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Le monde visible n’est à ses yeux qu’un répertoire de formes et de couleurs, dans lequel il puise les éléments de ses compositions éminemment irra-tionnelles. Les êtres et les choses, déli-vrés des lois de la pesanteur, flottent dans l’espace, au gré de la fantaisie de l’artiste qui ne respecte ni les données de l’anatomie ni celles de la logique quotidienne ; la tête d’un personnage quitte ses épaules ; le passant, dans

le paysage, tient plus de place que les arbres et les maisons ; l’âne joue du violon ; en cas de besoin, cet instrument sera pourvu d’ailes, de même que la pendule ; on marche sur les toits ; le cheval est bleu, ou rouge... Tout est subordonné, dans le tableau, à la production d’un effet à la fois mystérieux et concrétisé dans le domaine sensible par la grâce du coloris, cette « chimie »

de la couleur dont parle l’artiste.

En 1914, Marc Chagall retourne

dans son pays, via Berlin, où il expose à la galerie Der Sturm ; en 1918, il est nommé, à Vitebsk, commissaire du peuple aux Beaux-Arts ; il participe avec grand succès, en 1919, à la « Première Exposition officielle d’art révolutionnaire » à Petrograd, puis exécute des peintures murales pour le Théâtre juif de Moscou.

En 1921, toutefois, la situation de Chagall se trouve compromise par la progression des suprématistes (v.

Malevitch) dans les commissions

officielles. Il entreprend d’écrire son autobiographie (Ma vie) et, en 1922, s’expatrie de nouveau, faisant escale à Berlin avant de rejoindre Paris en 1923.

Ambroise Vollard lui commande

alors une série d’eaux-fortes pour l’illustration des Ames mortes de Gogol ; la galerie Barbazanges-Hodebert pré-

sente en 1924 une exposition récapitulative de l’oeuvre peint de Chagall ; en 1927, nouvelle commande, par

Ambroise Vollard, d’eaux-fortes pour illustrer les Fables de La Fontaine ; en 1931, publication, aux éditions Stock, de Ma vie (dont les gravures, seules, avaient paru en 1923 à Berlin) ; la même année, Chagall voyage en Égypte, en Syrie, en Palestine et entreprend au retour, pour Ambroise Vollard, l’illustration de la Bible. En 1933, la Kunsthalle de Bâle lui consacre une grande exposition rétrospective. Dans la préface du catalogue, Jean Cassou écrit notamment :

« Pour l’esprit religieux de Chagall, toutes choses, dans l’univers, sont reliées les unes aux autres, tout s’y tient. C’est là l’enseignement de downloadModeText.vue.download 13 sur 577

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 5

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Spinoza comme de la Kabbale, et il est dit dans le Zohar que dès qu’un homme et une femme sont ensemble les cieux se réjouissent. Car de cette active solidarité universelle le moteur est l’amour... Ainsi le grand poète Chagall est-il un des grands peintres de notre temps, de tous les temps, d’en dehors des temps. Sa fantaisie est fondée. Elle est le fruit chatoyant et aérien de ce regard universel qui est communion avec l’univers et oraison. Fleurs, oiseaux, poissons, ânes, violons, ciels nocturnes, souvenirs d’enfance, contes d’enfance, légende personnelle, douleurs, pitiés, effusions, tout contribue à cette immense représentation d’un univers au coeur duquel s’épanouit la rose philosophale. »

Chagall voyage en Hollande, en

Espagne, en Pologne. Le thème de la crucifixion apparaît dans son oeuvre comme un symbole des nouvelles souffrances qui s’abattent sur l’Europe. Il reçoit en 1939 le prix Carnegie et part en 1941 pour les États-Unis, invité par le Museum of Modern Art de New

York (qui organisera en 1946 une ré-

trospective de son oeuvre). Il voyage au Mexique et réalise des décors et costumes de ballets. En 1944, la mort de sa femme, Bella, est pour lui une grave épreuve.

L’artiste est de retour à Paris en 1947. Il reçoit l’hommage d’une exposition au musée national d’Art moderne, suivie en 1948 de celles du Stedelijk Museum d’Amsterdam et de la Tate Gallery de Londres. En 1950, il se fixe à Vence et exécute ses premières céramiques.

