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ments en secondant les efforts des ducs de Bourgogne Jean sans Peur, puis Philippe le Bon ; il s’agit notamment de la bourgeoisie des métiers avec la Grande Boucherie parisienne, proprié-

taire des étaux, qu’elle loue à des salariés, et aussi celle des universitaires parisiens, qui se sont dans l’ensemble ralliés à l’envahisseur, le roi d’Angleterre. C’est, en effet, l’époque où à la guerre civile s’ajoute l’invasion étrangère, marquée par la défaite d’Azincourt et l’occupation non seulement de Paris, mais de toute la moitié nord de la France jusqu’à la Loire.

Lorsqu’un ordre nouveau se sera institué à la suite des victoires de Jeanne d’Arc, deux pouvoirs se dégageront aux alentours de 1450 : celui du souverain et celui de la bourgeoisie. Pour la première fois, le souverain dispose des deux organes essentiels à la puissance souveraine, l’armée permanente et l’impôt permanent, et cela à la suite des ordonnances qui réglementent, entre 1445 et 1448, le recrutement et l’équipement des gens d’armes, et à la suite de celles qui, entre 1443 et 1460, instituent la taille annuelle et régulière ainsi que les aides et la gabelle, ou impôts indirects. C’est, étendu à l’ensemble du royaume, le même système d’impôts que la bourgeoisie elle-même a institué dans les villes. L’état général des finances, soit le budget de la nation, est dressé pour la première fois en 1450 ; assez curieusement, on peut noter que, vers la même date, en 1447, l’étalon-or est introduit sous l’influence des banquiers génois. Enfin, autre instrument de la puissance souveraine, le parlement de Paris est réorganisé en 1454 ; il exercera, par rapport aux parlements érigés ou maintenus en province, une sorte d’autorité supérieure d’appel et de contrôle. À ses côtés, la Chambre des comptes et la Cour des aides, qui, jusqu’alors, n’avaient d’autre ressort que le domaine royal, voient leur compétence étendue à l’ensemble du royaume.

Les Temps modernes

C’est donc une forme centralisée que revêt désormais le royaume de France ; l’autorité du roi féodal devient celle du monarque, et ce pouvoir du monarque

sera complet lorsque, sous le règne de François Ier, sera signé avec le pape le concordat de 1516, qui soumet le pouvoir spirituel au pouvoir temporel, confiant au roi la nomination des évêques ainsi que des abbés des principaux monastères.

Ce pouvoir centralisé s’exerce par les fonctionnaires, agents de la royauté, qui vont devenir l’une des forces les plus importantes du pays, lui donnant quelques-uns de ses traits les plus marquants.

Ces fonctionnaires — membres du

parlement à degré divers, depuis les avocats et procureurs jusqu’aux hautes charges de la magistrature : maître des enquêtes et des requêtes, procureur gé-

néral, président, etc., ou encore gouverneurs et lieutenants généraux, plus tard intendants, envoyés dans les provinces

— se recrutent dans la bourgeoisie ; en effet, ils achètent leurs charges, qui vont donc à ceux qui détiennent l’argent. Par ailleurs, Louis XI appuiera son action personnelle sur les membres de la bourgeoisie ; dès 1475, il réunit à Paris bourgeois et marchands, invités à le conseiller sur les mesures propres au développement de l’industrie et du commerce ; il édite toute une série d’ordonnances pour multiplier les maî-

trises et les jurandes, qui, désormais, monopoliseront l’exercice des métiers (ce qu’on appellera au XVIIIe s. la corporation). On sait enfin comment il élimine la puissance des grands vassaux.

L’ensemble de ces changements contribue à faire de la France une nation centralisée ; ce mouvement se manifeste aussi dans les autres pays d’Occident, notamment en Angleterre, qui subira la plus grande mutation sans doute de son histoire, tant en devenant une puissance insulaire qu’en se muant, de pays essentiellement agricole qu’elle était encore, en un pays industriel.

C’est vraisemblablement sous le

règne de Louis XIV qu’on peut le mieux observer le visage désormais différencié d’une bourgeoisie qui traverse alors une période d’apogée. Cette bourgeoisie est désormais au service du pouvoir central, et cela dans chacun de ses aspects : bourgeoisie des marchands, des métiers, des légistes, des

fonctionnaires.

