, permet l’éclosion de l’illumination.

Après l’illumination, que se passe-t-il ? « S’élever encore d’un degré au-dessus du sommet du bambou de cent pieds. » Le sommet du bambou, c’est le parachèvement de l’illumination.

« S’élever encore d’un degré » signifie que l’homme ne peut être satisfait de son état d’illumination ; il doit aller plus loin.

D’après l’école du chan, ce qui lui reste à faire n’est rien d’autre que d’accomplir les choses ordinaires de la vie.

Mais la signification en est tout autre.

Désormais, la vie quotidienne sera habitée par l’Esprit. « Porter de l’eau à boire et couper du bois de chauffage,

c’est en cela que réside le merveilleux dao (tao). »

À ce stade, le problème du salut

redevient une question d’harmonie, question dont les Chinois se préoccupent avant tout. Le bouddhisme, en-tièrement sinisé, apporte cependant à la pensée chinoise l’idée de la conscience universelle, c’est-à-dire de l’Esprit.

Les écoles bouddhiques

Comme les différentes écoles donnent des interprétations différentes sur la doctrine du Bouddha, les écoles tiantai (t’ien-t’ai) et huayan (houa-yen) essaient toutes deux d’élaborer une synthèse historique pour concilier les théories contradictoires. Nous donnons ici la version du huayan, qui classe l’enseignement du Bouddha en deux Véhicules et cinq stades.

1. Premier stade : le Petit Véhicule.