Face à l’autorité féodale des ducs et avec leur aide, l’Église sut implanter de solides établissements religieux, bien que le Bourbonnais fût divisé entre les trois diocèses voisins de Clermont, de Bourges et d’Autun.
Parmi les monastères bénédictins, Saint-Pourçain, Ebreuil (fin du XIe s.), Saint-Menoux (XIIe s.), il faut mettre à part le prieuré de Souvigny, le plus illustre. Deux grands abbés de Cluny, saint Maïeul, en 994, et saint Odilon,
en 1049, vinrent y mourir. Leurs tombeaux amenèrent les foules de pèlerins.
Les ducs tinrent aussi à y être inhumés et firent du prieuré le Saint-Denis de la dynastie. Saint-Pierre de Souvigny est le meilleur exemple des rencontres d’influences qui se croisent en Bourbonnais, où il n’y a pas d’école romane caractérisée. On y voit confluer style auvergnat venu du sud, style berrichon venu de l’ouest, style bourguignon, enfin, venu de l’est. Celui-ci se révèle par le plan à double transept et les deux clochers rappelant l’église de Paray-le-Monial. Les maîtres d’oeuvre et sculpteurs de Cluny, qui affectionnent les nefs non éclairées à berceau brisé, les bas-côtés voûtés d’arêtes, les pilastres cannelés à l’antique, feront école aux downloadModeText.vue.download 18 sur 573
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églises de Besson et d’Ygrande. Mais celles de Veauce, de Chantelle et de Châtel-Montagne s’inscrivent dans l’orbite auvergnate.
À l’époque gothique, les édifices sont plus faciles à cerner. À Souvigny même, vers 1435, on rebâtit chevet, second transept et nef haute, et on élève la « chapelle neuve ». Notre-Dame de Montluçon est due aux libéralités de Louis II de Bourbon, mort en 1410. À
Moulins, la collégiale (devenue cathé-
drale) est terminée en 1507. Elle offre une large nef de style flamboyant, éclairée par des fenêtres hautes à vitraux remarquables, sans triforium.
Déambulatoire et chevet plat sont fort originaux par l’implantation en quin-conce des piliers portants. Le trésor de la cathédrale conserve une des oeuvres les plus célèbres de la peinture fran-
çaise, le triptyque dit « du Maître de Moulins », qui éclipse quelque peu en Bourbonnais les fresques d’Ébreuil (XIIe s.), celles de Jenzat (XVe s.) ou le polyptyque de Montluçon (fin du XVe s.).
Les sculpteurs attirés par la cour de Moulins, autour de Michel Colombe*, ont laissé dans les églises des productions nombreuses : mises au tombeau,
Vierges à l’Enfant d’une élégance assez distinguée pour définir une école réellement bourbonnaise.
Après cette brillante époque, charnière entre le monde gothique et la Renaissance, vient le déclin. Les malheurs de Charles de Bourbon, tué comme chef de bande devant Rome en 1527, amènent la confiscation de ses biens et le rattachement du duché à la Couronne.
Réforme et guerres de Religion
n’épargnent pas la province : l’art est paralysé. Au début du XVIIe s., ce sont les troubles de l’insurrection de Condé : de nombreuses forteresses sont rasées. Dans la seconde moitié du siècle, l’architecture ne se signale que par la chapelle des Montmorency (ancien couvent de la Visitation) à Moulins, avec un tombeau solennel dû principalement à François Anguier (1651-1658), et par le château de Souys (1655), bâti pour Mme de Montespan.
Robert de Cotte est appelé pour restaurer le château de Montaret (1705).
Couvents et hôtels de ville se mettent à la mode du XVIIIe s., mais d’une ma-nière modeste, très provinciale.
Le Maître de Moulins
Le mystère de son auteur anonyme ajoute encore à l’attrait du triptyque dit « du Maître de Moulins ». Au centre de la composition, fondée sur la répétition de cercles symboliques, la Vierge, drapée de rouge, trône sur un arc-en-ciel entouré d’une guirlande d’anges. Sur les volets latéraux, les donateurs, le duc Pierre II de Bourbon et la duchesse Anne, fille de Louis XI, sont pré-
sentés l’un et l’autre par leur saint patron.
