Ces réorganisations favorisaient le fonctionnement des usines les mieux
placées, la modernisation des installations, l’accroissement de la production.
Le règne de Charles X et la monarchie de Juillet favorisent ainsi la naissance de la grande entreprise, qui s’inscrit dans le cadre de la révolution industrielle. Comme l’a noté Jacques Hous-siaux, le développement du réseau ferroviaire a eu un double effet : il a mis en rapport des régions qui s’ignoraient ; il a nécessité une production métallurgique accrue, laquelle a favorisé la formation de grandes unités dans la métallurgie, les mines et les industries de première transformation des métaux. Un phénomène similaire a été observé en Grande-Bretagne. Tout ce mouvement prépare les transformations industrielles qui, dans les années suivantes, permettront l’accélération de la tendance. Cependant, la France n’a pas connu, vers la fin du XIXe s. et au lendemain de la Première Guerre mondiale, un mouvement de concentration analogue à celui qui a été observé aux États-Unis ou dans d’autres pays européens. La concentration de la production a pu parfois être obtenue ; mais elle a surtout résulté d’une cartel-lisation de l’économie, d’un ensemble d’accords de spécialisation ou d’ententes de répartition couvrant la totalité ou une grande partie de la production d’une branche.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le mouvement de concentration s’est accéléré sous l’empire d’un downloadModeText.vue.download 15 sur 587
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 6
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certain nombre de facteurs contingents. Les destructions opérées par le premier conflit mondial ont facilité la réorganisation de l’économie nationale, le versement aux firmes détruites de dommages de guerre permettant la constitution de nouvelles firmes plus concentrées, qui bénéficiaient d’équipements neufs. La grande dépression des années 1930 allait également favoriser la réorganisation des structures de production des secteurs en déclin. Soucieuses d’assurer leur survie, les entreprises ont pris les mesures qui s’imposaient. L’effort de réorganisation, qui
portait aussi bien sur la production que sur la distribution, aboutissait, par ailleurs, à un contrôle accru du marché.
La volonté de contrôler des marchés a expliqué corrélativement un certain nombre d’opérations de concentration à caractère horizontal, faisant naître des structures d’oligopole. Dans de nombreux secteurs, la fusion a été utilisée comme un procédé nécessaire de développement, quand celui-ci devait être rapide. Des réactions en chaîne ont été observées : certaines firmes, craignant de perdre une indépendance chèrement acquise, réalisaient des absorptions de défense. Après la Seconde Guerre mondiale et jusqu’en 1950, la concentration s’est beaucoup ralentie : les menaces de nationalisation donnent une explication psychologique, tant il apparaissait évident que toute mesure de cet ordre pouvait être facilitée par l’existence d’oligopoles ou de monopoles sectoriels. Par la suite, après 1950, le mouvement de concentration a atteint en France un niveau beaucoup plus élevé que par le passé. Cependant, il n’a jamais atteint l’importance du mouvement qui s’est opéré en Grande-Bretagne ou aux États-Unis pendant la même période. Enfin, les concentrations ont été le fait de toutes les caté-
gories d’entreprises : les statistiques du ministère des Finances relèvent en moyenne entre 800 et 1 200 opérations de concentration chaque année.
Le Marché commun
et les mouvements de
concentration en Europe
L’ouverture du Marché commun n’a
pas suscité une accélération très sensible de la vague de concentrations.
Les mouvements de coopération entre entreprises européennes ont, d’une part, été jusqu’ici fort limités ; d’autre part, les mouvements de concentration entre entreprises nationales n’ont touché qu’un nombre restreint de firmes.
Ainsi, on a pu observer que le nombre et le volume des dissolutions pour cause de fusion retrouvaient en 1962
un niveau à peu près identique à celui de 1956.
