Выбрать главу

tique, une émotion discrète, l’ensemble écrit dans une familière simplicité. Les qualités de Démosthène logographe ne sont pas douteuses. On les retrouve à un degré supérieur dans ses plaidoyers politiques composés vers sa trentième année : le Contre Androtion témoigne d’une conception très noble de l’idéal athénien et une belle vigueur oratoire ; le Contre Timocrate montre de l’adresse et la volonté de Démosthène d’élargir le débat ; le Contre Aristocrate est d’une redoutable dialectique.

À vrai dire, le premier en date des grands discours de Démosthène est dirigé Contre la loi de Leptine, prononcé en tant que synégore, c’est-à-

dire comme citoyen qui prend la parole au tribunal, en qualité d’ami, pour dé-

fendre un accusé. Sans doute, l’oeuvre comporte-t-elle des manoeuvres d’avocat et des sophismes. Mais on reste sensible à la franchise sympathique, à l’élévation de la pensée et à la modération du ton. Les harangues Sur les symmories, Pour les Mégalopolitains, où il est respectivement question de la Ma-cédoine et de la Perse, et auxquelles on peut rattacher celle Pour la liberté des Rhodiens et celle Sur l’organisation financière, renseignent sur la politique de Démosthène et sur son tour d’esprit.

Elles annoncent l’homme d’État soucieux d’actes et non de belles paroles, sensible à l’évolution des pays, désireux de voir une Athènes forte et géné-

reuse, avec un sens aigu des réalités.

La Première Philippique ouvre une série de chefs-d’oeuvre et révèle pleinement le génie de Démosthène. Dans

ce premier acte d’une lutte dramatique avec le roi de Macédoine, après avoir relevé le courage des Athéniens, Démosthène apporte un plan positif : organiser une escadre et une armée de réserve, harceler l’adversaire avec un corps expéditionnaire. Le discours s’achève sur l’indication des réformes nécessaires dans l’État. Aux bouleversants appels des trois Olynthiennes pour sauver Olynthe des visées de Philippe succède le Contre Midias : cet individu insolent avait souffleté Démosthène en plein théâtre. L’orateur donne à sa défense une portée générale en montrant que sa cause est celle de la démocratie ; les riches ne peuvent impunément opprimer les pauvres. Bien que le Contre Midias n’ait jamais été prononcé, ce plaidoyer apparaît comme downloadModeText.vue.download 555 sur 587

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 6

3382

un chef-d’oeuvre par sa fougue et sa noblesse. Il y a moins d’élan dans le Sur la paix, mais on retrouve la flamme intérieure de Démosthène dans la Deuxième Philippique : Philippe est bien l’ennemi juré d’Athènes, et Démosthène dénonce encore ses agissements.

Sur l’ambassade met en lumière les responsabilités d’Eschine et la décadence de la politique athénienne : l’exposé de la politique générale de Démosthène est pressant et concis. Sur les affaires de Chersonèse, à partir de problèmes locaux, développe l’idée que la démocratie d’Athènes est le dernier rempart contre la domination de la Macédoine.

Célèbre dans l’Antiquité, la Troisième Philippique montre avec insistance que l’état de guerre existe toujours entre Philippe et Athènes, en dépit d’une paix de principe ; en fait, tous les Grecs sont menacés, et Démosthène critique l’aveuglement de ses concitoyens.

Avec la Quatrième Philippique (composée de morceaux authentiques réunis artificiellement ?), il prouve une fois de plus que les menées du Macédonien n’ont d’autre but que l’asservissement de la Grèce : il faut donc prendre des mesures énergiques de redressement.

