Il est sous-lieutenant à Toul (1898) quand il démissionne de l’armée pour se consacrer à l’éducation populaire et « planter le grand arbre du christianisme démocratique et social ». Le Sillon, sous sa direction, prend son essor. Marc Sangnier se distingue par un physique de Gaulois à la moustache tombante, aux yeux lumineux, à la voix chaude et entraînante, à l’éloquence directe, assimilable, imagée.
Les jeunes gens vont naturellement vers lui, comme aimantés. La connaissance des ressorts de l’opinion fait de lui un propagandiste efficace, d’autant plus qu’il dispose d’une grosse fortune.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 6
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et possessif dans ses affections, trop court et trop allusif dans son argumentation, il manque de souplesse, et c’est ce qui explique qu’il ait buté contre la hiérarchie catholique, naturellement méfiante et jalouse de ses pouvoirs, surtout à une époque de persécution. Quand le Sillon est désavoué par Pie X, Sangnier se soumet humble-ment (1910) : il est touché au vif, mais non foudroyé. L’indéracinable jeunesse d’âme de celui qu’on surnomme
« l’apôtre Marc » va encore s’exprimer durant quarante ans. En 1912, il fonde la Jeune République et fait campagne pour la Démocratie, titre du quotidien qu’il dirige. Ses disciples se dispersent, mais vont animer les associations chré-
tiennes démocratiques et sociales qui, lentement mais sûrement, assureront l’essor de la démocratie chrétienne.
Député du Bloc national (1919-1924), Sangnier ne sollicite pas le renouvellement de son mandat : il crée l’Éveil des peuples, d’inspiration internationaliste et pacifiste. Sa propriété de Bierville est le lieu de multiples rencontres fraternelles et « congrès de la paix » ; dans le même esprit, il fonde (1930) la Ligue française des auberges de la jeunesse.
Arrêté par les Allemands en 1944, San-
gnier est élu député de Paris en 1946, tandis qu’une partie des adhérents de la Jeune République se groupe avec le M. R. P., mouvement dont Sangnier est naturellement élu président d’honneur, la génération montante le considérant, à juste titre, comme le fondateur de la démocratie chrétienne en France.
Luigi Sturzo (Caltagirone, Sicile, 1871 - Rome 1959). Il entre très jeune au séminaire. Âme sensible, il se livre d’abord à la poésie et à la musique.
Mais, une fois ordonné prêtre (1894), c’est à l’action sociale qu’il voue sa vie. Professeur de philosophie et de sociologie au séminaire de Caltagirone, il fonde l’hebdomadaire La croce di Costantino et groupe paysans et ouvriers dans des ligues professionnelles.
Dès le début du siècle, il entre dans le mouvement démocrate-chrétien, car il veut aborder l’action sociale avec une solide formation politique et juridique, une vraie connaissance de la machine administrative et bureaucratique d’une société libérale. Maire de Caltagirone (1905), secrétaire général du conseil directeur de l’Action catholique italienne (1915-1917), il crée en 1919 le parti populaire italien (Partito popolare italiano), qui, tout de suite, comple plus d’un million d’électeurs et une centaine de représentants à la Chambre. Sur le plan social, ce parti réclame notamment l’institution de chambres régionales d’agriculture, la réforme des organismes d’arbitrage des conflits collectifs, le vote de lois agraires en vue du morcellement de la grande propriété, de la colonisation intérieure et de l’acquisition de la terre par les paysans. Par ailleurs, don Sturzo milite pour la décentralisation régionale. Lors de l’avènement du fascisme, le parti populaire entre dans l’opposition, mais sa qualité de prêtre oblige Sturzo à démissionner de son poste de secrétaire général du parti (1923). Ce qui n’empêche pas Mussolini de l’acculer à l’exil l’année suivante. Installé à Londres, puis (1940) à New York, Sturzo rentre en Italie en 1946. Il ne reprend pas de politique active, mais reste l’âme de la démocratie chrétienne : à l’ultime fin de sa vie, il polémique violemment avec la droite à propos des libertés fondamentales, dont il reste le défenseur
intransigeant. En 1952, il est sénateur à vie. D’aspect chétif médiocre orateur, une intelligence exceptionnelle, une dialectique pressante et lumineuse ont fait de Sturzo « le plus grand, sinon le seul penseur démocrate-chrétien qui ait paru en Occident depuis le début du siècle » (M. Vaussard). Il est l’auteur d’importants écrits politiques, parmi lesquels : Popolarismo e fascismo (1924), La Liberta in Italia (1925), La Comunita internazionale e il diritto di guerra (1929).
