À la mort de Manuel (1180), la couronne échoit à son fils Alexis II Comnène, un garçon de douze ans, qui a épousé l’année même une fille de
Louis VII, Agnès de France. Sa mère, Marie d’Antioche, assure la régence.
Une politique ouvertement latinophile et des mesures maladroites lui aliènent toutes les classes de la société, dont le mécontentement se manifeste par de nombreuses conjurations.
L’estocade décisive est portée par un cousin sexagénaire du basileus défunt, l’ambitieux Andronic Comnène (de 1182 à 1185). Avant de lui ouvrir les portes, la populace de la capitale se rue sur les Latins et assouvit dans un affreux bain de sang (mai 1182) cent années de haines accumulées. L’usurpateur se pose d’abord en protecteur du petit basileus, envoie au supplice tous ses adversaires et est couronné coempereur en septembre 1183. Après quoi, il fait étrangler son jeune associé et épouse sa veuve, âgée de douze ans. Souverain despotique et cruel, Andronic n’en a pas moins de grandes qualités d’homme d’État et il a à coeur d’extirper les abus dont souffre le menu peuple : la noblesse est frappée avec une rigueur implacable, l’administration réformée, la justice assurée sans aucune partialité, la conduite des fonctionnaires du fisc étroitement surveillée. Mais ces objectifs ne sont atteints qu’au prix d’un régime de délation et de terreur : le basileus étouffe dans le sang la moindre tentative de révolte et éclaircit sans merci les rangs de l’aristocratie. Comme cette dernière constitue l’armature militaire de l’État, celui-ci se trouve brusquement impuissant devant les dangers extérieurs. Les Serbes et les Hongrois envahissent l’Empire et détruisent Belgrade, Niš et Sofia ; Chypre fait défection, et des ré-
voltes éclatent en Bithynie. Mais l’attaque décisive vient du côté des Normands : débarqués à Dyrrachium (juin 1185), ils se dirigent sans encombre sur Thessalonique, qui tombe entre leurs mains (août). Pour venger le précédent massacre des Latins de Constantinople, ils réservent à ses habitants les supplices les plus cruels. Puis l’armée normande marche sur la capitale. Alors, l’orage longtemps contenu éclate (sept.
1185) : Andronic tombe aux mains de ses ennemis, et son corps, déjà affreu-sement mutilé, est torturé de la manière la plus bestiale par la foule. Le fils aîné d’Andronic Ier, Manuel, sera l’ancêtre
des empereurs de Trébizonde*, dits les
« Grands Comnènes ».
P. G.
F Byzantin (Empire).
A. Chalandon, les Comnènes, t. II : Jean II Comnène et Manuel Ier Comnène (Picard, 1912).
/ F. Cognasso, Partiti politici e lotte dinastiche in Bizanzio alla morte di Manuele Comneno (Turin, 1912). / O. Jurewicz, Andronik I Komne-nos (en polonais, Varsovie, 1962).
Comores (les)
Archipel situé dans la partie septentrionale du canal de Mozambique.
La géographie
D’origine volcanique, l’archipel comprend quatre îles principales : la Grande Comore (1 148 km 2) au nord-ouest, Mohéli (290 km2), Anjouan (424 km2), enfin Mayotte (374 km 2) au sud-est. La Grande Comore est la seule à posséder un volcanisme actif : le volcan Karthala (2 361 m), dont la caldeira sommitale est l’une des plus belles du monde, constitue la partie centrale de l’île, tandis que le Nord est formé par les centaines de cônes stromboliens et leurs coulées du massif de la Grille. Les trois autres îles sont d’anciens édifices volcaniques démantelés par l’érosion, en particulier Mayotte, aux rivages éle-vés et découpés, entièrement ceinturée par un récif-barrière qui individualise un large lagon (les trois autres îles ont seulement des récifs frangeants).
