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Si la carrière politique de Neville Chamberlain s’était arrêtée à la fin de l’année 1937, elle constituerait une suite remarquable de succès : des ré-

formes sociales importantes, conduites avec habileté et efficacité par un administrateur hors de pair ; une contribution décisive à la reconversion de l’économie britannique après la grande crise de 1929-1931, en particulier par le retour au protectionnisme et l’instauration de la préférence impériale (les accords d’Ottawa de 1932 auraient comblé de joie Joseph Chamberlain).

Et, par-dessus tout, Neville est le seul membre de la famille Chamberlain à accéder au poste de Premier ministre, qu’avaient tant convoité, sans jamais y parvenir, son père, puis son demi-frère.

Pourtant, rien ne semblait vouer Neville Chamberlain à un brillant destin politique. Né du second mariage de Joseph Chamberlain, il était promis à l’existence d’un grand bourgeois de Birmingham. Il avait fait des études moyennes, et son père, qui le destinait aux affaires, n’avait pas jugé utile de l’envoyer à l’Université. Joseph Chamberlain l’avait au contraire expédié pendant une douzaine d’années diriger une plantation aux Bahamas.

C’est seulement en 1918, à l’âge de quarante-neuf ans, que Neville Chamberlain entre au Parlement en tant que député de Birmingham. Esprit avant tout pratique, rompu aux affaires, organisateur-né, énergique et souple, il effectue une rapide ascension politique. Malgré son air gauche et timide, derrière le masque maigre et tendu se cachent sous d’épais sourcils noirs des

yeux brillants qui témoignent d’une grande volonté et d’une flamme inté-

rieure. Malheureusement pour lui, ce passionné de réformes et de paix va avoir à affronter un monde pour lequel il est mal préparé.

Tant qu’il s’agit de problèmes

purement britanniques, les choses se passent bien : ministre de la Santé publique en 1923, puis de 1924 à 1929, Neville Chamberlain s’occupe successivement d’améliorer le logement (un million de maisons construites en cinq ans), de réformer les finances locales (Local Government Act, 1929), puis d’assistance, par la loi des pauvres.

Chancelier de l’Échiquier de 1931 à 1937, il donne une impulsion décisive à la réorientation et à la modernisation de l’économie britannique. Aussi est-il appelé en mai 1937 à succéder à Baldwin comme Premier ministre, lorsque celui-ci prend sa retraite.

Au cours des trois années passées à la tête de la Grande-Bretagne (mai 1937 - mai 1940), Neville Chamberlain doit affronter une conjoncture dramatique, qu’il sait mal diagnostiquer.

Peu au fait des réalités internationales, mal conseillé par les experts auxquels il s’adresse en ce domaine, il n’a ni le tempérament ni la formation pour traiter avec les dictateurs, et chez lui se confondent souvent courage et entê-

tement, sincérité et aveuglement. Accroché à l’idée de la paix à maintenir coûte que coûte, hanté par le spectre de la guerre (« dans une guerre, quel que soit le vainqueur, déclare-t-il en 1938, personne n’est gagnant, tout le monde est perdant »), il pratique tout au long de l’année 1938, face à l’Anschluss, puis à la crise tchèque, la politique dite

« d’apaisement ». Il espère, par des concessions raisonnables et par des entretiens d’homme à homme, obtenir une entente durable avec Hitler, de façon à éviter à l’humanité les horreurs d’un conflit. C’est ce qui le conduit, lorsque la crise des Sudètes se fait de plus en plus menaçante, à rencontrer à trois reprises Hitler en septembre 1938 : à Berchtesgaden, à Bad Godesberg, enfin à Munich, où sont signés, entre l’Angleterre, la France, l’Allemagne et l’Italie, les accords quadripartites qui consacrent le démantèlement de la Tchécoslovaquie. La popularité de

Chamberlain est alors extraordinaire :

« l’homme au parapluie », qui vient de prendre l’avion pour la première fois de sa vie, est baptisé le « messager volant de la paix ». Un concert d’acclamations s’élève en Angleterre et dans le monde entier pour remercier celui qui revient de Munich en promettant

« la paix avec l’honneur, la paix pour notre temps ».

