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volution, constitué alors, est composé essentiellement de militaires. Ministre de la Défense, président du Conseil de la révolution et chef du nouveau gouvernement, le colonel Boumediene devient le véritable maître de l’Algérie.

Contrairement à Ben Bella, il est secret, laconique et a peu de contacts avec les masses populaires. À l’ancien président de la République algérienne, il reproche son goût pour le pouvoir personnel, sa mauvaise gestion économique, son « verbalisme » et sa politique de prestige personnel sur le plan international. Il prend la contrepartie de la politique de son prédécesseur en substituant au pouvoir personnel un pouvoir collégial et à la politique de prestige personnel une politique d’indépendance nationale. La nouvelle orientation est, par ailleurs, centrée sur les problèmes proprement algériens.

L’option socialiste ne semble pas mise en question. Mais, pour le colonel Boumediene, le socialisme doit être dépouillé de toute « démagogie » et de tout « verbalisme ».

Plus nationaliste et plus musulman que son prédécesseur, marqué par une formation traditionaliste acquise à Tunis et au Caire, le colonel Boumediene arrête dès son avènement les marxistes algériens les plus influents et déclare « n’emprunter rien à personne et accomplir la désaliénation économique des individus sans porter atteinte à l’immuabilité des croyances, des traditions et des règles morales islamiques ».

Chez lui, beaucoup plus que chez Ben Bella, le nationalisme et l’islām semblent donc l’emporter sur le socialisme. On comprend alors, dans une certaine mesure, les modifications apportées à la politique algérienne depuis le coup d’État du 19 juin 1965. Pour Boumediene, le développement économique du pays est essentiellement l’affaire des cadres et des techniciens.

La nouvelle orientation économique s’apparente donc beaucoup plus au

« capitalisme d’État » qu’au socialisme. Cependant, Boumediene est aussi jaloux que son prédécesseur de l’indépendance de son pays et n’hésite pas, pour la renforcer, à nationaliser la plupart des entreprises étrangères installées en Algérie. En 1971, notamment, il prend le contrôle des sociétés pétrolières françaises.

La politique de Boumediene est anti-impérialiste : elle est marquée par le soutien accordé aux mouvements de libération nationale, et notamment des Palestiniens, aux côtés desquels l’Al-gérie se sent particulièrement engagée.

Le chef de l’État algérien prône enfin la nécessité, pour les pays non alignés, d’être partie prenante dans les grands problèmes économiques mondiaux.

En 1976, les orientations de sa politique sont approuvées par le pays lors d’un débat instauré dans les assemblées populaires autour d’un projet de Charte nationale. Celle-ci, une fois adoptée, servira de base idéologique à la Constitution votée la même année.

Le 10 décembre, candidat unique du F. L. N., Boumediene sera élu président de la République.

M. A.

F Algérie.

Bounine (Ivan

Alekseïevitch)

Écrivain russe (Voronej 1870 - Paris 1953).

Bounine fut le premier écrivain russe à recevoir le prix Nobel de littérature (1933). D’aucuns s’étonnèrent alors que l’Académie suédoise ne lui ait pas préféré Gorki ou Merejkovski, plus connus à l’étranger. En fait, s’il s’agissait de désigner, parmi les écrivains russes, le plus parfait artiste, elle ne pouvait mieux fixer son choix. Peintre de nature et portraitiste, chantre des sentiments et des sensations, styliste s’exerçant avec prédilection dans des compositions de peu d’étendue (conte, esquisse, récit ou nouvelle), Bounine est assez justement évoqué parfois comme une sorte de Maupassant russe.

