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En 1644, Descartes publie les Principes de la philosophie, dédiés à la princesse Elisabeth de Bohême, fille de l’Electeur palatin Frédéric V. De ses relations avec elle, il est resté une correspondance essentielle pour la compréhension de la morale cartésienne.

Les observations d’Elisabeth sur le problème de l’union de l’âme et du corps décideront finalement Descartes à écrire son Traité des passions de l’âme (1649).

La reine Christine de Suède invite Descartes à lui présenter des remarques sur le souverain bien. Après beaucoup d’hésitations, Descartes se décide à suivre l’amiral envoyé par la reine et arrive à Stockholm au début d’octobre 1649. Prosélyte impatiente, la reine impose à Descartes un emploi du temps qui dérange ses habitudes. Obligé de se rendre tous les matins à cinq heures à la cour, Descartes prend froid. Une pneu-monie se déclare et, après une maladie de neuf jours, refusant les soins des médecins suédois, il meurt le 11 février 1650.

Descartes ou

l’humanisme militant

Lorsque Descartes fait allusion aux philosophes, c’est toujours d’une ma-nière péjorative d’où l’ironie n’est pas absente. Au contraire, c’est toujours avec un profond respect qu’il s’adresse aux autorités ecclésiastiques et aux théologiens.

Suffit-il de rappeler combien Descartes était soucieux de sa tranquillité pour expliquer cette double attitude ?

Alors que les philosophes sont largement inoffensifs, les théologiens représentent dans une large mesure l’autorité. Explication bien anodine et marquée des insuffisances du psychologisme pour qui veut rendre compte du projet de l’homme René Descartes.

Il convient de recourir à cette double attitude pour mettre en évidence la conception cartésienne de la philosophie, mieux encore, de la mission de philosophe.

L’un des espoirs de Descartes est d’imposer la science et la philosophie cartésiennes et de les enseigner. Ce n’est pas là le rêve d’un ambitieux : parce que la philosophie cartésienne est vraie, elle doit naturellement devenir la base de l’enseignement.

Du même coup, la foi ne peut man-

quer d’en être renforcée. Descartes réclame une théologie simplifiée, comprenant uniquement l’ensemble

des vérités de foi qu’il est nécessaire et suffisant de croire pour assurer son salut. Il admet la possibilité d’une théologie scolastique cartésienne, désireux qu’il est de faire bénéficier une théologie vraie du secours de la vraie philosophie.

Mais, au-delà de la sphère sco-

laire, Descartes formule un projet qui intéresse l’humanité elle-même. Si la science et la philosophie cartésiennes doivent bénéficier de la diffusion officielle des écoles, c’est parce que la

« science vraie » favorisera le bien-être de l’humanité entière en améliorant les conditions matérielles de l’existence humaine.

Loin d’expliquer la discrétion car-tésienne, le « souci de tranquillité » ne peut être compris qu’à la faveur de la

VIe partie du Discours de la méthode, où l’on voit Descartes réclamer les subsides nécessaires à la réalisation de son oeuvre, qui concerne l’humanité entière.

La « science universelle »

et la méthode

cartésienne

L’ambition première de Descartes est de fonder une science universelle, et, dans les Règles pour la direction de l’esprit, il s’efforce d’en découvrir la méthode : « Ce que j’entends par mé-

thode, ce sont des règles certaines et faciles, par l’observation exacte desquelles on sera sûr de ne jamais prendre une erreur pour une vérité, et sans y dépenser inutilement les forces de son esprit, mais en accroissant son savoir par un progrès continu, de parvenir à la connaissance de tout ce dont on sera capable » (règle IV). Au sens étymologique, la méthode est une route, ce qui permet d’atteindre un but sans se confondre avec ce but. Au niveau intellectuel, la méthode est distincte du but (la connaissance) et des instruments (les facultés cognitives et leurs opérations). La définition de la règle IV est donc solidaire de la distinction entre ces deux instruments de connaissance que sont l’intuition et la déduction.

L’intuition s’identifie chez Descartes à la lumière naturelle, entière en chacun de nous, tandis que la déduction est

« tout ce qui se conclut nécessairement de certaines autres choses connues avec certitude ». Cette dernière diffère de l’intuition intellectuelle en ce qu’elle nécessite une « sorte de mouvement ou de succession ».

Deux voies s’offrent à nous pour la connaissance des choses : l’expérience et la déduction. L’expérience à laquelle Descartes se réfère est l’expérience au sens concret et global du terme.

Lorsque j’éprouve quelque chose, ce qui est prescrit à mon esprit résulte à la fois de la réalité extérieure et de mon point de vue sur elle. Les expériences sont souvent trompeuses à cause de leur composition. Dans le dosage des composantes objective et subjective, je ne peux décider de ce qui appartient à la réalité extérieure et de ce qui dé-

coule de mon action.

Simple inférence d’une chose ou

d’une notion à partir d’une autre chose ou notion, la déduction n’est jamais trompeuse. La validité de la déduction est garantie par sa simplicité. Puisque les erreurs ne sauraient jamais provenir de la déduction (aperçue, elle est né-

cessairement bien faite ; ignorée, elle n’est aucunement pratiquée) mais seulement d’expériences mal comprises ou de jugements hâtifs, l’arithmétique et la géométrie s’imposent comme la forme même de la scientificité. D’une part, leur objet est pur et simple ; d’autre part, on n’y fait que tirer des conséquences selon une déduction rationnelle. S’il ne s’agit nullement de s’en tenir à la seule étude de l’arithmétique et de la géométrie, « ceux qui cherchent le droit chemin de la vérité »

doivent s’occuper des objets où ils peuvent atteindre une certitude égale à celle des démonstrations de l’arithmé-

tique et de la géométrie.

Descartes s’efforce en outre de dé-

gager les conditions de possibilité de l’arithmétique et de la géométrie. C’est pourquoi il entreprend d’exposer la

« mathématique universelle », qui est la science de l’ordre et de la mesure.

Cette science contient « les premiers rudiments de la raison humaine » et fait

« surgir des vérités de n’importe quel problème ». Elle est la source de toutes les autres connaissances.

L’ordre cartésien se substitue à

la classification des notions ou des choses sous les catégories d’Aristote, dont usait la scolastique. D’inspiration mathématique, il est fondé sur la dépendance des idées dans le cours de la déduction.

Les idées se trouvent alors disposées selon les séries linéaires. Prélevons dans une suite quelconque deux idées : des deux, celle qui précède l’autre est dite « absolue » ou « simple », la seconde étant désignée comme « relative » ou « composée ». En ce sens, la notion d’absolu est elle-même relative.

Il n’y a d’absolument simple que les natures simples, c’est-à-dire les idées qui ne dépendent d’aucune autre alors que toutes les autres en dérivent.

Cette notion d’absolu ne renferme ici aucune allusion métaphysique mais doit être comprise dans la perspective d’une sorte de « généalogie des connaissances » où des connaissances mères existent à côté des connaissances filles.