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L’impérialiste

En 1895 s’ouvre une nouvelle période, active et brillante, dans la carrière politique de Chamberlain. La victoire des unionistes aux élections de 1895 amène en effet la fusion des conservateurs et des libéraux unionistes. Dans le ministère Salisbury, Chamberlain reçoit l’important portefeuille des Colonies.

Non seulement il a désormais les mains libres pour mener sa politique d’extension et de consolidation de l’Empire, mais par son prestige et sa personnalité il occupe une position privilégiée dans le gouvernement, au point que face à Salisbury, puis à Balfour (qui succède à Salisbury en 1902), il fait figure de second chef du gouvernement : c’est presque un cabinet bicéphale (surnommé two-headed administration).

Chamberlain, qui en 1895 approche de la soixantaine, a gardé la même vigueur, le même dynamisme, le même mordant. En dix ans, il va modifier profondément le visage de l’Empire britannique, transformer l’Afrique et bouleverser une nouvelle fois les données

de la vie politique intérieure. Son activité s’exerce sous tous les horizons : en Afrique occidentale, où la colonisation de la Côte-de-l’Or et du Nigeria progresse grâce à l’occupation de nouveaux territoires, tandis que l’autorité du Colonial Office se substitue à celle des compagnies à charte ; en Malaisie, où les divers protectorats sont fédérés ; en Australie, avec le vote de l’Australian Commonwealth Act (1900) ; en Afrique du Sud surtout. Si la responsabilité de Chamberlain dans le raid Jameson et son échec ne peut être totalement dégagée (1896), c’est lui qui nomme Milner haut-commissaire au Cap, travaille patiemment à isoler les deux républiques sud-africaines du Transvaal et de l’Orange, mène des né-

gociations avec Kruger. Lorsque éclate en 1899 la guerre du Transvaal, qu’il voit sans déplaisir, Chamberlain galvanise l’opinion en métropole, pourfend les « pro-Boers » de ses attaques, se campe partout en champion de la grandeur nationale. Les élections « khaki »

de 1900, qui témoignent de l’appui de la majorité de l’opinion à sa politique impérialiste, sont pour lui un triomphe personnel. Mais dès la paix, signée en 1902, il entreprend, selon une vision clairvoyante, la réconciliation des Anglais et des Boers : premier pas vers la constitution d’un dominion d’Afrique du Sud.

Toutes ces interventions coloniales amènent Chamberlain à se mêler aussi de politique extérieure. Toutefois en ce domaine son action, marquée par la même conviction en la supériorité de la race anglo-saxonne, ne débouche sur aucun résultat positif ou durable.

Chamberlain travaille avec opiniâtreté à limiter l’expansion de la France en Afrique occidentale et plus encore en Afrique orientale : l’affaire de Fa-choda en 1898 porte directement son empreinte. Pourtant, son rêve d’une grande alliance des nations anglo-saxonnes et germaniques (Grande-Bretagne, États-Unis, Allemagne) ne réussit jamais à prendre forme, et même bientôt son patriotisme intransigeant s’alarme de la concurrence navale et commerciale allemande.

1903 : c’est le moment où, parvenu au faîte de sa carrière, de son prestige et de son pouvoir, Chamberlain

se lance dans une nouvelle entreprise qui brise l’unité du parti unioniste, le rejette lui-même dans l’isolement politique et ramène triomphalement au pouvoir les libéraux. Peu à peu, en effet, il s’est ancré dans une conviction dont il ne démordra plus : l’avenir de l’Empire réside dans une réforme du système douanier et dans l’établissement d’un régime de préférence impé-

riale, qui resserrera les liens politiques et économiques entre la métropole, les dominions et les colonies, tout en pro-curant les ressources nécessaires à une politique hardie de réformes sociales en faveur des ouvriers. C’est chez lui la vieille alliance du patriotisme et du radicalisme, le rêve de la synthèse entre l’impérialisme et la démocratie.

