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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 5

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Dans les mêmes temps, les îles servent de repaire à des pirates européens chassés des Caraïbes ; Anjouan doit accueillir un contingent de déportés jacobins que Bonaparte a fait bannir de France (1802).

Au lendemain de ces invasions, le visage de l’archipel se trouve grandement modifié : les marines euro-péennes que les sultans ont appelées à leur rescousse ne se désintéressent plus des affaires des Comores. Les deux plus petites îles demeurent aux mains d’aventuriers malgaches : à Mayotte, le roitelet sakalava Andriansouly a sans peine délogé le vieux sultan du Boina. Ramanetaka, le chef mérina, qui a conquis Mohéli, livre au sultan d’Anjouan une guerre sans merci.

L’acquisition de Mayotte par les Français (avr. 1841 ; annexion officielle 13 juin 1843), qui suit de peu leur installation à Nossi-Bé, marque le début de l’époque coloniale aux Comores : Andriansouly ne fait guère de difficultés pour céder une île où sa position est des plus précaires.

Cependant est rapidement aban-

donné le projet de faire de Mayotte un port militaire ou un important centre commercial : l’île va devenir une som-nolente colonie sucrière.

Pour riposter à l’annexion française, les Anglais installent un consulat à Anjouan. L’expérience n’est guère concluante, et le deuxième consul, William Sunley, qui emploie près de six cents esclaves, est révoqué du Foreign Office en 1867.

Les Français ne sont pas plus heureux à Mohéli, où ils essaient en vain de placer la jeune reine Djombe Fatima sous leur influence. Celle-ci se tourne résolument vers le sultan de Zanzibar, à tel point que les navires fran-

çais bombardent l’île à deux reprises (1867 et 1871), principalement pour défendre les intérêts du planteur Joseph Lambert.

C’est aussi l’influence de Zanzibar qui prédomine à la Grande Comore, où le sultan de Bombao, Ahmed, dit Mougne M’Kou, est soutenu par la France contre ses voisins.

Après le percement du canal de Suez, l’Angleterre se désintéresse d’Anjouan. L’Administration fran-

çaise, effrayée par l’apparition d’un planteur allemand à la Grande Comore, établit son protectorat sur les trois îles de Mohéli, d’Anjouan et de la Grande Comore en 1886.

Le fait le plus marquant de cette période est le conflit entre le planteur français Léon Humblot et le dernier sultan de la Grande Comore, Saïd Ali, qui, bien qu’exilé en 1891, finit par avoir gain de cause dans les premières années du XXe s.

En 1912, le protectorat est aboli et les îles sont rattachées au gouvernement de Madagascar. En 1946, elles sont dotées du statut de territoire d’outremer. À partir de 1961, elles disposent d’une certaine autonomie interne, élargie en 1968. Finalement, l’indépendance de l’archipel est demandée par les derniers présidents du Conseil de gouvernement, en particulier Ahmed Abdallah, élu en 1972.

Par le référendum du 22 décembre 1974, les Comores se prononcent à une forte majorité (94 p. 100) pour l’indépendance, à l’exception de l’île de Mayotte, qui reçoit l’appui du Parlement français en vue d’obtenir un statut particulier. N’acceptant pas cette décision, Ahmed Abdallah proclame l’indépendance de l’ensemble des Comores le 7 juillet 1975. Il est élu chef du nouvel État par la Chambre des dé-

putés de l’archipel. Mais, dès le 5 août, il est renversé par un coup d’État qui porte au pouvoir Ali Soilih, leader du Front national uni. Cependant, en février 1976, un référendum, très contesté par la communauté internationale, confirme le maintien de Mayotte comme territoire français.

J. M.

A. Grevey, Essai sur les Comores (Pon-dichéry, 1870). / J. Repiquet, le Sultanat d’Anjouan (Challamel, 1901). / Fontoynont et Raomandy, la Grande Comore (Pitot de La Beaujardière, Tananarive, 1941). / B. Gérard, les Comores (Delroisse, 1974).

compagnonnage

Selon Frédéric Le Play, « société formée entre ouvriers d’un même corps d’état dans un triple but d’instruction professionnelle, d’assurance mutuelle et de moralisation ». Ce sont bien là les fins voulues par les compagnons.

