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Si les définitions amènent à conclure que la bourgeoisie « est multiforme », seules les étapes de son développement historique rendent compte de cette va-riété, qui apparaît déconcertante pour downloadModeText.vue.download 21 sur 573

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 4

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ceux qui s’attachent d’abord aux définitions et aux classifications.

Du XIe au XVe siècle

Dans une charte octroyée par le comte d’Anjou Foulques Nerra aux habitants de Beaulieu-lès-Loches au début du XIe s. (1007) se trouve le terme de burgensis, qui désigne alors les habitants d’un village, d’un bourg nouvellement créé : ce mot nouveau s’applique à une forme de vie nouvelle, passée dans les villes et non plus sur le domaine.

Le burgensis n’est plus le terrien qui cultive sous la dépendance d’un seigneur ; il habite les villes, qui se multiplient désormais, et assure son existence soit par le métier qu’il pratique, soit par le commerce. Ce dernier cas est le plus fréquent : burgensis est souvent synonyme de mercator. Au regard des anciennes cités retranchées à l’intérieur des remparts pendant la période des invasions, la ville neuve, fief du bourgeois, est une innovation.

Ses habitants ont conscience de leurs besoins propres, différents de ceux des paysans : entre autres, la liberté

d’aller et venir, indispensable au commerce, comme la sécurité sur le sol qu’il travaille est indispensable au

« laboureur ». Ils demandent donc et obtiennent ces libertés nécessaires, et c’est ce qui fait le « mouvement communal » (v. commune médiévale) ; des chartes de franchise sont obtenues par les bourgeois, généralement à la suite d’accords à l’amiable, parfois par la violence (Corbie, Laon). Les bourgeois échappent ainsi à la tutelle laïque ou ecclésiastique et assurent par eux-mêmes leur propre défense ; ils nomment parmi eux des échevins, ou consuls, qui trouvent dans le monde moderne leur équivalent en la personne des conseillers municipaux, et forgent peu à peu leurs propres usages, lesquels seront parfois mis par écrit au moment où se fixent les coutumes féodales en général, c’est-à-dire dans le courant du XIIIe s.

Car, il faut y insister, la période de grande expansion des villes coïncide absolument avec le plein épanouissement de la civilisation féodale. Ces villes neuves qui se multiplient sur notre sol sont contemporaines des châ-

teaux*, qui s’y multiplient également.

Les créations s’espacent vers le milieu du XIIIe s. : Aigues-Mortes, surgie des sables et des marais au moment où l’on perçoit les premiers signes de déclin de la société féodale elle-même, sera l’une des dernières.

À la fin du XIIIe s., le sens du mot bourgeois a déjà quelque peu évolué ; il désigne alors généralement celui qui, dans la ville, possède certains droits liés à une propriété, un immeuble. On constate quelque déséquilibre entre les fortunes ; parmi les habitants, il y a les

« gras » et aussi les « maigres », les

« menus ». On distingue aussi les premières formes des malaises sociaux : l’administration des finances et de la justice dans certaines cités, notamment les cités industrielles du nord de la France, comme en Flandre* et en Italie, se trouve, par le jeu des élections et de la cooptation, entre les mains d’oligarchies bourgeoises ; les règlements des métiers prévoyaient et empêchaient dans une large mesure les tentatives d’accaparement de matières premières ou de main-d’oeuvre ; les lois de

l’Église, d’autre part, combattaient le prêt à intérêt et demeuraient peu favorables au commerçant proprement dit, celui qui n’achète que pour revendre.

Certains bourgeois, cependant, ont pu réaliser des bénéfices assez importants pour que leur fortune tranche nettement sur celle des autres habitants de la cité. Le cas historique le mieux connu est celui de Jean Boinebroke, drapier (marchand de drap) qui possède plusieurs maisons tant à Douai qu’en la campagne environnante ; échevin de sa cité pendant près de quarante ans (1243-1280), il contrôle l’administration et les finances de la ville à son bénéfice et au détriment des petites gens, réduits à sa merci. Si le travail reste alors disséminé en petits ateliers, si le travailleur reste propriétaire de ses moyens de production, il n’échappe pas au pouvoir de commerçants capitalistes comme Jean Boinebroke.

Ces disproportions dans l’état social se manifestent surtout dans les cités industrielles et aboutiront en Flandre à une véritable guerre sociale. La bataille de Courtrai, en 1302, se livre entre le peuple des « angles bleus » tisserands et teinturiers contre les commerçants de la draperie, soutenus par les armées de Philippe le Bel. De la même époque date d’ailleurs la décadence des foires de Champagne*, qui étaient le noeud des circuits commerciaux durant la période proprement féodale, période où fleurit le grand commerce alimenté par les marchés du proche ou même du lointain Orient ; une mutation se produit dans l’activité même du commerçant, qui, jusqu’alors, voyageait en personne pour aller se procurer les denrées nécessaires à son commerce et qui, désormais, se fixe, devient un sédentaire et se contente d’avoir dans les grandes places commerciales des agents, acheteurs pour son compte.

On constate aussi, à l’extrême fin du XIIIe s., qu’en France surtout la bourgeoisie s’est différenciée. « En France a tout plein d’avocats », constate un contemporain (Geoffroy de Paris). Le fils du commerçant étudie le droit ; ce développement des études du droit en France correspond à celui du calcul et des moyens de comptabilité com-

merciale en Italie ; c’est pourtant à la source italienne que l’on puise, et notamment au droit romain, celui de l’État urbain centralisé convenant mieux aux besoins des commerçants que les coutumes, qui se ressentent toujours de leur origine terrienne et domaniale. Dans ce droit romain, les conseillers de Philippe le Bel, tous issus de la bourgeoisie et qui se font donner le titre de « chevallier ès lois »

— Guillaume de Nogaret, Guillaume de Plaisians, Pierre Flote, etc. —, redé-

couvrent la notion d’un État centralisé dans lequel fait loi la volonté du prince.

La période qui suit — celle à laquelle devrait être réservée l’appellation de Moyen Âge, puisque c’est, dans toute la force du terme, une période de transition — est marquée par les guerres entre France et Angleterre, par les grandes famines (1315-1317) et par les épidémies (peste noire de 1348) qui secouent l’Occident et exercent de profonds ravages. La puissance de la bourgeoisie s’y révélera en la personne d’Etienne Marcel, prévôt des marchands de Paris, qui, entre 1356

et 1358, tente d’imposer au souverain le principe d’assemblées périodiques fixant la taille. Son programme financier manifeste clairement le souci de préserver les fortunes bourgeoises : les revenus de moins de 10 livres seront taxés à 10 p. 100 ; ceux qui sont compris entre 10 et 1 000 livres seront taxés à 2,20 p. 100 ; enfin, ceux de plus de 5 000 livres, s’ils sont nobles, mais de downloadModeText.vue.download 22 sur 573

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1 000 livres, s’ils ne sont pas nobles, seront totalement exemptés d’impôts.

Etienne Marcel mourra dans une insurrection populaire qui tournera au bé-

néfice du Dauphin, représentant le roi alors prisonnier.

Ce pouvoir royal lui-même sera près d’être mis en échec par une féodalité nouvelle, celle des princes du sang, au début du XVe s., à la faveur de la folie de Charles VI. La bourgeoisie jouera pourtant un certain rôle dans les événe-