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En dépit de l’immense difficulté de

toute statistique, même sur le nombre de ses victimes (environ 500 000 morts dans les camps), on estime que le

« système » a atteint 1,5 million de personnes, auxquelles s’ajoutent sans doute environ un million de juifs, que les impératifs du travail auront paradoxalement préservés de la solution finale des chambres à gaz où périrent environ 5 à 6 millions d’entre eux. C’est dire qu’à cette date système concentrationnaire et extermination raciale (juifs, Tziganes, etc.), très nettement distincts à l’origine, en viennent à se réunir en une même entreprise de destruction de l’homme. L’année 1944 sera dans tous les camps la pire, celle des massacres prémédités, des exécutions massives ou sélectives par chambre à gaz (y compris les chambres à gaz mobiles), par pendaison, fusillade, piqûre intra-cardiaque (benzine), balle dans la nuque (opération Kugel) dont sont victimes un peu au hasard les groupes les plus divers, y compris des militaires américains et anglais, des officiers français prisonniers de guerre évadés, auxquels l’OKW applique le décret NN, etc. Sans qu’on sache si le fait correspond à un ordre ou à la peur de la défaite qui approche, on constate que ces exécutions massives cessent pratiquement en novembre 1944. À la fin de l’année, Soviétiques et Alliés sont aux portes des frontières allemandes. Mais, pour les détenus, leur marche offensive se traduira d’abord par des évacua-downloadModeText.vue.download 19 sur 587

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 6

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tions opérées dans les pires conditions.

Après celle du Struthof sur Dachau en août 1944, ce seront celles d’Auschwitz (janv. 1945) et de Gross Rosen (février), puis de mars à mai celle d’Oranienburg et de Neuengamme, le rassemblement de multiples groupes à Bergen-Belsen et, les 2 et 3 mai 1945, la mort tragique de plus de 10 000 éva-cués coulés en rade de Lübeck !... Surpris par l’événement, l’édifice SS se disloque, et ces évacuations se passent dans le chaos d’initiatives locales au milieu de bombardements alliés et de l’exode des populations civiles. Partout où elles le peuvent, les organisations

de résistance des camps interviennent pour tenter de sauver ce qui peut l’être.

Enfin, le 11 avril, la libération de Buchenwald (dont on saisira toutes les archives) révèle aux Alliés l’ampleur et l’horreur du système concentrationnaire allemand.

« Qui se souvient encore du mas-

sacre des Arméniens par les Turcs ! », aurait dit Hitler lorsque en 1939 on le mettait en garde contre les exécutions sommaires effectuées par ses SS

en Pologne. Puisse une telle réflexion ne jamais s’appliquer à l’histoire des camps de concentration nazis.

L’organisation des camps

Ensembles de blocs de 50 m de long sur 7

à 10 m de large, entourés de haies de fil de fer électrifié, les camps comprennent tous un grand espace libre destiné aux interminables appels et aussi aux exécutions publiques. Autour du camp s’étendent les bâtiments occupés par les SS ainsi que la Kommandantur, où siège le tout-puissant chef de camp (parmi les plus « célèbres », citons Erich Koch à Buchenwald, Fritz Suhren à Ravensbrück, Rudolf Hoess à Auschwitz, Franz Ziereis à Mauthausen...).

La Kommandantur comprend un bureau politique, émanation directe du RSHA (même après 1942), qui conserve les dossiers des détenus, procède à leur imma-triculation..., un bureau de détention, qui nomme et contrôle la hiérarchie des dé-

tenus, organise leur vie et (par sa section de l’Arbeitseinsatz) leur travail, un bureau administratif, chargé du ravitaillement, du casernement et de la trésorerie, et un bureau sanitaire et culturel, qui coiffe l’infirmerie SS à l’extérieur et l’infirmerie des détenus (Revier) à l’intérieur du camp et qui cherche à camoufler le caractère insolite des crimes SS sous un visage le moins anormal possible.

SS et police politique dans

le IIIe Reich

La complexité théorique des rapports administratifs entre la police allemande (organisme d’État) et les SS (organisme du parti) se résolut très simplement sur le plan pratique par la mainmise progressivement totale du parti sur l’État. Pour la police, celle-ci est consommée le 17 juin 1936

lorsque Himmler, chef suprême (Reichs-führer) des SS depuis 1929 et ne relevant en cette qualité que de Hitler lui-même, est nommé « chef de la police allemande au ministère de l’Intérieur du Reich ». À ce titre, il coiffe les deux départements de l’Ordnungspolizei, police d’ordre traditionnelle en uniforme, et de la Sicherheitspo-lizei (Sipo), ou police de sûreté. Dès le 26 juin, la direction de cette Sipo, organisme d’État dont les deux branches sont la police criminelle (Kriminalpolizei) et la police secrète d’État (Geheime Staatspo-lizei, ou Gestapo), est donnée à Reinhard Heydrich (1904-1942), qui est alors et demeurera chef du Sicherheitsdienst (ou SD), organe de police intérieure du parti nazi.

C’est au profit de Heydrich qu’est créé le 27 septembre 1937 l’Office central de sécurité du Reich (Reichssicherheitshauptamt, ou RSHA), qui, sous l’autorité de Himmler, coiffe l’ensemble des services de l’État et du parti et auquel est confiée la direction des camps de concentration. En fait, le RSHA (dont le chef, après l’assassinat de Heydrich, sera Ernst Kaltenbrunner, 1903-1946) et son homologue administratif le Wirtschaftsverwaltungshauptamt, WVHA (que dirige le général SS Oswald Pohl), constitueront les deux grands états-majors subordonnés à Himmler. Ses troupes sont les formations militaires SS, les SS Verfü-

gungstruppen, qui prendront en mars 1940

le nom de Waffen SS et les SS Totenkopfver-bände, ou SS tête de mort, troupe de police sélectionnée « pour action particulière de nature politique » qui sera chargée de la garde des camps (15 000 hommes en 1942, 35 000 en 1945).

Quelques éléments de la

vie concentrationnaire

Arbeitsstatistik, bureau de la hiérarchie des détenus chargé de leur répartition dans les commandos de travail adaptés aux entreprises allemandes (c’est l’organe d’exécution de l’Arbeitseinsatz SS).

Blockältester, doyen de bloc (hiérarchie des détenus).

Blockführer, chef de bloc (hiérarchie SS).

Bunker, bâtiment en dur comprenant la prison et souvent les locaux où étaient pratiquées les exécutions.

chambre à gaz, local fermé ayant l’apparence de douches et destiné à l’extermination par inhalation de gaz « cyclon B »

(acide prussique). En dehors de celles des camps (Auschwitz, Birkenau, Majdanek, Struthof, Ravensbrück, Oranienburg...), il existait des chambres à gaz mobiles.

expérimentations. Les SS, considérant les détenus comme du matériel humain, pratiquèrent dans des blocs d’isolement de monstrueuses expériences sur certains d’entre eux pris comme cobayes : expé-

riences de résistance à la pression, à l’altitude et au froid, à la malaria (Dachau), sur le typhus et la castration (Buchenwald), la gangrène, la stérilisation de femmes et d’enfants (Ravensbrück et Auschwitz), toutes sortes de vaccination, etc.

faim. En dépit du travail exigé, l’alimentation des détenus est volontairement réduite au-dessous du minimum vital ; moyen d’extermination, la faim entraîne amaigrissement squelettique, oedème, psychose, etc. À Mauthausen, les détenus reçoivent le matin 1/4 de litre d’ersatz de thé, à midi 3/4 de litre de soupe au ruta-baga ou au chou-rave, le soir 400 g de pain et 30 g de saucisse.