En 1955, Chagall commence la

suite des grandes peintures du Message biblique, dont il fera donation à l’État français en 1966 et qui prendront place en 1973 dans un musée-mémorial construit à Nice. Il voyage en Israël (1951, 1957, 1962, 1969). En 1958, il donne les premières maquettes d’une importante série de vitraux pour la cathédrale de Metz. Son adaptation à cette technique de lumière est par-

ticulièrement remarquable ; il créera encore les douze vitraux pour la syna-gogue du Centre médical de l’Hadas-sah, près de Jérusalem (1960-61), ceux de l’église de Pocantico Hill, dans l’État de New York (1964 et 1966), d’autres encore pour l’église Frau-münster de Zurich (1969-70) et pour la cathédrale de Reims (1974). Lui sont encore commandés un nouveau plafond pour l’Opéra de Paris (1963-64), deux décors muraux pour celui du Lincoln Center à New York (1965), une mosaïque, des tapisseries et des panneaux muraux pour le nouveau Parlement de Jérusalem (1966-1969).

Quelques tableaux de

Chagall conservés dans

les grandes collections

publiques

y Les débuts et la discipline géomé-

trique empruntée au cubisme :

le Sabbat (1909, Wallraf-Richartz-Museum, Cologne) ; Moi et le village (1911, Museum of Modern Art, New York) ; À la Russie, aux ânes et aux autres (1911-12, musée national d’Art moderne, Paris) ; Hommage à Apollinaire (1911-12, Stedelijk Van Abbe Museum, Eindhoven) ; Autoportrait aux sept doigts (1912-13), le Violoniste (1912-13) et Maternité ou la Femme enceinte (1913), tous trois au Stedelijk Museum d’Amsterdam ; les Amoureux au-dessus de la ville (1913-1918, galerie Tretiakov, Moscou) ; Double Portrait au verre de vin (1917-18, musée national d’Art moderne, Paris).

y La maturité, la communion avec la nature et l’assouplissement des formes : la Chute de l’ange (1923-1933-1947, Kunstmuseum, Bâle) ; Ida à la fenêtre (1924, Stedelijk Museum, Amsterdam) ; Le temps n’a point de rives (1930-1939, Museum of Modern Art, New York) ; la Crucifixion blanche (1938, Art Institute of Chicago) ; le Songe d’une nuit d’été (1939, musée des Beaux-Arts, Grenoble) ; la Fenêtre blanche (1955) et le Grand Cirque (1956), tous deux au Kunstmuseum de Bâle.

M. G.

W. George, Marc Chagall (N. R. F., 1928).

/ L. Venturi, Chagall (Skira, Genève, 1953).

/ J. Lassaigne, Chagall (Éd. Maeght, 1957). /

F. Meyer, Marc Chagall (Cologne, 1961 ; trad.

fr., Flammarion, 1964). / F. Mourlot, Chagall lithographe (Sauret, 1962-1964 ; 2 vol.).

/ R. McMullen, The World of Marc Chagall (Londres, 1968 ; trad. fr. le Monde de Chagall, Gallimard, 1969). / E. Kornfeld, Marc Chagall, catalogue raisonné de l’oeuvre gravé, I (Office du Livre, 1972). / M. Chagall, Message biblique (Musées nationaux, 1974).

chaîne de

montagnes

Groupement de montagnes de forme allongée, fréquemment arquée et pré-

sentant une structure plissée.

Cette structure plissée s’exprime généralement dans le relief par une disposition en zones longitudinales à l’intérieur desquelles chaînons et vallées s’ordonnent souvent en vagues parallèles.

Cependant, si la zonation et l’orientation sont deux traits caractéristiques du relief des chaînes de montagnes, les paysages qui s’offrent à l’observateur sont d’une infinie variété : quoi de plus dissemblable en effet que les cimes des hauts massifs alpins, où des pyramides ruiniformes surplombent d’étincelants champs de neige et de glace, les lourds

« monts » du Jura, drapés d’un épais manteau forestier seulement déchiré çà et là par un escarpement calcaire, les « plas » doucement ondulés et coupés de gorges profondes des Pyrénées orientales, ou enfin les crêtes décharnées de l’Atlas saharien ?