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lable et sacré, et s’est arrogé le droit de les déposer. Acclamé imperator, c’est-

à-dire général victorieux, à l’issue de ses campagnes, il est devenu, après Munda, imperator dans un nouveau sens du mot, en tant que détenteur de l’imperium, toute-puissance politique, et ce titre s’accole habituellement à son nom.

Ainsi, maître de tout et de tous, il poursuit les réformes et la politique in-térieure déjà amorcées dans l’intervalle de ses campagnes ou même au cours de celles-ci. Car, toujours par monts et par vaux, il travaille en voyage.

C’est en cours de route qu’il écrit plusieurs de ses oeuvres. Il s’entoure d’un secrétariat de plus en plus nombreux, de même qu’il confie des fonctions inédites à ses fidèles. C’est ainsi que s’esquisse le système des bureaux im-périaux, parallèles aux magistratures d’origine républicaine. D’intrigant politique, César est devenu homme de guerre, puis administrateur et réformateur. Il se révèle tout aussi brillant dans cette dernière tâche.

D’abord, la sécurité : après les dé-

sordres de la guerre civile, César et l’État seront respectés grâce à la loi de majesté. Une lex de vi décourage la violence dans la rue. Les associations sont supprimées en grand nombre.

Ensuite, sous une apparence de

réconciliation, d’amnistie et de ralliement, César revient à la politique de recherche de la popularité, c’est-à-dire de démagogie. Son despotisme égali-downloadModeText.vue.download 568 sur 573

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 4

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taire tend à abaisser la noblesse sénatoriale et les hommes d’affaires, mais favorise tous les autres. Il fait grâce aux pompéiens, en libérant les prisonniers, en laissant entrer ceux qui ont fui, en donnant des fonctions à quelques-uns.

Cicéron se fait pardonner sa longue bouderie.

La clémence ne s’étend quand même pas à tous : il s’agit d’un choix savamment dosé. César relève les statues de

Pompée, mais aussi de Sulla. Les fils des proscrits de Sulla cessent d’être inéligibles. Les exilés politiques sont rappelés. Les soldats, eux, outre leur part de butin, bénéficient de lots dans des colonies dont les sites sont bien choisis, car ce sont ceux de grandes villes ou de futures grandes villes : Séville, Narbonne, Arles, Corinthe. Au peuple de Rome, César cherche à procurer du travail et propose des terres à ceux qui veulent quitter la ville. Il limite à 150 000 les participants aux distributions publiques, mais étend les limites de la ville, qu’il gratifie de nouveaux monuments : Saepta Iulia ; nouveau Forum, avec basilique, temple de Venus Genitrix et bibliothèque, la première bibliothèque publique de Rome.

Il fait davantage encore pour les provinciaux. Il distribue le droit latin, et il l’accorde notamment à la Sicile. Il en est de même du droit de cité, dont la Cisalpine bénéficie. Les abus des sociétés financières sont réprimés, et les impôts directs ne sont plus affermés (on a pensé que ce pouvait être une des causes de sa chute !). La lex Iulia municipalis accorde une appréciable autonomie aux colonies et aux municipes.

Il s’amorce ainsi une décentralisation de l’État, comme pour rapprocher le monde romain du type hellénistique de la confédération des villes.

Sur le plan religieux, même, César se garde bien de proscrire les religions exotiques. Il laisse les peuples soumis pratiquer le culte de Mithra ou d’Isis.

Les mystes de Bacchus reçoivent, eux aussi, la permission de célébrer les bac-chanales au grand jour.

César est tolérant même à l’égard des Juifs, pourtant adversaires de tout le paganisme classique : les synagogues sont autorisées à fonctionner, et le grand prêtre de Jérusalem est habilité à percevoir la taxe d’entretien du Temple.

Parmi ces dispositions, souvent

destinées à rallier les populations, on remarque des vues quasi prophétiques et des réformes de valeur durable.