Le père de Bounine, gentilhomme

campagnard ruiné, possédait dans le gouvernement d’Orel une dernière propriété. C’est là que se passèrent l’enfance et la jeunesse du futur écrivain. Durant les longues soirées d’hiver, l’enfant découvre avec sa mère la poésie de Pouchkine. Celle-ci s’intègre à son univers, devient une authentique parcelle de sa vie, et c’est sous son signe que Bounine débute dans la carrière militaire. Après le Tombeau de Nadson, pièce parue dans un périodique dès 1887, il publie en 1891 un premier recueil de poésie et en 1901, le plus célèbre de tous, la Chute des feuilles. Par leur forme et par leur inspiration, les vers de Bounine resteront toujours tributaires de ceux de Pouchkine. Après lui, il dit le caractère unique des impressions et des sensations qui naissent en présence de l’éternel renouvellement de la vie. Ce sentiment de la nature est très sensible également dans ses premiers récits, où il s’associe aux tableaux, teintés de regret, de la vie patriarcale, qui disparaît avec l’appauvrissement de la noblesse terrienne et devant les progrès de l’industrialisation.

Bien avant d’en aborder la lecture, Bounine subit aussi le rayonnement de Tolstoï. Son père avait connu ce der-

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 4

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nier et racontait avoir joué aux cartes avec lui dans Sebastopol assiégée. Ob-sédé par le désir de rencontrer Tolstoï, Bounine fréquente ses adeptes, devient lui-même « tolstoïen », et un membre de la confrérie l’introduit, un jour de janvier 1894, à Moscou, auprès du Maître. Son admiration pour lui ne faiblira pas. Tous ses écrits en prose sont des variations sur les thèmes tolstoïens de la vie et de la mort. Plus tard, durant les années d’émigration, Bounine composera un ouvrage consacré aux derniers jours de Tolstoï (la Délivrance de Tolstoï, 1932), longue méditation sur la vie du patriarche d’Iasnaïa Poliana à la lumière de ses derniers moments.

Héritier du classicisme russe, il s’est défendu de toute appartenance aux courants littéraires de son temps. Son opposition à l’esthétique « décadente »

le rapproche cependant du groupe des néo-réalistes qui se réunissaient le mercredi à Moscou, à partir de 1899, chez Leonid Andreiev ou chez Nikolaï D. Telechov. Il y rencontre des écrivains comme Veressaïev, Serafimovitch et Gorki, avec qui il reste en relation jusqu’en 1917. Celui-ci l’invite à collaborer aux recueils de la coopérative d’édition « Savoir » publiés sous sa direction (de 1904 à 1913, prose ou vers, Bounine figure presque dans chaque numéro) et influe sur l’orientation de ses projets littéraires aux alentours de 1910. Bounine, en effet, à la suite de voyages en Orient et en Asie Mineure, était alors attiré par les sujets exotiques, comme en témoignent les esquisses et les poèmes qui composent son recueil le Temple du soleil (1909).

C’est sur le conseil de Gorki qu’il revient, avec un cycle de récits dont le Village (1910) et Valsèche (1911) sont les plus marquants, à la peinture de la campagne russe, des paysans et des seigneurs. Mais les mutations et les réflexions provoquées par les événements de 1905 déterminent une approche nouvelle de ce thème qui lui était familier et la mise en oeuvre de

nouveaux moyens d’expression. Au lieu de l’écriture quelque peu élégiaque de ses premiers recueils, Bounine passe à un réalisme impitoyable. À travers la biographie des deux frères Krasov (le Village), Tikhon, le « koulak » qui rachète les terres des seigneurs ruinés, et l’indolent et rêveur Kouzma, poète autodidacte et porte-parole de l’auteur, il exprime âprement la vie désespérante du moujik, montre toute une galerie d’hommes de la glèbe et de la boutique presque tous rudes, mauvais et souffrant de leur méchanceté. L’image de la noblesse russe reflétée par la littérature du XIXe s., avec laquelle avait d’abord coïncidé sa propre vision, est soumise à une révision radicale. C’est le requiem de sa classe sociale que chante Bounine lorsqu’il montre, en liaison avec le destin de Nathalie, la vieille servante, la dégénérescence, l’agonie morale et physique des maîtres de Valsèche.