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aristocratique.

Avec ce parvenu, et qui est fier de l’être, c’est une nouvelle génération

d’hommes politiques qui revendique le droit de cité en Angleterre. Le jeune Joseph n’a ni bénéficié d’une éducation raffinée ni été à l’Université (ce qui ne l’empêchera pas d’acquérir une vaste culture). Son école politique, c’est la vie, celle du monde des affaires et celle de la gestion municipale. De là son allure d’intrus dans le sanctuaire de Westminster, jusque-là réservé à l’élite, de là aussi ses apparences d’iconoclaste qui introduit des manières politiques nouvelles, une combativité brutale, voire agressive.

À la base de sa fortune, lorsqu’il s’installe à Birmingham à la tête d’une fabrique de vis et d’écrous, il y a l’astucieux achat de brevets américains, récemment présentés à Londres, qui révolutionnent les techniques de fabrication. Le flair commercial, la perspicacité technique, l’esprit de décision du jeune manufacturier portent rapidement leurs fruits : à l’âge de trente-huit ans, Chamberlain est en mesure de se retirer des affaires et de vendre sa part d’associé dans l’entreprise pour 120 000 livres sterling (3 millions de francs-or).

Le radical

C’est en 1869 que commence la car-rière politique de Joseph Chamberlain : cette année-là, il est élu conseiller municipal de Birmingham. Actif dans la réorganisation du parti libéral local, il en devient l’un des leaders.

En même temps, il se passionne pour la question scolaire : porte-parole des non-conformistes, il combat l’Église établie, qu’il déteste, et se fait l’avocat d’un enseignement neutre donné à tous. Mais son zèle réformateur va bien plus loin. Porté à la mairie de Birmingham en 1873, réélu à deux reprises, il se jure qu’on ne reconnaîtra bientôt plus sa ville. En quelques années se multiplient les réalisations municipales : démolition des taudis, percées nouvelles et espaces verts, municipa-lisation du gaz et de l’eau, extension des égouts, développement du musée et des bibliothèques. Modèle pour tous les réformateurs sociaux, Birmingham donne l’exemple d’une ville où une administration énergique, animée d’un souci démocratique, fait partager à tous un orgueil civique fondé sur des réali-

sations spectaculaires.

Chamberlain s’est acquis une réputation de « rouge » par son radicalisme avancé, par des revendications jugées incendiaires (« la liberté de l’Église, la liberté de l’école, la liberté de la terre, la liberté du travail ») et peut-être plus encore par son flirt avec le républica-nisme, qui scandalise la bonne société autant que la reine Victoria. Aussi, quand il est élu au Parlement en 1876

à la faveur d’une élection partielle à Birmingham, est-il accueilli avec ap-préhension à Westminster. Mélange de brutalité et de souplesse, d’orgueil et de perspicacité, Chamberlain s’impose comme un debater de premier ordre, à l’éloquence claire, concise, vigoureuse. Il introduit un nouveau style de parole, qui allie aisance, élégance et puissance, et dont la rigueur et la précision se situent loin des envolées rhétoriques et parfois pompeuses d’un Gladstone ou d’un John Bright. Organisateur de la machine du parti libéral, le Caucus, il est l’un des artisans du succès électoral de 1880 : on l’a appelé

« le Carnot de la victoire libérale ».

Devenu membre du gouvernement

Gladstone en tant que ministre du Commerce (1880-1885), Chamberlain paraît à tous les observateurs l’homme qui monte dans le parti libéral. Chef incontesté de l’aile radicale du parti, suivi passionnément par tous les radicaux du pays, l’ancien « maire rouge »

s’impose peu à peu comme le « dauphin » de Gladstone. Ses réalisations au ministère du Commerce comptent moins que ses interventions dans la question d’Irlande, où, opposé à la politique de force, il négocie avec Parnell une détente (traité de Kilmainham, 1882) et élabore un projet d’autonomie modérée et limitée pour les Irlandais.

Chamberlain joue aussi un grand rôle dans la réforme électorale de 1883.

Mal à l’aise avec l’attitude prudente et pacifique du cabinet en Afrique du Sud et en Égypte, il rêve surtout d’une grande politique et de démocratie sociale. Ses attaques contre la Chambre des lords provoquent l’indignation : on veut y voir un appel à la lutte des classes. Pourtant, Chamberlain n’a rien d’un chef révolutionnaire. Idole des

radicaux, il propose en 1885 un programme de réformes (le « programme non autorisé »), qui comprend l’extension des pouvoirs du gouvernement local, la gratuité de l’école, le développement de la petite propriété paysanne (« un hectare et une vache »), un système graduel de taxation : ce serait le triomphe de la démocratie individualiste de type jacobin.

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 5

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Le jingoïsme

Synonyme de « chauvinisme brutal et agressif », le mot jingoïsme est mis à la mode par une chanson de music-hall qui fait fureur lors de l’affrontement anglo-russe à propos de Constantinople et des Détroits en 1878. La politique extérieure de Disraeli s’appuie largement sur ce courant d’opinion, qu’elle a d’ailleurs en partie suscité. Devenue d’un emploi constant pendant les vingt dernières années du XIXe s., l’expression connaît tout naturellement un regain de faveur au moment de la guerre des Boers. Dans l’atmosphère d’excitation nationaliste que favorise la politique de J. Chamberlain, de Cecil Rhodes et de Milner en Afrique du Sud, l’attitude d’expansionnisme arrogant et belliqueux qui caractérise le mouvement jingo (ou jingoïste) trouve autant de justificatifs que de stimulants. Depuis l’époque de Disraeli et de Chamberlain, le mot a continué d’être usité en Angleterre, mais a pris une coloration péjorative ; il tend aujourd’hui à désigner les nostalgiques de l’Empire britannique.

L’unioniste

C’est au moment même où Chamber-

lain voit ses ambitions proches d’être réalisées avec la victoire libérale aux élections de 1885 et la quasi-certitude de succéder à Gladstone, que se produit la catastrophe. L’occasion en est fournie par la question irlandaise. Converti à l’idée du Home Rule, c’est-à-dire de l’autonomie de l’Irlande, Gladstone espère bien persuader son parti de le suivre sur cette voie. Mais Chamberlain, qui d’ailleurs n’a pas gardé un bon souvenir de ses relations avec Parnell,

est beaucoup trop attaché à l’unité im-périale pour accepter l’idée d’un Parlement irlandais siégeant à Dublin. Pour lui, l’union de la Grande-Bretagne et de l’Irlande prime tout. En avril 1886, il démissionne avec éclat du troisième gouvernement Gladstone et entraîne avec lui une fraction importante des radicaux. Ce n’est pas seulement l’échec du projet de loi de Home Rule (juin), la défaite de Gladstone aux élections (juillet) ; c’est la scission catastrophique du parti libéral, qui se divise en libéraux gladstoniens et libéraux unionistes (réunissant des radicaux autour de Chamberlain et des whigs autour de Hartington).

Pour Chamberlain lui-même,

abreuvé d’injures et traité de Judas par ses anciens amis, fêté par ses anciens adversaires conservateurs, depuis Salisbury jusqu’à Randolph Churchill, c’est un désastre personnel : la ruine, semble-t-il, de sa carrière. En vain, l’année suivante, la conférence de la Table ronde s’efforce-t-elle de réunir les libéraux désunis : la tentative aboutit à un échec.