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« Je suis anéanti, incapable du moindre effort, mon cerveau est vide, je suis paresseux, je deviens idiot. » Très souvent aussi, ce sentiment de dévalorisation porte sur l’être organique : crainte ou certitude d’une maladie générale grave, crainte ou certitude d’une lésion incurable d’un organe précis (cancer).

Parfois même, le malade s’accuse

d’être foncièrement méchant et néfaste à autrui. Il est un poids inutile, une charge pour sa famille, il ne mérite pas que l’on s’occupe de lui, il doit inspirer

l’hostilité et la répulsion. Il en est ainsi dans la dépression mélancolique, va-riété la plus profonde d’état dépressif.

Généralement, les déprimés étendent leur pessimisme foncier au monde qui les entoure. Tout est dans l’existence sous-estimé, nié et déprécié. La situation matérielle est jugée difficile, voire catastrophique. La situation professionnelle est vécue comme dépourvue d’avenir, médiocre ou bien hérissée d’obstacles insurmontables. L’entourage familial et amical ne semble plus apporter les satisfactions d’autrefois ; le déprimé devient soit indifférent, soit hostile et exaspéré. Les idées de mort ou de suicide sont fréquentes au cours de tous les états dépressifs, surtout les états mélancoliques.

L’anxiété est toujours présente

dans les dépressions, mais elle est très variable en intensité et plus ou moins exprimée selon les malades. Il s’agit le plus souvent d’une angoisse avec manifestations corporelles : boule dans la gorge, striction épigastrique ou thoracique, sensation de manque d’air, sueurs profuses, etc. Cette anxiété peut être responsable d’une certaine agitation ou de brusques paroxysmes avec fugue, scandale ou suicide. Cependant, tous les déprimés ne sont pas aussi anxieux, et certains sont purement inhibés ou asthéniques.

Nombre de déprimés (surtout les

déprimés névrotiques) peuvent avoir des troubles du caractère. Ils sont irri-tables, impatients, irascibles, agressifs, boudeurs, hostiles avec des colères pour des motifs souvent minces.

Quelques patients souffrent, durant leur état dépressif, de manifestations particulières telles que des obsessions, des phobies ou des symptômes hystériques.

Enfin, tout syndrome dépressif

comporte des troubles du domaine

corporel. Outre la fatigue physique, l’impuissance sexuelle chez l’homme, la frigidité chez la femme, les céphalées, signalons les troubles digestifs avec nausées, vomissements, anorexie, amaigrissement, constipation, etc., les troubles urinaires, les douleurs pel-viennes surtout chez la femme. Il est fréquent de noter aussi des troubles

de la thermorégulation, des bouffées de chaleur, des impressions de refroidissement, des vertiges, des désordres vaso-moteurs, une baisse de la tension artérielle. Au début d’un état dépressif, ces troubles peuvent dominer la symptomatologie, et les malades consultent de nombreux médecins, réclament

toutes sortes d’examens complémentaires qui demeureront négatifs.

Différentes variétés

de dépressions

Les dépressions psychotiques

Le type en est représenté par la mélancolie. C’est un état dépressif profond, sévère, aigu, mais résolutif grâce au traitement ; néanmoins, il peut récidiver dans le cadre d’une maladie appelée psychose maniaco-dépressive.

Cette psychose comporte une succession d’états d’excitations maniaques et d’états dépressifs mélancoliques.

Parfois, les malades souffrent seulement d’états dépressifs périodiques ou d’états d’excitations périodiques. On parle néanmoins de psychose maniaco-dépressive, car il s’agit bien de la même affection.

La mélancolie est une dépression

endogène, c’est-à-dire sans cause psychologique extérieure. On connaît des mélancolies de deuil admirablement analysées dans leur mécanisme par Freud, mais nombre de dépressions mélancoliques surviennent sans cause apparente. Il paraît s’agir d’un dérèglement de l’humeur d’origine génétique ou héréditaire. L’inhibition psychomotrice est extrême, la douleur morale intense, avec des idées délirantes de culpabilité, d’indignité, de ruine. Les malades peuvent tenter de mettre fin à leurs jours à n’importe quel moment, par n’importe quel moyen, particulièrement au petit matin, à l’heure où l’angoisse est la plus forte. Le mélancolique est sobre dans ses propos, il parle peu et n’a pas souvent conscience de son état ; il se déclare non malade, mais déchu moralement et damné. Il pense qu’« il mérite un châtiment exemplaire et surtout pas des soins médicaux ». Il faut donc l’obliger à consulter le médecin et à se faire hospitaliser.

À côté de la mélancolie, les dépressions psychotiques s’observent dans la schizophrénie*. C’est l’état dépressif atypique qui se rencontre chez le sujet jeune, l’adolescent ou l’adulte jeune. Il s’agit en apparence d’une dépression névrotique ou mélancolique, mais, en fait, il existe de grandes bizarreries du comportement, avec des extravagances, des étrangetés de la pensée et des sentiments. On note une perte du contact vital avec la réalité (qui ne se voit pas chez le déprimé ordinaire) et des idées délirantes incongrues, floues et incohérentes, parfois même des hallucinations. Dans ces cas, le traitement est radicalement différent de celui des autres états dépressifs.

On peut voir encore des dépressions au cours de l’évolution d’un délire*

chronique : ainsi en est-il du délirant persécuté qui, sous l’emprise d’imaginaires persécutions, peut devenir un déprimé avec des idées de suicide.

Il faut d’abord traiter le délire chronique pour faire disparaître l’élément dépressif.

Les dépressions névrotiques

Elles sont infiniment plus répandues que les dépressions psychotiques. Il s’agit d’états dépressifs moins profonds, moins sévères que l’état mé-

lancolique. Le malade a pleinement conscience de ses troubles. Il demande l’aide de son entourage et du médecin. Surtout, il existe fréquemment des causes déclenchantes à ces états dé-

pressifs : traumatismes psychologiques de toutes sortes (déception, frustration, situation d’abandon ou de conflit, choc émotionnel, échec sentimental ou professionnel, problèmes conjugaux, deuils, etc.), surmenage physique et psychique. Les dépressions névrotiques sont encore appelées psycho-gènes, car les facteurs psychologiques semblent y jouer un rôle prédominant.

Les plus caractéristiques et les plus compréhensibles de ces dépressions psychogènes sont les dépressions réactionnelles. On appelle ainsi des états dépressifs directement expliqués par un choc affectif grave. Dans certains cas, chez certains individus, l’état de tristesse provoqué par le décès d’un

être cher se prolonge, s’approfondit, bloque toute l’activité du sujet. C’est la dépression réactionnelle. Il existe toutes les formes de passage et tous les degrés entre la tristesse normale et la tristesse pathologique. Il arrive un moment où apparaissent des signes vraiment pathologiques : insomnie rebelle, fatigue insurmontable, idées de suicide, irritabilité caractérielle, et surtout des désordres corporels divers qui obligent le malade à consulter.

Citons, par exemple, le cas d’une mère de famille nombreuse qui a perdu un enfant et qui en arrive, après plusieurs mois, à se désintéresser de ses autres enfants, à ne plus dormir et à désirer mourir. Dans un tel cas, l’urgence du traitement s’impose.

Les dépressions réactionnelles font donc partie des dépressions névrotiques ou psychogènes. Elles s’expliquent par des événements extérieurs pénibles, mais se définissent selon des critères rigoureux : violence objective de la cause, traumatisme important, caractère normal de la personnalité anté-