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Enfin, on se préoccupe en démographie d’attacher des mesures aux conditions dans lesquelles s’opère le renouvellement de la population ; on calcule à cette fin des taux de reproduction. Le taux brut de reproduction R (ou taux de reproduction brute) donne le nombre de filles qui seront issues, en l’absence de mortalité, d’un nouveau-né féminin d’une génération ; on mesure ainsi le remplacement d’une génération à la naissance, dans l’hypothèse extrême où la mortalité serait supprimée jusqu’à la fin de la vie féconde des femmes. Le taux net de reproduction R0 (ou taux de reproduction nette) donne le nombre moyen de filles qui seront issues d’un nouveau-né féminin d’une génération en tenant compte, cette fois, de la mortalité ; on mesure ainsi le remplacement d’une génération dans les conditions réellement observées. On a

naturellement R0 < R ; autrement dit, le taux brut, qui, à strictement parler, est un indice de fécondité, donne une estimation par excès du taux net ; plus pré-

cisément, on a sensiblement l’égalité R0 = R × sa,

sa étant la probabilité de survie d’une fille à la naissance jusqu’à l’âge moyen des mères à la naissance de leurs enfants a.

La théorie des populations stables d’Alfred James Lotka (1880-1949) a conduit à définir, à partir des conditions de mortalité et de fécondité d’une année, le taux intrinsèque d’accroissement naturel ρ, qui est le taux d’accroissement annuel constant dans l’état (qualifié de stable) vers lequel s’achemine progressivement une population soumise à des lois de mortalité et de fécondité invariables. ρ est lié aux quantités R0 et a par la formule

R0 = (1 + ρ)a,

R0 étant le taux net de reproduction calculé à partir des lois invariables de mortalité et de fécondité ; il en résulte Par conséquent, ρ est positif si R0 est supérieur à 1 et négatif dans le cas contraire : selon que le taux net de reproduction est supérieur ou inférieur à l’unité, la population est croissante ou décroissante.

Le taux net de reproduction est une mesure insuffisante des conditions de reproduction d’une population. En particulier, dans le cas d’une mortalité variable, à un taux net inférieur à l’unité peut correspondre une population croissante : il suffit pour cela que la mortalité au-delà de la période de fécondité de la femme décroisse suffisamment. Plus généralement, l’insuffisance des taux de reproduction tient à ce qu’ils donnent des rapports de flux, alors que les populations se présentent comme le produit de flux par des du-rées de vie.

Bases statistiques

Les statistiques à la base de l’analyse démographique ont une origine tradi-

tionnelle (recensement, état civil) ou reposent sur des enquêtes particulières ou des relevés dans des documents écrits divers.

Le recensement fournit une photo-

graphie de l’état de la population à une date donnée. Opération très lourde, il ne peut être d’une précision absolue.

Comme les recensements ne sau-

raient être exécutés qu’à intervalles de temps assez espacés, des estimations de population sont calculées durant la période intercensitaire, le plus souvent à chaque 1er janvier ; on utilise pour cela les relevés de décès par âge et de downloadModeText.vue.download 551 sur 587

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 6

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naissances et, lorsque cela est possible, les relevés de migrations.

La comptabilité des événements

démographiques repose sur les enregistrements qui sont effectués à l’état civil : les bulletins de naissance, de décès et de mariage, adressés aux organismes officiels de statistique, donnent lieu à des exploitations selon divers critères quantitatifs et qualitatifs. La tenue des registres d’état civil est pratiquement parfaite dans les pays de culture occidentale, où ces registres ont pris généralement la suite des registres paroissiaux ; aussi, la précision des statistiques globales du mouvement de la population est-elle à peu près parfaite, ce qui n’exclut pas cependant des erreurs au niveau des nombreuses classifications qui sont opérées lors de l’exploitation statistique.

Par des enquêtes spécifiquement

démographiques, on cherche à obtenir des renseignements que les sources traditionnelles ne fournissent pas, soit qu’il s’agisse d’obtenir la reconstitution de l’histoire passée de la population enquêtée (enquête rétrospective), soit que l’on s’efforce de rapprocher les données quantitatives de données sur le comportement, les attitudes, les opinions ou d’autres variables qualitatives ; le plus souvent d’ailleurs, les enquêtes démographiques, qui sont effectuées auprès d’effectifs limités

(quelques milliers de personnes), sont des enquêtes en profondeur, tant en ce qui concerne le champ temporel prospecté que les caractéristiques des individus retenus par l’enquête. Les en-quêtes modernes sur la fécondité sont de ce type, en ce qu’elles s’efforcent de reconstituer minutieusement l’histoire génésique des femmes enquêtées et de réunir toutes les informations de nature économique, socioculturelle, psychologique, voire biologique concernant les couples, objets de l’étude. Étant donné la dimension limitée de telles enquêtes, le problème du choix de l’échantillon est très important si l’on veut obtenir des résultats représentatifs d’une situation existant à l’échelle démographique.

Recherches causales

et prévisions

Le travail du démographe ne s’arrête pas une fois effectuées toutes les transformations qui conduisent des données numériques brutes aux formes élaborées souhaitées. En démographie, comme dans toutes les sciences sociales, le chercheur s’efforce de déterminer les causes des phénomènes, sans doute en raison de la curiosité profonde qui anime tout homme de science, mais aussi pour satisfaire les besoins d’information des hommes d’action et pour prévoir les évolutions futures. C’est ainsi que la connaissance des facteurs de la mortalité et de la natalité est d’un intérêt évident pour les responsables de la politique sanitaire et de la politique de population. En outre, établir des prévisions démographiques, c’est faire choix pour l’avenir d’hypothèses suffisamment solides pour que les évolutions prévues aient de sérieuses chances de se réaliser.

La recherche causale en démogra-

phie est des plus difficiles, à la fois pour des raisons propres à toutes les sciences de l’homme et aussi du fait du caractère particulier des phénomènes démographiques. L’impossibilité où l’on se trouve généralement de mener des expériences sur l’homme ou sur des collectivités prive les sciences sociales d’un précieux moyen d’analyse auquel peuvent recourir les sciences de la nature.

Le plus souvent, le chercheur est donc réduit à ordonner les observations et les mesures dont il dispose pour faire apparaître des associations entre phé-

nomènes susceptibles de le guider sur la voie de la recherche causale ; c’est à ce niveau que la démographie se fait pluridisciplinaire et c’est à ce moment que l’analyse démographique prend toute son importance : des analyses numériques mal conduites peuvent

amener à dégager des associations absolument factices qui ne sauraient déboucher que sur des interprétations erronées.

L’impossibilité de dégager en dé-

mographie des lois immuables dans le temps accroît les difficultés de la recherche causale. C’est que les phé-

nomènes démographiques s’inscrivent dans des milieux en perpétuel changement, en sorte que le « toutes choses égales d’ailleurs » se trouve rarement à la base des études comparatives que le démographe entreprend ; cela est particulièrement vrai à l’époque contemporaine, où l’humanité ne connaît le plus souvent que des situations inédites. S’il s’agit, par exemple, de lier la fécondité des familles à leur niveau économique, telle association trouvée avant guerre entre échelle de revenus et échelle de dimensions de famille ne se retrouve pas trente ans plus tard, du fait, entre autres, de la hausse des niveaux de vie, de la modification des structures de consommation, des possibilités nouvelles de vie offertes — à revenu égal