Sur sa lancée, De Sica tourne successivement Miracle à Milan (Miracolo a Milano, 1950) et Umberto D (1952).
La collaboration de De Sica et de Zavattini se poursuit dans quelques films mineurs comme Station terminus (Stazione termini, 1953) et le film à sketches l’Or de Naples (L’Oro di Napoli, 1954). Mais, dès 1955, on assiste dans toute la production italienne au reflux du néo-réalisme. Avec le Toit (Il Tetto, 1956), De Sica rend un dernier hommage au mouvement qu’il a contribué à rendre célèbre. Les films qu’il va entreprendre désormais seront plus sensibles aux modes du moment. La générosité du cinéaste ne triomphera pas toujours des compromissions commerciales, et certaines de ses comédies n’échapperont pas toujours à la facilité. Après une période d’incertitudes où l’acteur prend le pas sur le réalisateur (1955-1960), De Sica retrouve une production régulière à partir de La Cio-ciara (1960) : le Jugement universel (Il Giudizio universale, 1961) ; un des épisodes de Boccace 70 (Boccaccio’70, 1961) ; les Séquestrés d’Altona (I Sequestrati di Altona, 1962) ; Il Boom (1963) ; deux grands succès commerciaux : Hier, aujourd’hui et demain (Ieri, oggi, domani, 1963) et Mariage à l’italienne (Matrimonio all’italiana, 1964) ; Un monde nouveau (Un mondo nuovo, 1965) ; un épisode des Sorcières (Le Streghe, 1966) ; Le renard s’évade à 3 h (1967) ; Sept Fois femme (Woman Times Seven, 1967) ; le Temps des amants (Gli Amanti, 1968) ; les
Fleurs du soleil (I Girasoli, 1969) ; le Jardin des Finzi-Contini (Il Giardino dei Finzi-Contini, 1970) ; Una breve vacanza (1973) ; le Voyage (Il Viaggio, 1974). Parmi les interprétations de De Sica comme acteur, il faut citer La nuit porte conseil (1948) de M. Pagliero, Madame de... (1953) de Max Ophuls et le Général Della Rovere (1959) de R. Rossellini.
L’oeuvre de Vittorio De Sica fut sans aucun doute trop portée aux nues à l’époque du Voleur de bicyclette. Cela downloadModeText.vue.download 584 sur 587
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 6
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explique qu’aujourd’hui une partie de la critique internationale l’entoure d’un discrédit tout aussi excessif. Certes, De Sica n’a pas su garder ses exigences premières, et son extrême sensibilité, l’amour profond qu’il porte à l’humanité à travers ses personnages (petits cireurs de chaussures, ouvriers en chômage, vieux professeurs retraités, couples à la recherche d’un logis), la mélancolie souriante dont il use avec tact pour dépeindre quelques tragédies individuelles ont peu à peu cédé le terrain devant les caprices d’une mode qui, rejetant le néo-réalisme dépassé, lui inspira des comédies dépersonnalisées et des drames sentimentaux plus ou moins convaincants. Cependant, sans l’apport de De Sica, le néo-réalisme ne serait pas devenu l’un des mouvements cinématographiques les plus importants du demi-siècle.
J.-L. P.
H. Agel, Vittorio De Sica (Éd. universitaires, 1955 ; 2e éd., 1964). / P. Leprohon, Vittorio De Sica (Seghers, 1966).
design
Terme anglais servant à désigner une discipline qui a pour objet la refonte rationnelle de l’environnement, depuis la conception de l’objet industriel jusqu’à celle du complexe urbain.
Les premiers effets
de l’industrialisation
Le design est essentiellement né de la société industrielle et de la volonté de combattre l’anarchie formelle engendrée par les progrès techniques. Ce que l’on considère comme la préhistoire du design se trouve éclaté entre les diffé-
rents mouvements contradictoires qui ont animé la fin du XIXe s. et qui correspondent aux réactions diverses provoquées par l’industrialisation.
Une réaction positive est celle de certains architectes, en particulier de ceux que l’on a appelés les constructeurs de ponts. Les architectes sont en effet les premiers à disposer de maté-
riaux nouveaux produits industriellement, tel l’acier, pour des constructions elles aussi nouvelles : usines, gares, etc.