Le discours Sur la couronne occupe une place à part. Il est une admirable

justification de toute la politique dé-

mosthénienne. À partir d’un problème de droit (le décret de Ctésiphon est-il illégal ?), l’orateur fait son apologie contre Eschine. Ce dernier n’est qu’un traître à la solde de Philippe ; lui, Démosthène, il a toujours défendu Athènes, dont il a sauvé la gloire. En détail et minutieusement, il examine sa conduite pendant les pires heures vécues par la cité et en appelle aux sentiments de l’honneur comme à ceux de la raison. La péroraison est pathé-

tique : « Mais il est impossible, oui, impossible, que vous ayez commis

une erreur, Athéniens, en prenant sur vos épaules le danger pour la liberté et le salut de tous ; non, par ceux de nos ancêtres qui, les premiers, se sont exposés au péril à Marathon, par ceux qui se sont alignés à Platées, par ceux qui ont combattu sur mer à Salamine et à l’Artémision, par beaucoup d’autres braves couchés dans les monuments publics, que tous également la cité a jugés dignes du même honneur et a ensevelis [...] » (Couronne, 206-208).

L’art au service

de l’éloquence

« Il pense, il sent, et la parole suit », écrit Fénelon de Démosthène. Chez lui, le style est subordonné à l’efficacité ; l’éloquence, à ses yeux, n’a jamais été une fin gratuite. Il est sûr que ses discours étaient soigneusement prépa-rés et travaillés, « tel au papier qu’à la bouche », suivant le mot de Montaigne.

Et, s’il a subi l’influence littéraire de Thucydide et d’Isocrate, il s’en est suffisamment dégagé pour avoir un tour qui lui soit propre. Ses démonstrations passionnées, tour à tour pathétiques, ironiques, véhémentes, sont écrites par un écrivain attique.

La langue, d’abord, est claire et va du familier au sublime. Les mots les plus usuels prennent une valeur exceptionnelle par leur disposition à l’inté-

rieur de la phrase, courte ou longue, toujours rythmée, et se pressent en images, comparaisons ou hyperboles, dans une prodigieuse variété. Une dialectique très souple vient les appuyer.

Démosthène utilise le paradoxe, le dialogue, le raisonnement saisissant, le tout adroitement combiné avec des

récits, des tableaux, des portraits, des anecdotes. La composition du discours ajoute à la force de l’idée exposée : après un exorde bref, Démosthène met en relief deux ou trois thèmes essentiels, les reprend constamment jusqu’à une conclusion puissante, souvent dramatique. C’est ainsi que cette éloquence, toute intimement dirigée vers le redressement d’Athènes et la lutte contre la Macédoine, fait de lui un des plus grands orateurs de tous les temps.

L’oeuvre de Démosthène

Il reste sous le nom de Démosthène soixante discours, mais beaucoup sont considérés comme apocryphes. Trente-six environ sont authentiques.

y Plaidoyers contre ses tuteurs : trois Contre Aphobos, deux Contre Onétor, le beau-frère d’Aphobos.

y Plaidoyers écrits en qualité de logographe :

a) les plaidoyers civils : une douzaine sur trente et un sont authentiques. Il faut retenir le Pour Phormion (350-349), le Contre Conon (v. 341), le Contre Calliclès (date inconnue) ;

b) les plaidoyers politiques : Contre Androtion (355-354), Contre Timocrate (353-352), Contre Aristocrate (352).

y Harangues et plaidoyers politiques : Contre la loi de Leptine (355-354), Sur les symmories (354), Pour les Mégalopolitains (353-352), Première Philippique (351), Pour la liberté des Rhodiens (351-350), Sur l’organisation financière (350), trois Olynthiennes (349), Contre Midias (347-346), Sur la paix (346), Deuxième Philippique (344-343), Sur l’ambassade (343), Sur les affaires de Chersonèse (341), Troisième Philippique (341), Quatrième Philippique (341 ou 340), Sur la couronne (330).

Un ennemi de

Démosthène Eschine

(v. 390-314 av. J.-C.)

Face à Démosthène et incarnant une politique opposée, ce partisan de la paix avec Philippe lutta près de vingt ans contre son adversaire. En 346, lors de la paix dite « de Philocratès », il se porta garant des inten-