La situation des Comores, de part et d’autre du 12e parallèle, leur donne un climat chaud (température moyenne annuelle : 26,1 °C ; mois le plus chaud, décembre : 27,7 °C à Dzaoudzi [Mayotte]) et de faibles amplitudes thermiques. Protégé de l’alizé par Madagascar, l’archipel est baigné en saison chaude par les vents humides de nord-ouest (mousson), la plus grande partie des précipitations se produisant de décembre à mars. Dans une même île, la pluviosité varie considérablement selon l’exposition et l’altitude : à la Grande Comore, Moroni, la capitale de l’archipel, située au niveau de la mer, reçoit 2,8 m ; Boboni, à 650 m d’alti-
tude, 5,4 m ; Fomboni, sous le vent de la mousson, seulement 1,5 m. Périodiquement, l’archipel est dévasté par des cyclones (ainsi Mayotte en 1953 et la Grande Comore en 1959).
La végétation primaire forestière a disparu à peu près partout du fait de la surpopulation. La grande forêt ne demeure que sur les hautes pentes du Karthala, dans l’ouest de Mohéli et en étroits lambeaux résiduels à Anjouan.
Actuellement voisine de 275 000 habitants, la population, selon le recensement de 1966, se répartissait par île de la manière suivante : Grande Comore, 118 000 habitants (densité 103 hab.
au km 2) ; Anjouan, 83 000 habitants (densité 196 hab. au km 2) ; Mayotte, 32 500 habitants (densité 87 hab.) ; Mohéli, 10 000 habitants (densité 35 hab.).
La densité moyenne pour l’ensemble de l’archipel avoisine 130 habitants au kilomètre carré. La surpopulation, particulièrement à la Grande Comore et à Mayotte, est évidente si l’on tient compte du fait qu’une partie importante de la surface de ces îles est incultivable. À la Grande Comore, par exemple, seules les basses pentes sont peuplées, et encore seulement en dehors des coulées récentes, incultivables, qui vont jusqu’à la mer. À
Anjouan, 40 p. 100 de la surface de l’île est incultivable. Cette population s’accroît très vite depuis de longues années (entre 3 et 3,6 p. 100 par an actuellement). La conséquence en a été une importante émigration vers Madagascar (en 1962, 40 000 Comoriens vivaient dans le nord-ouest et le nord de Madagascar) et à Zanzibar (environ 30 000).
L’agriculture vivrière, sur des parcelles exiguës, est fondée sur le riz de montagne, le manioc, le maïs, la patate, le bananier, le cocotier et l’ambrevade.
L’élevage bovin est peu développé (10 000 têtes pour l’ensemble de l’archipel) ; par contre, il existe beaucoup de chèvres, nourries généralement à l’attache. Les ressources de la pêche sont également insuffisantes, les fonds, même dans le lagon de Mayotte, étant peu poissonneux. Aussi, les Comores
doivent-elles importer annuellement entre 6 000 et 7 000 t de riz.
En l’absence de ressources minières et d’industries, l’économie est fondée essentiellement sur les cultures d’exportation : vanille, plantes à parfum, sisal, coprah, girofle, cacao, café, poivre. Si la vanille est produite en majorité par de petits planteurs, l’ylang-ylang, le jasmin, le sisal (en régression) sont fournis par de grandes sociétés.
R. B.
L’histoire
Sur l’histoire des quatre îles antérieurement au XVIe s., nos connaissances sont des plus incertaines. Les trouvailles archéologiques du site de Sima sembleraient toutefois indiquer que l’île d’Anjouan était habitée dès le Ve s. de l’ère chrétienne par une population que l’on croit apparentée aux Protomal-gaches. Les relations des anciens voyageurs grecs ou arabes ne contiennent aucune référence précise à l’archipel.
Au début du XVIe s., celui-ci reçoit la visite de navigateurs portugais qui s’y établissent un temps. Vers la même époque, il connaît une invasion de Persans originaires de Chīrāz, puis d’Arabes. C’est alors que l’islām aurait été introduit aux Comores. Aux XVIIe et XVIIIe s., Anjouan, pourvue d’un mouillage sûr et de ressources relativement abondantes, devient une escale assez fréquentée par les vaisseaux anglais, français et néerlandais qui se rendent en Inde par la route du canal de Mozambique.
Cette ère de prospérité est brutalement interrompue par les invasions que les Malgaches côtiers (Betsimisarakas) lancent sur l’archipel pendant une quarantaine d’années (approximativement de 1785 à 1820). Ces invasions, dont le but est la capture d’esclaves destinés à être revendus aux Mascareignes, font de grands ravages dans l’archipel.