Un personnage comme Colbert*

— et, à sa suite, son fils, le marquis de Seignelay —, issu d’une famille de drapiers, incarne parfaitement le visage de cette bourgeoisie inféodée à la monarchie ; il réalise somme toute le voeu de Louis XI en faisant de la France une vaste firme commerciale et industrielle régie par des règlements très précis. L’ensemble des institutions dont il dote la bourgeoisie du commerce et des manufactures — le mercantilisme — a pour objet de stimuler le commerce intérieur et de favoriser par les barrières douanières le commerce extérieur. Rappelons la création des compagnies commerciales dotées de monopoles, qui ont surtout pour objet la traite des esclaves noirs, qu’on va chercher sur les côtes de Guinée pour travailler, dans les Antilles, la canne à sucre. C’est ce commerce

« triangulaire » qui fait le principal objet du trafic atlantique et la richesse des ports de Nantes, de La Rochelle et de Bordeaux. Le commerce d’outre-Atlantique marque par ailleurs le début du domaine colonial de la France avec les Antilles et aussi (1682) la Louisiane et le Canada ; mais ce sont les Antilles qui fournissent les denrées les plus in-téressantes, commercialement parlant.

Colbert donne également une im-

pulsion aux manufactures en créant un corps d’inspecteurs généraux et régionaux, qui demeurent dans la ligne esquissée par Louis XI pour généraliser les maîtrises et les jurandes, ce qui avait été maintes fois tenté au XVIe s.

(édits de 1581 et 1597), mais qui ne se trouve réalisé qu’en 1673. Cette organisation des métiers permettait un contrôle efficace de la qualité des produits, contrôle qui, jusqu’alors, était exercé à l’intérieur même du métier par les règlements issus du monde du travail et qui, désormais, émane de l’État centralisé : en 1669, c’est l’ordonnance générale de la draperie et, en 1671, celle qui concerne la teinturerie ; l’une et l’autre prévoient tous les détails relatifs aussi bien à la police du travail qu’à la technique même, avec des sanctions en cas de fraude et l’apposition obligatoire d’une marque de contrôle. Cette organisation, on l’a fait remarquer, bri-mait quelque peu l’esprit d’initiative et

souleva les protestations des gens de downloadModeText.vue.download 23 sur 573

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 4

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métier, mais elle facilitait le commerce en normalisant la marchandise.

L’intérêt de Colbert va également au travail des mines, de la métallurgie et de la sidérurgie, qui intéresse l’armement ; dès le XVIe s., on avait réglementé la fabrication des poudres et salpêtres, et créé des arsenaux (Sedan, 1642 ; Metz, 1644). À partir de 1670, on assiste à l’expansion de l’industrie sidérurgique, notamment dans le Nivernais. Par ailleurs, Colbert s’emploie à créer des chantiers de construction navale, concentrés dans quelques ports de mer : Dunkerque, Le Havre, Brest, Rochefort, Marseille et Toulon. La flotte, qui compte trente bâtiments au moment où il commence à prendre en main l’Administration, en comprend plus de deux cent cinquante à sa mort (1683). Le recrutement des équipages, qui se montent alors à 54 000 hommes, s’est fait par la force (la prise, ou presse, c’est-à-dire la rafle des gens dans les ports par des forces de police) jusqu’au moment où a été établi le ré-

gime de l’inscription maritime. (V. affaires maritimes [Administration des].) L’époque classique

C’est donc au XVIIe s. que se trouve réellement établi le régime du travail, qui comporte trois étapes : apprenti, valet ou compagnon, maître. Mais les maîtres ne tardent pas à former caste et à opposer, en se servant des règlements existants, une barrière aux compagnons, notamment en imposant des frais de maîtrise de plus en plus élevés et en réglementant le chef-d’oeuvre, qui devient de plus en plus compliqué et coûteux. Les compagnons, à qui l’accès à la maîtrise est rendu de plus en plus difficile, s’organisent en sociétés semi-clandestines ; celles-ci ont peut-être commencé à se faire jour dès la fin du XVe s., au moment même où s’étendait le régime des maîtrises ; elles s’inspirent en partie des anciennes