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Débarrassé de ces voisins dange-

reux, il voit poindre une autre menace : la première croisade* (1096-1099).

Durant les dix dernières années de son règne, il organise de continuelles expé-

ditions contre les Turcs, qui menacent le littoral de la mer Égée.

L’expansion de l’Empire

La promptitude de l’héritier d’Alexis, son fils Jean II Comnène (de 1118 à 1143), à s’emparer du pouvoir, que lui dispute sa soeur aînée, Anne Comnène, évite une révolution de palais. Jean II, dont le règne est très mal connu, est peut-être le plus grand des Comnènes.

D’un caractère droit et viril, alliant à une judicieuse pondération une énergie inlassable, il poursuit avec opiniâtreté la politique de son père. Soucieux d’assurer l’indépendance commerciale de son État, il remet en cause le traité de 1082 ; mais Venise défend ses intérêts par les armes, et l’empereur, manquant d’une puissante flotte de guerre, est contraint de renouveler intégralement le traité en 1126.

Comme son père, il s’emploie à protéger les deux flancs de l’Empire. De 1119 à 1121, il lance des expéditions contre les musulmans en Paphlago-nie et en direction de la Cilicie, mais des menaces sur la péninsule balkanique l’obligent à les interrompre.

Aux Petchenègues, dont de nouvelles hordes ravagent la Thrace, Jean inflige en 1122 une défaite écrasante qui dé-

barrasse définitivement l’Empire de ces Barbares. Il intervient ensuite contre les Serbes, qui entretenaient aux frontières occidentales une agitation permanente, et remporte sur eux une victoire décisive. Vers la même époque, la Hongrie, dont plusieurs prétendants se disputent la couronne, déclare la guerre à Byzance (1128) et enlève Belgrade, mais les armées impériales repoussent les envahisseurs au-delà du Danube et de la Save.

La sécurité des provinces européennes assurée, le basileus reporte son attention sur l’Orient, théâtre de rivalités incessantes entre les dynastes turcs indépendants. Une série de campagnes (1130-1135) lui permet de rétablir son autorité sur une bonne partie de l’Asie Mineure, mais l’objectif primordial reste la conquête de la Syrie franque : reconnue possession impé-

riale par Bohémond en 1108, elle n’a jamais été rétrocédée par ses successeurs. Deux campagnes énergiques la font réintégrer le giron de l’Empire : en 1137, après avoir au préalable conquis le royaume arménien de Cilicie, le basileus débouche dans la plaine d’Antioche. Incapables de résister, les croisés se résignent à la soumission. L’an-née suivante, secondé par les barons francs, Jean récupère toute la région avoisinante et fait une entrée solennelle à Antioche, mais une émeute fomentée par les chefs latins le force à se retirer précipitamment.

Cependant, l’empereur poursuit inflexiblement son grand dessein. Après s’être assuré l’appui de l’Allemagne contre Roger II de Sicile, dont l’ambition inquiète les deux empires, et avoir terminé une campagne d’ailleurs inefficace contre l’émir de Mélitène, il met sur pied une puissante expédition dont l’objectif est la conquête définitive de la Syrie franque et peut-être même du royaume latin de Jérusalem. Mais cette expédition commence sous de mauvais auspices ; durant l’été 1142, l’empereur perd coup sur coup deux fils, Alexis, l’héritier de la couronne, et Andronic, son cadet. Mais ce double deuil n’interrompt pas sa marche vers le sud. L’année étant trop avancée pour entreprendre le siège d’Antioche, Jean s’en va hiverner près d’Anazarbe, en Cilicie. Blessé à la main par une flèche empoisonnée au cours d’une chasse au sanglier, il décède le 8 avril 1143, après avoir désigné pour successeur son fils benjamin, Manuel, qui l’accompagne dans la campagne.