(v. fer). Ces architectes rompent avec l’éclectisme* de leur temps. Ils fournissent les premiers exemples d’une architecture conçue avec des éléments préfabriqués et d’où s’éliminent donc facilement les surcharges décoratives : ils montrent la voie du rationalisme. Ce sont Gustave Eiffel, qui, outre sa tour et ses ponts, conçoit à Paris les grands magasins du Bon Marché, Joseph Pax-ton (1801-1865), auteur du célèbre Crystal Palace de la première foire universelle de Londres, James Bogardus (1800-1874), constructeur d’usines.
À l’opposé, mais tout aussi déterminant pour ce qui va devenir le design, se trouve le mouvement des « Arts and Crafts », qui, dans le domaine des arts appliqués, précède l’Art* nouveau architectural et représente la réaction négative à l’industrialisation.
Les Arts and Crafts, société fon-
dée en 1888 à Londres, s’appuyaient sur des principes de William Morris (1834-1896). Charles Robert Ashbee (1863-1942) fut l’une des personnalités majeures du mouvement. Les préoccupations de ces initiateurs, au travers de l’embellissement du cadre de vie, sont avant tout sociales et humanitaires. Ils constatent que la machine est responsable d’une profonde modification des échanges commerciaux et des rapports de l’homme avec l’objet. Jusqu’alors, la production des objets et leur utilisation demeuraient en circuit fermé, ne dépassant pas les limites d’une ré-
gion, d’une classe sociale, voire d’une famille. La production massive donne naissance à la concurrence et exige le renouvellement plus fréquent des objets, élargit la distribution et suscite les intermédiaires commerciaux.
Le contact direct entre producteur et consommateur disparaît donc, et les relations se déshumanisent. Autre conséquence tout aussi importante de la révolution industrielle : le désintérêt du travailleur envers ce qu’il produit.
L’automatisation crée l’ouvrier spécialisé, à qui il n’est plus confié qu’une infime étape de la chaîne productive et à qui il n’est plus réclamé de profondes connaissances. Cette coupure psychologique de l’ouvrier d’avec son travail contribue à son asservissement.
Les Arts and Crafts préconisent alors un retour à des méthodes inspirées du Moyen Âge. La société est constituée d’ateliers artisanaux où sont fabriqués des objets utiles : meubles, vaisselle, tissus, tapisseries. Le travail se fait en groupe et les ouvriers restent en contact avec l’objet à tous les stades de sa fabrication. Les Arts and Crafts auront le mérite de créer un style original et cohérent, qui influencera l’Art nouveau en Grande-Bretagne. Mais leur lutte est utopique. L’artisanat ne peut survivre, sinon avec des conséquences contraires à la morale de W. Morris : la production artisanale est obligatoirement plus coûteuse que la production industrielle, et donc réservée à une clientèle privilégiée.
Conscient de cette erreur, Ashbee, vers 1901, tente de la corriger en proposant ses produits artisanaux comme prototypes à l’industrie. Peu pragmatique, son projet échoue, mais le principe en est repris en 1907 par un architecte allemand, Hermann Muthesius (1861-1927), qui fonde le « Deutscher Werkbund ». Muthesius est
alors responsable des Arts et Métiers auprès du ministère de l’Industrie à Berlin. Il espère profiter de sa situation pour favoriser les relations entre artistes et industriels. Sa réussite la plus spectaculaire est de permettre à Peter Behrens (1868-1940) de réaliser pour la firme AEG un programme complet englobant la conception des emballages, des catalogues publicitaires, de la forme des appareils pro-
duits par la firme, de tous les locaux, des usines, etc. C’est sans doute le premier exemple de ce que l’on appellerait aujourd’hui le « design global ». Mais cela reste exceptionnel. Le Deutscher Werkbund a un défaut comparable
à celui des Arts and Crafts : il laisse subsister un trop grand fossé entre le créateur et le producteur. Gropius* et Henry Van de Velde (1863-1957), qui se sont joints à Muthesius, défendent encore une conception idéaliste de l’artiste, coupée des vrais problèmes sociaux. Cette absence de collaboration véritable entre le technicien et le producteur d’une part, le créateur de formes d’autre part persistera encore au Bauhaus.