On date l’oeuvre, d’une élégance détendue bien que fermement construite, d’environ 1501. Dans un compte de 1502-1503, parmi les officiers de la cour de Pierre II, figure un « Maistre Jehan le paintre » : les historiens d’art ont échafaudé hypothèse sur hypothèse depuis un demi-siècle pour tenter de l’identifier. Était-ce Jean Bour-dichon, Jean Perréal, Jean Prévost ? La réponse semble avoir été apportée avec pertinence par Charles Sterling, qui, dans la Revue de l’art (1968, I), a mis en avant le nom de Jean Hey, Hollandais établi en France et cité en 1504 par Lemaire de Belges comme seul grand peintre français
vivant, à côté de Jehan de Paris (Perréal). La première oeuvre connue du maître, proche de Van der Goes* mais déjà marquée par l’ambiance spirituelle française, est la Nativité du musée d’Autun (v. 1480-1483).
Du même artiste, on peut voir au Louvre deux volets de triptyque avec les Bourbons (1492), ainsi que les portraits de la petite Suzanne de Bourbon, fille du duc Pierre II et d’Anne, et du dauphin Charles-Orlant (tableau daté de 1494). Autres oeuvres à Munich, Bruxelles, Glasgow.
F. E.
A. Allier, l’Ancien Bourbonnais (Desrosiers, Moulins, 1835-1839 ; 3 vol.). / P. Pradel, le Bourbonnais (Arthaud, Grenoble, 1938). /
M. Genermont, Châteaux en Bourbonnais (Cré-
pin-Leblond, Moulins, 1949). / A. Bernard et C. Gagnon, le Bourbonnais (Gallimard, 1954).
/ A. Leguai, Histoire du Bourbonnais (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1960 ; 2e éd., 1974) ; De la seigneurie à l’État, le Bourbonnais pendant la guerre de Cent Ans (Impr. réunies, Moulins, 1969). / Dictionnaire des églises de France, t. II (Laffont, 1966). / J. Favière, Berry, Nivernais, Bourbonnais (Arthaud, 1976).
Bourdelle
(Antoine)
Sculpteur français (Montauban 1861 -
Le Vésinet 1929).
Fils d’un artisan du meuble qui habi-tait en face du musée Ingres, Bourdelle, dès son enfance, dessine d’après les antiques. Remarqué par le romancier Émile Pouvillon, il obtient des bourses qui lui permettent d’entrer, en 1880, à l’école des Beaux-Arts de Toulouse, puis, en 1884, aux Beaux-Arts de Paris, downloadModeText.vue.download 19 sur 573
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où il devient l’élève d’Alexandre Fal-guière (1831-1900).
Installé impasse du Maine (auj.
rue Antoine-Bourdelle), il y fait la connaissance de Jules Dalou*, qui le prend comme praticien et le présente à Auguste Rodin*, dont Bourdelle va devenir le collaborateur préféré (fini-
tion du plâtre des Bourgeois de Calais ; participation à l’élaboration du Balzac). Il admire son patron, mais aussi les grands sculpteurs du XIXe s. — Carpeaux*, Rude*, Barye* — et, dans le passé, Puget*.
C’est sous l’influence de ces maîtres, associée à son amour personnel du pri-mitivisme (« Je sculpte en patois », dira-t-il), qu’il exécute ses premiers ouvrages remarqués (notamment par Gustave Geffroy) : bustes du compositeur Saintis (Salon de 1884), de Léon Cladel, de Jules Tellier ; médaillons de Michelet, d’Arago ; Adam (1888).
Conformément, déjà, aux deux principes de son inspiration, Bourdelle traite tour à tour des thèmes héroïques et des sujets familiers (de la Douleur stoïque du guerrier à la Petite Car-deuse de laine). Il reçoit en 1893 la commande du monument aux morts
de Montauban (inauguré dix ans après, l’artiste ayant sculpté cinquante-deux têtes préparatoires, dont quarante en grandeur d’exécution). C’est en 1889
qu’il exécute la Tête de Pallas (Torse de Pallas : 1901). Quant à ses Beethoven, le premier date de 1887, et Bourdelle n’en produira pas moins de vingt et un, le dernier datant de 1929.
La Tête d’Apollon (1900) marque
dans sa carrière un tournant décisif :
« J’y ai, a-t-il dit, trouvé mes lois. » Au réalisme sensitif de Rodin, il entend substituer un réalisme plus intellectuel, plus architecturé : « J’échappai au troué, au plan accidentel, pour chercher le plan permanent. Je recherchai l’essentiel des structures, laissant au second plan les ondes passagères. »