M. V. et P. P.
F Catholicisme libéral / Catholicisme social /
Mouvement républicain populaire.
C. H. Höjer, le Régime parlementaire belge de 1918 à 1940 (Uppsala, 1946). / J.-B. Duroselle, les Débuts du catholicisme social en France, 1822-1870 (P. U. F., 1951). / J. Rovan, Histoire de la démocratie chrétienne, t. II : le Catholicisme politique en Allemagne (Éd. du Seuil, 1956). / M. Vaussard, Histoire de la démocratie chrétienne, t. I (Éd. du Seuil, 1956). / R. Rezso-hazy, Origines et formation du catholicisme social en Belgique, 1842-1909 (Nauwelaerts, 1958). / P. Scoppola, Crisi modernista e rinno-vamento cattolico in Italia (Bologne, 1961 ; 2e éd., 1969). / J. de Fabrègues, le « Sillon »
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(Plon, 1966). / G. De Rosa, Storia del movi-mento cattolico in Italia (Bari, 1966 ; 2 vol.). /
F. Mayeur, « l’Aube », étude d’un journal d’opinion, 1932-1940 (A. Colin, 1966). / M. Guasco, Romulo Murri e il modernismo (Rome, 1968).
/ J.-M. Mayeur, Un prêtre démocrate, l’abbé Lemire, 1853-1928 (Casterman, 1968).
Démocrite
F MATÉRIALISME.
démographie
Science de la population, considérée surtout du point de vue numérique, et étudiée en relation avec les mécanismes qui assurent son renouvellement.
Au sens le plus courant, le mot population désigne l’ensemble des habitants d’un territoire. Cet ensemble se carac-
térise par son effectif et la répartition de ses membres selon diverses catégories, définies soit par le sexe et l’âge, soit par l’état matrimonial, ou encore par la catégorie socioprofessionnelle..., enfin par l’association de toutes ou de plusieurs des caractéristiques précédentes.
Par ailleurs, des entrées continuelles dans la population (par naissances et immigration) ainsi que des sorties (par décès et émigration) modifient à tout moment l’effectif de la population et sa répartition par sexe et âge ; de la même façon, des changements de catégories, du fait de mariages, de divorces, de migrations professionnelles..., en modifient constamment la composition. Un des objets essentiels de la démographie est d’étudier l’état et le mouvement de la population tels qu’ils viennent d’être définis.
Mais le mot population peut s’appliquer à des ensembles humains beaucoup plus restreints, au sein desquels, cependant, on pourra distinguer des processus d’entrée et de sortie : ainsi un corps professionnel (le corps enseignant par exemple), dans lequel les en-trées ont lieu selon certaines modalités de recrutement et les sorties par décès, retraite ou démission.
La démographie,
science sociale
Si dans l’étude des populations, ainsi entendue, le point de vue numérique domine, il ne saurait être exclusif et constituer une fin en soi. La recherche d’explications aux états et aux changements constatés conduit à replacer les faits de population dans le contexte extrêmement large qui est le leur ; de ce fait, les branches du savoir qui concourent à une pleine compréhension des états et des faits démographiques sont extrêmement nombreuses : biologie, génétique, psychologie, sociologie, histoire... En ce sens, la démographie est une science pluridisciplinaire.