Les mouvements de concentration
ont essentiellement touché les grandes entreprises et les secteurs industriels
traditionnels comme la sidérurgie, la chimie, les chantiers navals, les textiles, etc. Par ailleurs, les rapproche-ments à caractère européen demeurent limités en nombre et en importance : la structure industrielle européenne offre un ensemble de grandes unités dont les opérations et les comportements sont essentiellement nationaux. Cela confirme la volonté des entreprises nationales des différents secteurs de la vie économique de s’opposer ou tout au moins de remédier aux consé-
quences directes résultant de la mise en oeuvre du traité de Rome. Les pouvoirs publics ont, à cet égard et tout au moins pour la France et l’Italie, exercé une influence déterminante : des motifs d’indépendance nationale, une volonté de conserver le pouvoir économique ont conduit à la constitution de grandes entreprises spécifiquement françaises ; en Italie, le phénomène de concentration résulte sans doute du dynamisme des groupes étatiques du type IRI (Istituto por la Ricostruzione Industriale).
En Allemagne, une ancienne tradition de collusion a suppléé à l’action de l’État et facilité la réorganisation des entreprises allemandes.
La concentration en
Union soviétique
À l’instar de ce qui se passe dans les pays occidentaux, l’examen des statistiques soviétiques fait apparaître, selon Eugène Zaleski, spécialiste français de l’économie soviétique, une tendance continue à la concentration des entreprises industrielles soviétiques, malgré le morcellement qui a suivi l’introduction de la planification administrative vers 1930. Les entreprises employant moins de 500 personnes
représentaient 84,7 p. 100 du total en 1929 et 75,6 p. 100 en 1963. Le pourcentage de celles qui emploient plus de 1 000 personnes est passé de 7,4 p. 100
à 11,7 p. 100 au cours de la même pé-
riode. Pendant les années 60, cette tendance à la concentration s’est encore accélérée, surtout aux dépens des entreprises employant moins de 200 personnes. En 1963, cette catégorie d’entreprises représentait 55 p. 100 du total des entreprises contre 63,6 p. 100 en 1960, possédait 8,5 p. 100 des fonds fixes productifs contre 10,7 p. 100 en
1960 et produisait 12 p. 100 de la production brute contre 15 p. 100 en 1960.
Le degré de concentration indus-
trielle serait, selon les auteurs sovié-
tiques, le plus élevé du monde. Vers 1963, les entreprises industrielles so-viétiques employant plus de 1 000 personnes occupaient 62,4 p. 100 du
nombre total des travailleurs et produisaient 52,8 p. 100 de la production industrielle brute, alors qu’aux États-Unis les entreprises industrielles de même taille n’employaient que 29,7 p. 100 des travailleurs et ne produisaient qu’un tiers de la production industrielle nette. Cependant, ces chiffres paraissent trompeurs, car, en U. R. S. S., les très petites exploitations industrielles n’ont que très rarement le statut d’entreprises indépendantes.
C’est ainsi que 4,1 p. 100 des entreprises ayant un « bilan autonome »
occupent en U. R. S. S. de 1 à 10 travailleurs, alors que les pourcentages correspondants sont de 54,3 p. 100
pour la République fédérale d’Allemagne, de 80,4 p. 100 pour la France et de 73,9 p. 100 pour le Japon. Le nombre d’entreprises industrielles occupant un personnel de 11 à 50 personnes est beaucoup plus faible en U. R. S. S. que dans les pays occidentaux industrialisés.
Selon l’économiste soviétique
J. B. Kvacha, la petite production est en quelque sorte « injectée dans le corps des grandes et moyennes entreprises industrielles et des organisations non industrielles de toutes les branches de l’économie ». Cela s’effectue sous la forme de productions accessoires ou dépendantes, d’ateliers de réparations, etc. En outre, de petites unités de production industrielle faisant partie intégrante d’entreprises appartenant à d’autres branches de l’économie — au nombre d’environ 130 000 — occupaient, en 1963, 1,3 million de personnes. En fait, la petite production étatique a été maintenue, mais sous la forme d’unités de production directement à la charge du budget et exoné-