— par le progrès technique. S’il s’agit, dans le même ordre d’idées, d’inspirer une politique nataliste, peut-on recommander comme éternellement valable une politique fondée essentiellement sur une aide financière à la famille, alors que le refus de l’enfant pourra, avec l’évolution de la condition féminine, être commandé autant par le désir pour la femme de conserver une activité hors du foyer que par celui de pré-
server un certain niveau de vie ?
Démographie et
prospective
L’aspect utilitaire le plus évident des études démographiques est de permettre le tracé de perspectives de popu-
lation. La détermination de telles perspectives suppose le choix d’hypothèses d’avenir concernant l’évolution des phénomènes démographiques majeurs (fécondité et mortalité) et la conduite de calculs variés ; ces derniers ne pré-
sentent aucune difficulté, en sorte que le seul point réside dans le choix des hypothèses.
De toute façon, les perspectives de population n’entendent pas nécessairement constituer des prévisions ; elles peuvent seulement viser à dégager les pleines conséquences, pour l’avenir de la population d’un pays ou d’un groupe de pays, du maintien de telles ou telles conditions démographiques, faisant apparaître ainsi, d’une manière chiffrée précise, des risques de dépopulation par baisse de fécondité ou de surpopulation par maintien d’un certain rapport entre fécondité et mortalité : un tel risque de dépopulation avait été parfaitement entrevu avant la Seconde Guerre mondiale en France. Actuellement, l’éventualité d’une surpopulation de la planète, si la fécondité ne devait pas baisser en pays sous-développés, paraît proche.
Toutefois, la planification économique et sociale requiert l’établissement d’authentiques prévisions démographiques, qui sont la base de maintes autres prévisions en ressources humaines et en besoins liés à l’évolution de la population : population scolaire, effectifs d’enseignants, évolution de la population active, besoins en emplois nouveaux, croissance du nombre des ménages et évolution des besoins en logement.
La recherche
démographique et les
institutions de recherche
La recherche démographique comporte plusieurs phases, que l’on peut résumer ainsi :
1o la collecte des informations et, singuliè-
rement, des données quantitatives ; 2o l’élaboration, sous forme de tableaux statistiques, des données précédentes ; 3o l’analyse des données quantitatives ; 4o la recherche multidisciplinaire.
Les deux premières phases incombent
le plus souvent aux organismes officiels de statistique, qui collectent notamment les données d’état civil (bulletins de naissance, de mariage et de décès) et les informations sur les individus, les ménages, les logements, etc., lors des recensements gé-
néraux de la population ; les diverses informations recueillies conduisent à la fabrication de tableaux statistiques variés, tels ceux qui donnent la population par sexe, âge et état matrimonial, les décès d’une année selon le sexe et l’âge des décédés, les naissances vivantes légitimes selon l’ancienneté du mariage et le rang de la naissance, etc.
Des méthodes variées sont à mettre en oeuvre pour analyser les données quantitatives réunies lors des deux premières phases ; c’est ici qu’intervient l’analyse démographique, forme spécifique d’analyse statistique, adaptée aux données de population. Mais une analyse en profondeur des phénomènes démographiques et des états de population suppose l’utilisation de connaissances variées en rapport avec les multiples aspects des questions étudiées ; c’est ainsi que des études de fécondité à l’échelle démographique nécessitent l’utilisation de données biologiques et médicales, comme l’intervention de concepts sociologiques et ethnologiques. C’est à cette phase ultime que la recherche démographique prend un caractère multidisciplinaire.
Il y a une solidarité évidente entre les quatre phases que nous avons distinguées.
En particulier, le programme présidant à l’accomplissement des deux premières ne saurait être convenablement tracé sans le fil directeur fourni par les types d’analyse que l’on se propose de mener lors des deux dernières. Toutefois, dans les faits, il y a une certaine répartition des tâches au sein des institutions. Comme il a été dit, collecte des informations de base et élaboration des tableaux statistiques incombent, en raison de la lourdeur des tâches, aux organismes spécialisés et bien équipés que sont les offices nationaux de statistique ; le temps et les moyens manquent souvent à ces offices pour analyser complètement les données qu’ils ont recueillies ; toutefois, en l’absence d’institutions spécialisées, l’analyse des données de l’état civil et du recensement par les instituts de statistique a constitué pendant longtemps la seule forme de recherche démographique, menée parfois avec beaucoup de bonheur.
Les instituts spécialisés dans la recherche démographique sont récents.
Quelques fondations américaines pour downloadModeText.vue.download 552 sur 587
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 6
3379
l’étude des questions de population apparaissent entre les deux guerres, et en 1939
fut créé au Japon l’Institut pour l’étude des problèmes démographiques.
En France, la Fondation française pour l’étude des problèmes humains, créée en 1941 à l’initiative d’Alexis Carrel (1873-1944), comportait une section de démographie quantitative. En 1945, l’Institut national d’études démographiques (I. N. E. D.) allait prendre la suite de cette fondation, héritant de sections de recherche qui forment encore l’ossature de l’I. N. E. D. actuel : études quantitatives, études qualitatives et génétique démographique, psychosociologie, économie et population. Animé pendant longtemps par l’économiste et sociologue Alfred Sauvy (né en 1898), l’I. N. E. D. a su donner à la recherche démographique son caractère multidisciplinaire.
Tributaires, pour certaines de leurs recherches, des informations que leur fournissent les organismes de statistique, les instituts de recherche démographique disposent aussi de moyens propres d’en-quête : c’est que la collecte des données nécessaires à la recherche démographique ne concerne pas uniquement les faits relevant de l’état civil et des recensements. Des études sur des points particuliers exigent le rassemblement de très nombreuses données sur chaque personne enquêtée : données démographiques, mais aussi données quantitatives et qualitatives diverses, concernant l’environnement des individus, leurs attitudes, leurs opinions, etc.
Il faut remarquer que de telles enquêtes supposent la confection soignée de ques-tionnaires importants, qui, pour être correctement remplis, ne sauraient être administrés qu’à un nombre restreint de personnes. Aussi, ces enquêtes en profondeur, à la faveur desquelles on réunit généralement un grand nombre de données rétrospectives, sont-elles menées sur
la base de sondages représentatifs ou dans des petites aires géographiques. Enfin, la recherche démographique peut s’appuyer sur des documents écrits, établis à des fins non démographiques : ainsi les archives d’organismes d’assurances, d’allocations familiales, de caisses de retraite... ; les registres paroissiaux tenus sous l’Ancien Régime sont, de ce point de vue, une mine incomparable pour les recherches de dé-
mographie historique.
Dans les dernières décennies, les instituts d’études de la population se sont considérablement multipliés, en raison de la pratique de plus en plus généralisée de la planification économique et de l’importance maintenant reconnue aux facteurs démographiques dans les processus de développement économique et d’évolution sociale. Dans les pays du tiers monde, l’explosion démographique a rendu nécessaire une meilleure connaissance des faits de population et a inspiré des recherches dans le domaine de la fécondité, notamment en ce qui concerne les moyens propres à amener une limitation généralisée des naissances.