César esquisse quelques traits de la géographie politique de l’Europe : il est le premier à assigner, de sa propre

autorité, le Rhin comme frontière naturelle à la Gaule, et il inaugure l’unité de l’Italie.

Il dote le monde du calendrier julien, que l’on utilise toujours. Il pratique une politique économique évoluée : en décongestionnant Rome, ville de fainéants, au profit d’un retour à la terre ; en imposant des taxes douanières à l’entrée des denrées, non à leur sortie, comme c’était l’usage antique ; en restaurant une monnaie saine et en adoptant l’étalon-or.

Il accorde aux anciens combattants des emplois réservés, découvre, de beaucoup le premier, « la notion d’incompatibilité appliquée aux fonctions électives ; un minimum de moralité imposé aux élus ; dans les compétitions électorales, le bénéfice de l’âge »

(Jérôme Carcopino). Il favorise les familles nombreuses. Il organise —

conception combien moderne — la

propagande politique, en prescrivant l’affichage des comptes rendus des séances du sénat, comme il a publié au jour le jour ses communiqués de guerre.

Enfin, il révolutionne l’instrument du travail intellectuel en adoptant le codex, ancêtre du livre actuel, à la place du rouleau, volumen. Tout cela fait de César « un des plus puissants démiurges qu’ait façonnés l’histoire des hommes » (J. Carcopino).

Monarchie et royauté

Malgré le caractère estimable de l’ensemble de ces réformes, César a aussi détruit des institutions au profit de son despotisme personnel. Respectueux des comices tributes, il n’en a pas moins fait un instrument à sa dévotion.

Le sénat est devenu un conseil consultatif. L’accroissement de ses membres (900) réduit le prestige de la classe sénatoriale et permet d’y introduire des fidèles et des provinciaux. Les magistrats sont, eux aussi, affaiblis par leur multiplication : 40 questeurs, 6 édiles, 16 préteurs, des consuls suffects en plus des éponymes..., quand, toutefois, il y a d’autres consuls que César lui-même. De toute façon César nomme la moitié de ces magistrats.

Après l’abaissement des magistrats, le prestige du maître. En 46, César célèbre quatre triomphes successifs.

Mieux, un véritable culte s’instaure autour de sa personne. Comme les dieux, il donne son nom à un mois. Comme eux, il bénéficie de cérémonies ou d’attributs significatifs : jeux publics en l’honneur de ses victoires, char proces-sionnel, flamine attitré, statues dans les temples. On rappelle qu’il descend de Vénus. Tout cela fait songer aux rois-dieux des monarchies hellénistiques et aussi à une marche vers la royauté.

Certes, le peuple romain avait en horreur le nom de roi. Là apparaît une difficulté : César peut-il, sans risque, prétendre à un titre abhorré ? Il faut conclure de façon positive. Il désire ce titre. En 44, on sent qu’il va l’obtenir. En février, le sénat lui accorde un costume de roi, un trône. À la fête des lupercales, Antoine tente de le coiffer du diadème, équivalent hellénistique d’une couronne. On lui attribue le titre de pater patriae, il devient dictateur perpétuel, sa tête apparaît sur les monnaies, ce qui est une prérogative royale ou divine. Des monnaies avec le titre royal sont sur le point d’être émises.

Mais on sent la foule prête à protester.

César fait mine de repousser la royauté offerte par le peuple. Peut-être portera-t-il le titre de « roi » hors de Rome ?

Il s’apprête à partir en guerre contre les Parthes, et, en Orient, un titre de

« roi » est très opportun. Il a d’ailleurs adopté Octave, devenu Octavien, pour le seconder là-bas, en attendant de lui succéder éventuellement.

Le cours de l’histoire nous laisse à nos hypothèses : la multiplication des mécontents a amené la formation d’un groupe de conspirateurs qui, menés par Cassius et Brutus, assassinent César en plein sénat, le jour des ides de mars 44 (le 15). Ils ont bien failli manquer leur coup. Ils ont hésité jusqu’au bout.