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La France

Les puys musicaux du Moyen Âge et de la Renaissance, notamment ceux d’Évreux (1570-1614) et de Caen

(1671-1685), peuvent être considérés comme l’aspect primitif des associa-

tions de concerts, dont les premières manifestations réellement organisées semblent être celles de l’académie*

d’Antoine de Baïf (1570).

Dès 1518 à Paris, et vers le milieu du XVIe s. en province (1557 à Angers par exemple), nous trouvons la trace de véritables associations de musiciens, légalisées par contrat notarié.

Ces « bandes », comme on les appellera bientôt, ont pour but essentiel de faire danser. Mais si l’on considère celles-ci comme les ancêtres des actuels orchestres de variétés, notons que la danse était à l’époque l’inspiration essentielle du répertoire instrumental et qu’elle conditionna fortement l’évolution musicale.

Les premiers véritables concerts sont ceux de l’académie de Baïf (1570), et leur forme en est étonnamment moderne : emplacement « sacrosaint »

réservé aux interprètes, interdiction d’entrer pendant les exécutions, silence de rigueur, etc. Des séances de musique vocale et instrumentale ont lieu peu après chez le compositeur Jacques Mauduit. Mais ces réunions, ainsi que celles des académies italiennes (Rome, Florence, Bologne, etc.), des collegia musica d’Italie, d’Allemagne et de Suède ou des clubs musicaux de Londres, sont des cénacles fermés, réservés aux classes privilégiées de la société. Plus ouverts au public, les puys sont des concours de composition très appréciés. Parmi les plus connus, on compte ceux d’Évreux (à partir de 1570), Caen, Rouen, Paris et Arras.

Dès le début du XVIIe s., les concerts privés ou semi-publics se multiplient, chez le maréchal de Thémines ou chez

« Monsieur de La Barre », organiste du roi, par exemple. Marin Mersenne (Harmonie universelle, 1636) et

Jacques de Gouy (préface de ses Airs à 4 parties, 1650) nous citent parmi les interprètes Michel de La Guerre, Henry Du Mont, Sainte-Colombe et ses filles (concert de violes), Ballard (ensemble de luths), la famille La Barre, Jacques Champion de Chambonnières, dont

les concerts, vers 1630-1650, sous le nom d’assemblée d’honnestes curieux, connaissent un succès certain. La province n’est pas en retard sur la capitale, et les riches bourgeois organisent

chez eux des auditions. Les bandes se multiplient, et les « 24 violons du Roi » (en fait un quintette à cordes) participent aux bals et fêtes de la Cour et des princes dès 1620. Trente-cinq ans plus tard, Louis XIV autorise Lully à utiliser les Petits Violons, alors que d’autres bandes se créent, telle celle downloadModeText.vue.download 25 sur 587

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 6

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de Léonard de Lorge (1656), dont le contrat notarié impose une discipline draconienne aux musiciens. Ainsi, ce début du XVIIe s. est capital quant au développement de la technique instrumentale et de la musique de chambre.

Il y a peu à peu division entre l’actif et le passif de la culture humaine, entre l’artiste et l’auditeur. La notion de public se précise et celle de concert également, même si le terme d’acadé-

mie lui est souvent substitué. Ainsi, en province, et jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, les principales villes ont leur académie : Amiens, 1625 ; Troyes, 1647 ; Rouen, 1662 ; Orléans, 1670 ; Strasbourg, 1689 ; Marseille, 1685 ; etc. Louis XIV lui-même crée des

concerts professionnels, organisés presque quotidiennement. Ce sont les soirs « d’appartements » (qui suscitent par exemple les « concerts royaux » de Couperin). Mme de Montespan à Clagny et plus tard Mme de Maintenon suivent son exemple, ainsi que les grands comme Mlle de Montpensier, le prince de Condé, Mlle de Guise (dont Marc Antoine Charpentier sera le « maître de concert ») et les riches bourgeois, fermiers généraux et hauts magistrats de Paris et de province. Les premiers virtuoses apparaissent : Mlle Certain au clavecin ; le guitariste Robert de Visée, le violiste Antoine Forqueray, Jean-Baptiste Buterne. À la même

époque, la musique italienne de Caris-simi et Corelli est introduite grâce aux matinées de l’abbé Mathieu, curé de Saint-André-des-Arcs.

Le XVIIIe s. voit se prolonger les mêmes formes de concert : académies, concerts privés ou semi-publics avec, de plus, la création de la première véritable « association de concerts » fran-

çaise : le Concert spirituel.

D’autres académies se créent en province : Lyon, Pau, Carpentras, Dijon, etc. Leurs activités ainsi que celles des maîtrises sont essentielles, bien que leur existence soit souvent menacée financièrement (celle de Marseille cesse en 1716). De plus, la majorité disparaî-

tra dans la tourmente révolutionnaire.

À Paris, le 18 mars 1725, est créé le Concert spirituel, dont le rôle sera égal, au XVIIIe s., à celui de la Société des concerts du Conservatoire au

XIXe s. Anne Danican Philidor en est le fondateur et, parmi ses successeurs, nous trouvons les noms de Jean Joseph Mouret, Jean Joseph Mondonville,

Antoine Dauvergne, Pierre Gaviniès et François Joseph Gossec. Les concerts avaient lieu aux Tuileries (salle des Suisses) les jours de fêtes religieuses où l’Académie royale de musique

(Opéra) fermait ses portes. Les programmes ne comprenaient, au début, que des oeuvres religieuses : motets de Lully, Delalande, Couperin, Campra, puis Rameau et Mondonville constituent essentiellement le répertoire.

Mais dès 1727 la même « association »

donne les « concerts français » (deux fois par semaine en hiver, une fois en été), qui complètent les programmes et proposent ainsi un éventail complet de la musique contemporaine, essentiellement française mais aussi étrangère : les sonates et concertos de Corelli et de Vivaldi participent ainsi, avec les oeuvres de Jean-Marie Leclair, à la réhabilitation du violon en France ; le Stabat Mater de Pergolèse, acclamé en 1753, sera joué une fois par an jusqu’à la Révolution. La musique allemande apparaîtra plus tard avec Händel, Haydn (Symphonies parisiennes) et Mozart, dont on sait les craintes lors des répétitions de sa symphonie en mi bémol (1778). Les avis sont très partagés quant à la valeur des exécutions : la perfection des solistes (ceux de l’Académie ou ceux de passage) est, par certains, louée à l’égal de celle des choeurs et de l’orchestre (« tout ce qu’il y a de meilleurs sujets »). D’autres, comme l’historien voyageur anglais Charles Burney, en 1770, critiquent le style

« ennuyeux » de Delalande, les « cris »

et « beuglements » des solistes et des

choeurs.

« Jugement sujet à caution », dit Michel Brenet, mais on peut évoquer toutefois un certain relâchement dans la valeur des exécutions, devenues peu à peu prétextes à comparaisons de solistes, ainsi qu’un affadissement du style musical qui était la base du Concert spirituel. Comme les autres concerts et associations, celui-ci disparaît pendant la Révolution, en 1791.

Car l’activité musicale ne se réduit pas au seul Concert spirituel. Il faut compter aussi avec les salons des

« honnêtes hommes » qui se piquent de s’intéresser à tout, d’avoir leur concert, leur orchestre et aussi de participer aux exécutions. Ainsi apparaissent les auditions du trésorier Antoine Crozat en 1713, qui fusionnent en 1724 avec le Concert italien de Mme de Prie ; les frais sont couverts par une souscription d’abonnement ! Chez le prince de Conti, le Concert des mélophilètes (1722) est gratuit, mais aucun musicien professionnel n’y participe.