Il faut y ajouter un trait : les unions de compagnons ont toujours été, par eux-mêmes ordinairement, comprises parmi les sociétés secrètes, et elles sont en effet des sociétés à secrets.

Beaucoup de leurs membres ont cru et affirmé qu’elles seraient nées à Jérusalem lorsque Salomon aurait organisé les constructeurs du Temple, et le roi juif tient maintenant encore une place capitale dans leurs récits et dans leurs rites. Les compagnons disposent à son sujet d’un trésor de légendes inséparables de leurs traditions, de leur vie, riches de pittoresque autant que d’in-vraisemblances, et il en est toujours qui y croient.

Le compagnonnage, nommé seu-

lement « Devoir » jusqu’au XVIIe s., remonte certainement au Moyen Âge ; des indices permettent de soupçonner son existence, sans plus, parmi des travailleurs organisés du bois et du fer, peut-être dans les grands chantiers des cathédrales et autres monuments.

Il accède au grand jour de l’histoire au début du XVIe s. Il paraît probable qu’une grave scission fut causée par la Réforme entre « devoirants », fidèles au passé, et « gavots », plus ouverts aux nouveautés ; la scission ouvrit le champ à des haines farouches, inexpiables.

Dès leur entrée en scène, les compagnonnages se manifestent de toutes parts en France, surtout au sud de la Seine, et habituellement au cours de conflits sociaux, où ils s’affirment âprement combatifs. Au XVIIe et au XVIIIe s., il ne fait aucun doute que les compagnons dominent le marché du travail dans le royaume. Dispersés dans les villes et même dans de modestes bourgs, ils forment des minorités dont la stricte cohésion impose leurs volontés, fréquemment par la force de leurs bras, aussi bien aux maîtres qu’aux travailleurs indépendants, les « sar-

rasins », ou « renards » ; leur rigoureuse intransigeance leur assure en fait le monopole de l’embauchage. Ils se trouvent couramment aux prises avec les autorités, y compris la royauté ellemême. Le « secret », durement maintenu, assure leur continuité clandestine.

Ils vivent d’ordinaire sous le couvert de confréries, qu’ils « noyautent » ; dénoncés en 1635, ils sont combattus plus nettement qu’auparavant par les autorités ecclésiastiques et civiles, mais ils trouvent cependant des appuis et des refuges, en particulier à l’ombre des couvents.

Quoique délibérément réfractaires au sein de la société, ils participent fort peu aux oppositions sous l’Ancien Ré-

gime. La Révolution prétend les abolir par la loi Le Chapelier (juin 1791). Ils vivent d’une vie précaire jusqu’à la Restauration. Sous ce régime et sous la monarchie de Juillet, ils connaissent un été de la Saint-Martin, à la fois brillant et fallacieux, puis un triomphe éclatant pendant les quatre mois de la république « démoc-soc » en 1848. Ensuite ils entrent dans un long déclin.

Après de nombreuses et persévé-

rantes tentatives pour refaire l’unité, un effort de conciliation entre « dévoirants » et « gavots » (ceux-ci devenus en 1804 « Devoir de liberté ») aboutit en 1889 à la constitution d’une troisième « centrale », l’Union compa-gnonnique, plus ou moins modernisée.

Lorsque les syndicats se forment dans la seconde moitié du XIXe s., les compagnons se heurtent fréquemment à eux. Aujourd’hui, beaucoup de leurs membres adhèrent à ces anciens rivaux, mais les compagnons maintiennent leur indépendance, fondée sur des caractères tout à fait particuliers.

Ils forment des sociétés hiérarchisées d’initiés où l’on entre après sé-

lection et après une série d’épreuves techniques, physiques et morales.