retrouver à l’intérieur de l’embryon si elles y ont émigré. En repérant, après coup, l’ensemble des régions dont on a suivi l’évolution sur un modèle de blastula, on établit une carte des territoires présomptifs (fig. 2).
Du côté dorsal, juste sous le croissant gris maintenant estompé, se forme une encoche, ou blastopore, dont le rôle va se révéler fondamental. La lèvre dorsale du blastopore s’étend latéralement ; la région ventrale s’enroule en profondeur et s’invagine, des cellules jusque-là externes passant en position interne ; on parle de gastrulation par embolie. Le feuillet interne, ou endoblaste, délimite l’intestin primitif, ou archentéron. Au fur et à mesure que celui-ci s’agrandit et progresse, le blastocèle se réduit et disparaît. Du côté dorsal, la lèvre du blastopore s’enroule et invagine du matériel cordomésoblastique. À la fin du processus, les lèvres blastoporales se joignent ventralement et entourent la zone dépigmentée inférieure de l’embryon, qui forme le « bouchon vitellin ». Celui-ci s’invagine jusqu’à disparaître à peu près totalement. L’hémisphère supérieur de la blastula (ectoblaste présomptif) recouvre les autres feuillets en un mouvement qualifié d’épibolie.
En définitive, il y a invagination, embolie de l’endoblaste et du cordomésoblaste, alors que l’ectoblaste évolue par épibolie (fig. 3). L’ensemble du processus dure vingt-quatre heures chez les Amphibiens. Avec des modalités variables et un résultat qui dépend du plan d’organisation dans le groupe étudié, les deux ou trois feuillets, selon le cas, sont mis en place à la fin de la gastrulation, mais cela ne signifie pas que les mouvements morphogéné-
tiques soient terminés. Au cours de la période suivante, des mouvements vont encore s’observer, la forme de l’embryon s’ébauchant alors, en même temps que s’accentue l’utilisation par l’embryon des réserves qui l’accompagnent, ce qui permet la croissance, jusque-là à peu près nulle.
Organogenèse
Les mouvements varient beaucoup
selon les groupes zoologiques, mais
c’est pendant cette période que les cellules acquièrent leur détermination définitive et qu’elles se différencient pour former les tissus.
Chez les Amphibiens et plus généralement chez les Cordés, un épaississement de la région dorsale, au-dessus de la fente blastoporale, forme la plaque neurale. L’embryon perd sa forme
sphérique et s’allonge dans un sens antéropostérieur : c’est le stade neurula (fig. 4). Les bords épaissis de la plaque neurale se soulèvent, vont à la rencontre l’un de l’autre pour former le tube nerveux, pendant que le mésoblaste dorsal s’épaissit et se creuse d’une cavité, ou « coelome ». Le tube nerveux s’enfonce. Sa région anté-
rieure, plus dilatée, sera à l’origine de l’encéphale. Le mésoblaste dorsal se découpe en blocs réguliers, ou somites, à partir desquels se différencieront les éléments du squelette axial et de la musculature dorsale. Les territoires présomptifs sont ainsi irrémédiablement engagés quant à leur devenir : ils sont déterminés. C’est seulement lorsque leur mise en place sera achevée qu’ils se différencieront histologiquement. La complexité des processus de mise en place des organes est telle qu’il n’est pas possible de les décrire ici, bien qu’ils soient parfaitement connus.
Lorsque les organes sont devenus
fonctionnels, l’embryon est capable de mener une vie libre : le développement embryonnaire est terminé. Chez downloadModeText.vue.download 27 sur 591
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 7
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la Grenouille, par exemple, l’embryon est parvenu au stade du bourgeon caudal (fig. 5), très semblable au têtard, libéré par l’éclosion quatre jours environ après la ponte et qui mesure alors 6 mm.