En réalité, il faut vite déchanter, Chamberlain tout le premier. L’occupation par les troupes allemandes de la Bohême et de la Moravie en mars 1939

met fin à la politique d’ « apaisement ».

Désormais, le Premier ministre britannique renverse sa politique. Découvrant qu’il ne peut faire confiance à la parole de Hitler, bien résolu à ne plus supporter de nouvelle agression, il prodigue des garanties à la Pologne, resserre les liens avec la France, tente sans succès une négociation avec l’U. R. S. S.

L’invasion de la Pologne rend la guerre inéluctable : Chamberlain le pacifique annonce au pays l’ouverture des hostilités le 3 septembre 1939. Les premiers mois de la « drôle de guerre »

apportent, malgré l’inactivité, déboires et déceptions, renforcés bientôt par les échecs de Norvège. Dans les milieux politiques, la confiance en la capacité de Chamberlain comme chef du pays en guerre s’effrite de plus en plus. Les travaillistes refusent de participer à un gouvernement de coalition placé sous sa direction. Dès lors, Neville Chamberlain se résigne à démissionner, mais il accepte de servir dans le cabinet d’union formé par Churchill le 10 mai 1940. Dans les mois qui suivent, sa santé décline rapidement, et il meurt le 9 novembre 1940.

F. B.

SUR LA FAMILLE CHAMBERLAIN : C. A. Petrie, The Chamberlain Tradition (Londres, 1938).

/ J. L. Coudurier de Chassaigne, les Trois Chamberlain (Flammarion, 1939). / D. H. El-letson, The Chamberlains (Londres, 1966).

SUR JOSEPH CHAMBERLAIN : J. L. Garvin et H. J. Amery, The Life of Joseph Chamberlain (Londres, 1932-1969 ; 6 vol.). / P. Fraser, Joseph Chamberlain, Radicalism and Empire, 1868-1914 (Londres, 1966).

SUR AUSTEN CHAMBERLAIN : deux volumes autobiographiques, Down the Years (Londres,

1935 ; trad. fr. Au fil des années, Gallimard, 1936) ; Politics from Inside, 1906-1914 (Londres, 1936). / C. A. Petrie, The Life and Letters of the Right Hon. Sir Austen Chamberlain (Londres, 1939-40 ; 2 vol.).

SUR NEVILLE CHAMBERLAIN : K. G. Feiling, Life of Neville Chamberlain (Londres, 1946 ; 2e éd., 1970).

/ I. N. Macleod, Neville Chamberlain (Londres, 1961).

Chambers

(sir William)

Architecte anglais (Göteborg 1723 -

Londres 1796).

Deux hommes dominent l’architec-

ture des trente premières années du règne de George III, de 1760 à 1790 : Robert Adam* et William Chambers, les créateurs du néo-classicisme anglais. Moins novateur qu’Adam et plus respectueux de la tradition anglaise, Chambers a eu une influence sans doute plus durable, en particulier par ses écrits.

Fils de commerçants écossais, il entre à seize ans au service de la Compagnie suédoise des Indes orientales. Il se rend au Bengale et fait deux séjours en Chine, mais visite entre-temps l’Angleterre et la France. Préférant l’architecture au négoce, il vient à Paris, en 1749, étudier avec Jacques François Blondel. En automne 1750, il part pour l’Italie et y demeure jusqu’en 1755, subissant, à Rome, l’influence des pensionnaires français, mais surtout celle de Piranèse.

L’architecture est alors en pleine évolution : elle demande à l’Antiquité moins une discipline qu’une évasion —

ce qu’elle va rechercher aussi bien dans l’exotisme. Les grotesques, les turqueries, les chinoiseries étaient encore épidermiques, dans un cadre baroque ; dé-

sormais, le rêve quitte le mur, envahit l’espace. Des publications favorisent ce mouvement : sur Palmyre ou Baal-bek, sur Athènes, sur Spalato (Robert Adam), mais aussi sur la Chine, dont Chambers fait connaître l’architecture, surtout celle des jardins. Le succès en fut grand et aboutit à la mode des parcs anglo-chinois, marquant une véritable rupture avec les conceptions spatiales antérieures. Chambers lui-même en fait l’application à Kew, où il élève, dans