art, Joseph Beuys (né en 1921) en Allemagne, le premier, puis Robert Morris (né en 1931), Richard Serra (né en 1939) et Robert Smithson (né en 1938)
aux États-Unis (où le mouvement prit le nom d’art « anti-form »), Giovanni Anselmo (né en 1934), Jannis Kounel-lis (né en 1936 en Grèce), Mario Merz (né en 1925) et Gilberto Zorio (né en 1944) en Italie (arte povera), Christian Boltanski (né en 1944) et Sarkis (né en 1938 en Turquie) en France se mirent à entasser de la terre, du feutre industriel, des pièces de métal brut, de la graisse, des animaux morts, des lanières de cuir ou de caoutchouc, des végétaux, des cordages, des planches, etc. Quelquefois, l’électricité, animant un magnétophone ou éclairant un néon, ajoutait une touche moderniste à un ensemble qui ne pouvait que paraître d’une redoutable austérité (pour ne pas dire d’une agressive laideur) aux yeux des spectateurs encore éblouis par les fusées colorées de l’abstraction lyrique. Par contre, l’art pauvre semblait renouer avec l’aile la moins exubérante de l’informel, celle qui se plaisait (avec Dubuffet* ou Fautrier*) dans les tons de cendres et de boues.
Sauf que, chez certains de ces artistes (Beuys, Boltanski ou les Italiens), la misère du matériau n’empêchait pas le downloadModeText.vue.download 24 sur 587
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 6
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moins du monde l’imagination de fonctionner et même de fabuler.
Le « land art »
(ou « earthworks » :
oeuvres de terre)
Poser un tas de terre sur le plancher d’une galerie (ou d’un appartement de collectionneur) était une chose. Pourquoi ne pas faire l’inverse, ou à peu près, en faisant un trou dans la terre, loin des galeries ? On n’échappait pas seulement de la sorte aux matériaux nobles et à la pérennité de l’oeuvre, mais aussi (du moins jusqu’à un certain point) au marché de l’art et au public desdites galeries. Ainsi l’Américain Michael Heizer (né en 1944) pratiquait en 1968 d’étranges excavations dans les déserts de Californie et du Nevada, ou faisait déverser en pleine nuit (pour que le résultat ne paraisse pas esthé-
tiquement prémédité) des camions de
ciment dans une crevasse naturelle.
Son compatriote Dennis Oppenheim
(né en 1938) dessinait des sentiers dans la neige ou faisait exécuter par un tracteur de capricieuses arabesques dans les champs. Le Néerlandais Jan Dib-bets (né en 1941) tentait de perturber la perspective en installant des quadrila-tères de corde dans les prairies, quand il ne s’efforçait pas d’attirer un rossignol hors des limites habituelles de son domaine. L’Anglais Richard Long (né en 1945) désignait comme « sculpture » une marche en ligne droite de dix miles dans les landes des Cornouailles, ponctuée de coups de feu ou de prises de vues à intervalles réguliers. La notion de la durée apparaît inséparablement liée au land art : la plupart des interventions sont photographiées à plusieurs reprises, la manière dont la nature efface peu à peu les traces de l’activité humaine constituant un des aspects de cette activité. C’est dire que nous sommes ici en présence d’une réincarnation originale du romantisme, comme on pouvait s’en douter dès lors qu’il s’agissait, au nom de l’écologie, de reprendre contact avec la nature.
Il suffirait d’en donner pour exemple l’Allemand Hans Haacke (né en 1936) photographiant des empreintes de
mouettes dans la neige. Car la photographie était destinée à devenir le té-
moin quasi exclusif du land art. Dans les galeries, où l’on ne voyait plus d’oeuvres, on projetait des diapositives montrant les travaux exécutés sur le terrain ; et des collectionneurs « commandaient » tel ou tel travail, quand ce n’étaient pas des collectivités qui demandaient qu’on leur aménage un talus ou un terre-plein quelconque ! Le land art n’avait donc pas échappé au marché de l’art, mais qui y échappe ?