Cet abandon du libre-échange et ce retour au protectionnisme sont annoncés en mai 1903 par un discours à Birmingham qui fait l’effet d’une bombe.

Bientôt, Chamberlain doit démissionner du gouvernement Balfour, pour défendre seul, en toute indépendance et avec passion, son idée de la préfé-

rence impériale. Pendant deux ans, il bataille sans convaincre du bien-fondé de sa thèse ni les leaders unionistes, ni moins encore l’opinion populaire, épouvantée par le spectre du « pain cher ». Le résultat, c’est la démission à la fin de 1905 du gouvernement Balfour et la débâcle des unionistes, divisés et affaiblis par l’initiative de Chamberlain, aux élections législatives de janvier 1906. Chamberlain ne devait guère survivre politiquement à la catastrophe dans laquelle pour la seconde fois, à vingt ans d’intervalle, il avait entraîné son parti.

Austen Chamberlain

(Birmingham 1863 -

Londres 1937)

Fils de Joseph Chamberlain et de sa première femme Harriet, Austen Chamberlain reçoit, à la différence de son père et de son demi-frère Neville, une éducation soignée qui le destine directement à une carrière politique.

Après avoir passé par l’université de Cambridge, il est envoyé en France poursuivre une année d’études à

l’École des sciences politiques ; il conçoit alors pour la France un vif attachement, qu’il gardera toute sa vie.

Il séjourne ensuite en Allemagne. Élu en 1892 au Parlement, il se fait remarquer par un esprit clair et méthodique et par une parole élégante. Favorisé par le nom qu’il porte, il participe aux gouvernements Salisbury (1895-1902) et Balfour (1902-1905). En 1903, il devient chancelier de l’Échiquier ; il essaie alors de défendre à l’intérieur du cabinet les positions protectionnistes soutenues par son père au-dehors. Dans l’opposition à partir de 1906, il revient au pouvoir comme ministre des Indes dans le cabinet de coalition formé par Asquith (1915-16). Après l’armistice, on le retrouve à l’Échiquier, où il s’emploie à défendre la livre et à restaurer les finances britanniques durement atteintes par la guerre. Réaliste et conciliant, il appuie la politique irlandaise de Lloyd George et approuve la création de l’État libre d’Irlande en 1921, malgré les critiques de certains de ses amis unionistes. Jusqu’au bout, il reste fidèle à l’idée d’un cabinet de coalition. Malgré son prestige personnel et ses qualités d’homme d’État, Austen Chamberlain manque à deux reprises sa chance d’être élu leader du parti conservateur, et donc de devenir Premier ministre : en 1922, comme en 1911, la droite conservatrice lui préfère Bonar Law.

Dans le gouvernement formé par

Baldwin en 1924, le Foreign Office lui est confié. C’est la période la plus brillante de la carrière d’Austen Chamberlain (1924-1929). Sa diplomatie de réconciliation internationale, dans le cadre de la Société des Nations, aboutit à la signature des accords de Locarno en octobre 1925 (ce qui lui vaut le prix Nobel de la paix). Chaud partisan de l’entente étroite avec la France, convaincu de la possibilité d’une paix durable, il devient une des grandes figures de la Société des Nations et incarne avec Briand et Stresemann l’ « esprit de Genève ». On le voit alors dans toutes les réunions interna-downloadModeText.vue.download 20 sur 577

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 5

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tionales, toujours impeccablement élé-

gant, inséparable de son monocle, l’air

affable et réservé, prêchant le désarmement et l’arbitrage. Il contribue à la signature du pacte Briand-Kellogg de renonciation à la guerre. L’arrivée au pouvoir des travaillistes (1929), puis l’écroulement des espoirs de la Société des Nations, sans mettre un terme à sa carrière politique, ne lui permettront plus de jouer un rôle de premier plan sur la scène internationale. Il se cantonne désormais dans le rôle de

« sage » au sein du parti conservateur.

Neville Chamberlain

(Birmingham 1869 -

Heckfield, Hampshire, 1940)