Pour prévenir tous désordres et

décourager d’éventuels ambitieux, Manuel Comnène (de 1143 à 1180) ne divulgue la mort de son père qu’après s’être assuré de la capitale. Le nouveau

souverain, un colosse de vingt-cinq ans, se révélera guerrier courageux, parfois téméraire, et diplomate habile ; il portera le plus vif intérêt aux lettres et aux sciences, satisfera son goût du faste en organisant des fêtes éblouissantes et sa joie de vivre en introduisant à la Cour les moeurs occidentales.

Pour châtier les Francs de Syrie, qui ont profité de la mort de son père pour attaquer l’Empire, il envoie ses généraux ravager la principauté d’Antioche, cependant que lui-même combat le sultan d’Iconium, dont les bandes s’infiltrent dans les possessions asiatiques de l’Empire et menacent les voies de communication avec la Cilicie et la Syrie (1144-1146). Ces combats incertains ne modifient pas le rapport des forces, et les deux adversaires font la paix en 1147, car ils se sentent également menacés par la nouvelle croisade occidentale.

Le promoteur en a été le roi de

France Louis VII ; la prédication ardente de Bernard de Clairvaux a entraîné dans son sillage l’empereur d’Allemagne Conrad III de Hohenstaufen dont Manuel a, en 1146, épousé une belle-soeur. Pour Byzance, l’entreprise est des plus désagréables : en renforçant les effectifs des Latins, elle compromet la conquête projetée de la Syrie franque, et l’absence de Conrad laisse les coudées franches au roi de Sicile Roger II contre l’Empire. À quoi s’ajoute le danger toujours latent d’un coup de main contre Constantinople, où les croisés doivent se concentrer.

L’expédition tourne court : les troupes allemandes, décimées par la famine, sont défaites par le sultan d’Iconium, et Louis VII abandonne son armée.

Mais, à l’ouest, la croisade est mise à profit par les Normands : Roger II s’empare de Corfou, attaque la Grèce, soutient les Serbes et les Hongrois, et monte une vaste coalition antibyzantine. La mort de Conrad III (1152) prive Manuel d’un allié, car son successeur, Frédéric Barberousse, s’oppose aux prétentions universalistes du basileus.

Profitant de la mort de Roger II (1154), Manuel lance une expédition contre l’Italie, et ses généraux enlèvent rapidement toute l’Apulie. Cette conquête, qui menace les intérêts aussi bien de

Venise que de l’Allemagne, est sans lendemain : laissée à elle-même, Byzance ne peut résister à la contre-offensive de Guillaume Ier de Sicile et doit évacuer l’Italie après avoir signé un traité de paix en 1158.

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 5

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Cette défaite humiliante est compensée par des succès en Orient : le dynaste arménien de Cilicie fait sa soumission (1158), et Antioche, où Manuel entre solennellement en 1159, reconnaît la suzeraineté de l’Empire. Le sultan d’Iconium accepte la paix (1161). Ce répit est mis à profit par Manuel pour intervenir dans les affaires intérieures de Hongrie, qu’il rêve d’incorporer à son empire, et faire main basse sur la Dalmatie, la Croatie et la Bosnie, cependant qu’il fiance l’héritier du trône de Hongrie à sa fille Marie. Manuel concentre ensuite ses forces contre la Serbie, qui manifeste son désir d’indé-

pendance par des soulèvements incessants : une puissante armée byzantine amène à résipiscence le joupan rebelle Étienne Nemanja (1172).

Les relations avec Venise, déjà sé-

rieusement refroidies, cessent en 1171.

Les dix dernières années du règne de Manuel sont une succession de revers.

La collaboration avec la papauté contre Barberousse se révèle vaine. En Orient, le sultan d’Iconium, encouragé par l’empereur d’Allemagne, rouvre les hostilités, et la grande riposte militaire organisée par Byzance se solde par un désastre : le 17 septembre 1176, l’ar-mée byzantine est détruite par les Turcs dans les défilés de Myrioképhalon, en Phrygie, et l’empereur n’échappe à la captivité que par la fuite.

Quand Manuel meurt, l’Empire est saigné à blanc.

La ruine intérieure