L’art conceptuel
proprement dit
Se défiant du « fétichisme de l’objet »
comme de toute trace de romantisme, l’art véritablement conceptuel ambitionne de n’être plus qu’une réflexion sur la nature de l’art. Non seulement la toile et la statue lui paraissent condam-nables, mais même le maniement de matériaux aussi vulgaires soient-ils lui répugne, comme susceptible de réintroduire, avec l’objet d’art, les plus cou-
pables compromissions. On ne s’étonnera pas que le moi, fauteur de tous les maux, ait paru la plupart du temps haïssable aux artistes conceptuels.
Aussi leurs expositions se composent-elles, au mieux, de photographies, dans la plupart des cas de quelques lignes dactylographiées épinglées sur un mur ou de manifestations tout autant puritaines : télégrammes d’On Kawara (États-Unis, né en 1933), annonces de presse de Stephen James Kaltenbach (États-Unis, né en 1940), tracts de Gilbert et George (Grande-Bretagne), mensurations de Mel Bochner (États-Unis, né en 1940) et de Hanne Darbo-ven (Allemagne, née en 1941), reports sur toile de sommaires d’ouvrages théoriques ou de pages de manuels de grammaire, spécialité de Bernar Venet (France, né en 1941). Les moins limités des artistes conceptuels semblent être des Américains : Robert Barry (né en 1936) et Laurence Weiner (né en 1940), que leur sens de l’humour pré-
serve alors même qu’ils s’aventurent dans le vide (un vide d’ailleurs prophé-
tisé par Yves Klein) ; Douglas Huebler (né en 1924), préoccupé d’« élargir le champ de la conscience humaine » au moyen d’activités où l’arbitraire n’exclut pas le jeu ; enfin Joseph Kosuth (né en 1931), la tête la plus théoricienne de tout l’art conceptuel, dans lequel il a introduit des considérations issues du structuralisme linguistique : il expose par exemple côte à côte une chaise, la photographie de cette chaise et la définition du mot « chaise » empruntée à une encyclopédie.
À côté de ces purs conceptuels se situent d’autres artistes qui procèdent partiellement du minimal art, tels les Américains Carl André (né en 1935), Sol Lewitt (né en 1928) et Fred Sand-back (né en 1943). Mais de nombreux artistes relevant de courants spirituels fort divers ont, de quelque manière, maille à partir avec l’art conceptuel, pur ou impur. Le mérite de celui-ci est en effet de conduire chaque artiste à une interrogation sur les fins et les moyens de l’art, interrogation qu’il serait trop commode d’éluder en s’en tenant à la routine habituelle. Car l’art conceptuel ne sonne pas la fin de l’art, mais au contraire annonce une ère nouvelle de l’activité artistique.
J. P.
Art conceptuel, numéro spé-
cial de VH. 101 (Esselier, 1970).
Catalogues d’expositions : Quand les attitudes deviennent forme. OEuvres - concepts - processus - situations - information, Berne, Kuns-thalle, 1969. / Conceptual art, arte povera, land art, Turin, Galleria civica d’Arte moderna, 1970.
/ Documenta 5, Kassel, 1972.
concerts
(association de)
Groupement d’artistes constitué en vue de faire entendre de la musique.
Une telle coutume existe en fait depuis fort longtemps. La Bible et l’histoire des civilisations anciennes nous en offrent maints témoignages. Dès l’origine et jusqu’à la fin du XVIe s., la musique participe étroitement aux principaux événements de la vie sociale ; mais, au début du XVIIe s., les meilleurs d’entre les « joueurs d’instruments »
étant appelés à la Cour, l’art musical devient le privilège d’auditeurs favorisés tandis que la décadence envahit les fêtes strictement populaires. La musique rassemble désormais autour d’elle une aristocratie en des lieux et à des dates préalablement fixés ; le nom de « concert » va désigner ces réunions musicales. Mais la coutume de se réunir pour entendre de la musique, après avoir rapidement gagné les salons princiers, allait bientôt se répandre au dehors, et nous voyons apparaître vers le milieu du XVIIIe s. les premiers concerts véritablement publics. L’art musical revenait à son milieu social originel, enrichi, épuré, quintessencié, marqué dans ses formes et dans son langage du sceau des coutumes aristocratiques qui l’avaient façonné à leur image. La plupart des pays européens ont connu cette métamorphose de la vie musicale qui introduit des rapports nouveaux entre les artistes et le public.