Analyse expérimentale
du développement
embryonnaire
La naissance de l’embryologie des-
criptive et les progrès que celle-ci fit au XIXe s., progrès liés à l’amélioration des instruments d’observation et au
développement des techniques histologiques, firent justice de la conception préformiste, selon laquelle le germe ne serait qu’une réduction de l’organisme adulte. La théorie épigénétique, formulée dès 1759 par le médecin allemand Caspar Friedrich Wolff (1733-1794), qui observa avec une précision remarquable pour l’époque la réalisation progressive de l’embryon d’Oiseau à partir de l’oeuf, soutient que chaque partie de l’oeuf est totipotente au début du développement et évolue peu à peu, formant un organe de l’embryon, puis de l’organisme définitif. Mais il est bientôt apparu que chaque territoire embryonnaire perdait sa totipotence pour acquérir un destin organogéné-
tique déterminé et limité bien avant que les effets de cette détermination fussent visibles : il y a une sorte de prédifférenciation.
La détermination des territoires
de l’embryon
Tout oeuf manifeste à des degrés divers une certaine tendance à l’anisotropie : la répartition des réserves et des ribonucléoprotéines, par exemple, s’effectue selon deux gradients de direction opposée, le vitellus s’accumulant du côté du pôle végétatif, alors que les ribonucléoprotéines sont plus abondantes vers le pôle animal. Cette anisotropie est telle dans certains groupes (Mollusques, Annélides, Ascidies)
que l’ablation d’un blastomère à un stade très précoce de la segmentation s’accompagne d’une perte définitive de tout ou partie d’un organe, toujours le même pour une même cellule enlevée : on parle alors d’oeuf à développement mosaïque.
En fait, ce cas est peu fréquent, et, le plus souvent, une régulation est possible jusqu’à un stade avancé du développement : jusqu’à la fin de la gastrulation chez l’embryon des Verté-
brés. Enfin, même lorsque les ébauches des principaux organes sont en place et constituent une mosaïque irréversible, beaucoup de détails de l’organisation ne sont pas encore définitivement
fixés : l’embryon conserve une grande malléabilité. Les premières déterminations embryonnaires sont des déterminations d’axe et de polarité. L’axe
céphalo-caudal dépend de la répartition des matériaux ovulaires : vitellus, pigment, cytoplasme et en particulier ribonucléoprotéines cytoplasmiques.
L’acquisition du plan de symétrie
bilatérale suit de près la fécondation et se manifeste par la rotation de la couche externe (pigmentée) du cytoplasme de l’oeuf, matérialisée par la trace du croissant gris. La pesanteur, d’une part, et le point d’entrée du spermatozoïde, d’autre part, déterminent le côté ventral et le plan de symétrie bilatérale, ainsi qu’on a pu le montrer en utilisant certains dispositifs d’insé-
mination dirigée. Mais, si l’on sépare (en ligaturant à l’aide d’un cheveu) les deux premiers blastomères selon le plan de symétrie bilatérale, on peut obtenir deux embryons complets. Le même résultat est obtenu sur la blastula, dont le croissant gris matérialise le plan de symétrie, ou la gastrula : ici, c’est par rapport à la lèvre dorsale du blastopore que l’on s’oriente. Par contre, toute séparation faite selon un autre plan aboutit à un embryon complet mais unique, dérivé de la partie qui comporte le croissant gris ou la lèvre dorsale du blastopore, c’est-à-dire le champ cordo-mésodermique. L’autre
partie dégénère. Le cordo-mésoderme représente donc une véritable ébauche déterminée. Les autres secteurs ne sont que des ébauches présumées, susceptibles d’être modifiées si l’embryon subit une perte importante tout en conservant le matériel cordo-mésodermique. Au stade neurula, aucune régulation n’est plus possible : la neurula est une mosaïque de territoires déterminés où les capacités régulatrices ont disparu.
Les expériences célèbres (1918-
1924) de Hans Spemann (1869-1941)
ont précisé le rôle joué par la lèvre dorsale du blastopore et permis de mettre en évidence la notion d’induction.