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Parallèlement, les publications démographiques se font de plus en plus nombreuses, les quatre principaux périodiques étant Population (France), Population Studies (Angleterre), Population Index et Demographic Yearbook (États-Unis).

Les fondateurs de

la démographie

La démographie en tant que science est née des spéculations d’un marchand drapier de Londres, John Graunt (1620-1674). Ses Natural and Political Observations Mentioned in a Following Index, and Made upon the Bills of Mortality, with Reference to the Government, Religion, Trade, Growth, Air, Diseases and the Several Changes of the Said City, publiées en 1662, engagent d’emblée la statistique démographique dans une de ses voies principales. Le titre, très explicite, de l’ouvrage de Graunt montre bien l’ampleur de vue de l’auteur. Pour son travail, Graunt utilisa les relevés de décès (et parfois de naissances) enregistrés dans les différentes paroisses de Londres, figurant dans les Bills of Mortality, bulletins hebdomadaires dont la publication remonte au début du XVIe s.

Reflétant les aléas de la mortalité, ces relevés constituaient un précieux baromètre en cas d’épidémie, de peste notamment : les gens riches les utilisaient pour, à la première alerte, essayer de se mettre à l’abri hors de la ville. Graunt dégagera, à partir de ces relevés, nombre de permanences statistiques, tels le rapport des sexes à la naissance et, dans l’ensemble de la population, le rapport des naissances aux décès à Londres et dans les zones rurales environnantes ; il proposa surtout la première table de mortalité en utilisant quelque 200 000 décès intervenus au cours de la première moitié du XVIIe s. et à propos desquels de vagues indications étaient données sur les causes, telles qu’elles pouvaient être appréciées il y a trois siècles !

Cette table de mortalité fut le point de départ d’autres estimations, telle celle du nombre d’hommes en état de porter les armes ; à partir des naissances, Graunt remonta à l’effectif des femmes d’âge fé-

cond et, de là, à l’effectif des familles, puis à celui de la population de Londres. Pour apprécier le caractère novateur de son travail, il faut savoir l’ignorance complète où l’on était à l’époque du volume de la population et de ses mouvements (ainsi, on donnait parfois le chiffre de 7 millions d’habitants pour Londres, alors que Graunt aboutit à 384 000 personnes !). Par ailleurs, faire d’une certaine réalité sociale un objet d’étude systématique était absolument neuf à une époque où la société évoluait sous l’effet, pensait-on, d’une volonté surnaturelle insondable...

Curieusement, les continuateurs immé-

diats de Graunt se trouveront parmi les astronomes et les mathématiciens. Edmund Halley (1656-1742), immortalisé par ses travaux sur la comète désignée par son nom, construisit la première table de mortalité fondée sur une information de base solide : les relevés paroissiaux, à Breslau (Wrocław), en Silésie, des naissances et des décès, ces derniers avec mention des âges (ce qui manquait dans les relevés utilisés par Graunt, relevés par ailleurs assez peu systématiques) ; de plus, Halley discuta fort pertinemment des problèmes théoriques posés par l’utilisation de telles données.

Toujours dans l’ordre de la mortalité, Willem Kersseboom aux Pays-Bas (en 1740), Antoine Deparcieux (1703-1768) en France (en 1746), Bernoulli en Suisse (en 1760), Pehr Wilhelm Wargentin (1717-1783) en Suède (en 1766) apporteront des contribu-

tions marquantes.

On peut clore cette période des débuts de la démographie en signalant les travaux magistraux du pasteur allemand Johann Peter Süssmilch (1707-1767), contenus dans les éditions de 1741, de 1761-62, puis de 1765 de Die göttliche Ordnung (l’Ordre divin). Travaillant à partir des données sur les naissances, mariages et décès de 1 065 paroisses du Brandebourg et sur certaines estimations concernant la population de villes et de provinces de Prusse, Süssmilch calcula maints indices statistiques, tels les rapports de la population aux naissances, mariages et décès, ceux des naissances aux mariages, ceux des décès d’un âge donné à l’ensemble des décès à tous âges, etc. Il construisit des tables de mortalité pour une région urbaine et une région rurale de l’Allemagne, et il proposa dans l’édition de 1765

de son livre une table pour l’ensemble de la Prusse ; il reconnut encore l’existence d’un minimum dans la fréquence des décès, vers l’âge de quinze ans. Lui non plus ne se borna pas à fournir des descriptions statistiques ; il chercha à interpréter les résultats, à remonter aux causes. C’est ainsi que son attention se porta sur les raisons de la baisse de la fécondité : il reconnut l’influence des maladies, de l’âge au mariage, du veuvage, de l’allaitement maternel prolongé, etc. Il imputa la baisse de la nuptialité à la surpopulation rurale ; le dépeuplement des campagnes françaises lui apparut comme une conséquence des charges fiscales écrasantes supportées par les paysans.

La pyramide

des âges

La pyramide des âges est un mode de figuration de la répartition d’une population par sexe et par âge. Considérons celle de la population française au 1er janvier 1970.

Les âges, à cette date, sont portés sur l’axe vertical central ; leur correspondent des années de naissance rappelées à droite et à gauche, la partie droite de la pyramide étant réservée à la population féminine, tandis que la partie gauche concerne la population masculine.

À chaque année d’âge, donc à chaque

« génération », on fait correspondre un

rectangle dont la longueur est proportionnelle à l’effectif de cette génération, mesuré selon les échelles portées en bas de la pyramide. Ainsi, la génération masculine ayant cinq ans révolus au 1er janvier 1970, donc née en 1964, avait à cette date un effectif de 442 800 ; elle est donc représentée par un rectangle de la partie gauche de longueur 442,8.

La pyramide va en s’effilant vers le haut (ce qui justifie son nom), en raison des ré-

duction opérées par la mortalité, réduction d’autant plus importantes que les générations sont plus âgées.

Mais de nombreux événements, plus ou moins exceptionnels, ont marqué le passé démographique des pays, de sorte que, le plus souvent, les pyramides ont une allure beaucoup plus tourmentée que celle que leur donnerait la simple action de la mortalité. C’est le cas de la pyramide de la population française.

« Lisons » la pyramide en commençant par le haut. Aux âges élevés, en raison de la surmortalité masculine, qui sévit à downloadModeText.vue.download 553 sur 587

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 6

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tous les âges (et bien qu’à la naissance on trouve plus de garçons que de filles [105

pour 100]), il y a une dissymétrie sensible de la pyramide à l’avantage des femmes.

De plus, en raison des pertes humaines importantes subies par les générations 1885

à 1900 pendant la Première Guerre mondiale, la fraction masculine de la pyramide est particulièrement déficitaire aux âges correspondants (de 70 à 85 ans environ aujourd’hui).

Entre cinquante et cinquante-cinq ans, on enregistre une entaille profonde, symé-

trique cette fois ; il s’agit du déficit important de naissances, concernant les générations 1915 à 1919, causé par la séparation de nombreux couples et les mariages diffé-

rés du fait de la Première Guerre mondiale.