ration d’ordre pratique. Les langues étrangères étaient traitées comme des langues mortes. En effet, le livre était presque le seul médiateur des langues et des civilisations étrangères : on enseignait donc la langue écrite. Le découpage de la grammaire en théo-rèmes et du lexique en mots amenait une présentation souvent abstraite et atomisée des éléments. Mais cette
approche permettait d’aborder assez rapidement l’étude de textes littéraires où l’on voyait le couronnement de la civilisation et de la culture étrangères.
Actuellement, la vocation culturelle des enseignements de langues n’est pas ouvertement remise en cause ; elle est comprise différemment. L’accent est mis sur l’enrichissement qu’apporte la maîtrise d’un autre moyen de communication, d’un autre langage. Ceux qui apprennent maintenant une langue étrangère veulent pouvoir la lire et l’écrire, mais surtout la comprendre et la parler.
Il a donc fallu reconsidérer à la
fois les méthodes et les contenus de l’enseignement antérieur en fonction de ces nouveaux objectifs : maîtrise de la langue parlée et de la langue écrite, initiation à la civilisation étrangère contemporaine avant toute approche strictement littéraire.
Cette entreprise de longue haleine, qui n’en est qu’à ses débuts, a bénéfi-cié du développement parallèle de certaines sciences et techniques.
y La linguistique appliquée s’appuie sur la langue parlée. Ses analyses phonétiques, phonologiques, syntaxiques, prosodiques ont été directement utiles à l’élaboration de méthodes d’enseignement adaptées à la maîtrise de la langue parlée.
y La psychologie étudie les méca-
nismes de la perception, de la compré-
hension et de la mémoire ; elle a mis en lumière le rôle de la motivation dans l’apprentissage. Ses recherches
ont permis la définition d’une nouvelle pédagogie.
y Les techniques d’enregistrement, de reproduction et de diffusion à distance de la parole, et, plus récemment, la télévision ont permis d’introduire la parole authentique jusque dans la salle de cours.
L’apport de ces techniques n’est pas négligeable, mais la mutation entreprise repose d’abord sur l’application de quelques principes linguistiques fondamentaux à la pédagogie.
L’apprentissage
Principes linguistiques
Chaque langue fonctionne selon ses lois propres. On admet donc que l’apprentissage d’une langue étrangère ne peut pas être fondé sur des références à la langue maternelle du locuteur. L’élève qui apprend une langue doit donc s’enrichir de nouveaux systèmes : phonologique (ensemble des sons signifiants de la langue), prosodique (rythme et intonation), syntaxique (ensemble des structures grammaticales) et lexical.
Dans la langue, ces systèmes sont
indissociables : il ne faut donc pas les isoler dans l’apprentissage.
Applications pédagogiques
y La démarche pédagogique. Pour
enseigner les structures de la langue parlée, on s’appuie sur des énoncés courts, présentés oralement dans un contexte situationnel aussi clair et aussi motivant que possible. Les
énoncés peuvent ainsi être perçus
et compris globalement, sans réfé-
rence à la langue maternelle et sans intrusion du système de l’écrit, avant d’être réemployés et analysés. Cette analyse consiste en un entraînement systématique au maniement des structures grammaticales, lexicales et prosodiques présentées dans les énoncés de départ. Les exercices dits « structuraux » tendent actuellement à s’imposer comme étant le moyen le plus rigoureux de mener à bien cette phase de la démarche.
Les élèves sont ensuite amenés à utiliser plus librement ces mêmes structures, c’est-à-dire, idéalement, à couler l’expression de leur pensée propre dans les moules de l’autre langue. L’efficacité de cet entraînement à l’expression spontanée dépend du choix d’un support adéquat qui puisse créer chez l’élève le besoin de s’exprimer. La civilisation étrangère retrouve alors la première place.
Cette démarche, qui associe étroi-
tement compréhension et expression, permet de mener l’apprentissage de la langue parlée sans sortir du système dans lequel s’établit la communication linguistique. On tente d’aller encore plus loin en intégrant à cet apprentissage certains éléments extra-linguistiques de la communication : les gestes, les mimiques, qui portent une partie du sens des messages. En s’engageant dans cette voie, on vise un objectif plus ambitieux que les précé-
dents : enseigner la langue comme un comportement.
y Le contenu. La langue que l’on
parle n’est pas la même que celle que l’on écrit. Le contenu d’un enseignement orienté vers la pratique orale doit refléter la spécificité de la langue parlée. Il doit aussi être programmé en sorte que, dès le début de l’apprentissage, l’élève puisse s’exprimer de façon authentique. La définition d’un contenu adéquat repose sur la sélection et l’organisation des données d’un corpus représentatif de la langue parlée, en fonction de critères linguistiques et pédagogiques.
On note dans les méthodes actuelles une diminution très nette du nombre de structures grammaticales, et plus encore lexicales, enseignées. Des
recherches linguistiques ont montré que le locuteur moyen n’utilise, pour s’exprimer dans la vie quotidienne, qu’une infime fraction des possibilités de sa langue. En limitant le contenu de langue enseigné dans les débuts de l’apprentissage, on contraint les élèves à réactiver constamment, pour s’exprimer, des connaissances restreintes, mais fondamentales et donc presque suffisantes.
Par ailleurs, les structures phonologiques et prosodiques, qui, autrefois, n’étaient pratiquement pas enseignées, sont tout de suite présentées et travaillées.
y La langue parlée et la langue
écrite. En cherchant à revaloriser la langue parlée, on a nécessairement réduit la part de la langue écrite dans les programmes d’enseignement : elle reste pourtant importante à tous les niveaux. Le manuel reste dans la plupart des cas l’outil de base ; il sert aux élèves de référence, même si l’on s’efforce de leur faire entendre et utiliser oralement ce qu’ils liront ensuite. Or, l’apprentissage de la langue parlée et celui de la langue écrite pâtissent également de la présentation presque simultanée des deux systèmes.
Pour dissocier au moins temporai-
rement les deux études, il faut pouvoir disposer de modèles enregistrés servant de référence au travail oral et de modèles rédigés pour le travail écrit.
Certains manuels sont maintenant
complétés par des enregistrements des textes de leçons, mais cela ne permet pas de distinguer d’emblée la langue parlée et la langue écrite comme deux formes spécifiques ayant leur contenu propre. La langue écrite est donc ré-
duite à une transcription du contenu de langue enseigné oralement dans
les premiers temps de l’apprentissage, l’accès direct à des textes écrits étant réservé à une étape ultérieure.
y La langue et la culture. L’enseignement des langues vivantes tel qu’il est actuellement conçu est indissociable d’une initiation à la civilisation downloadModeText.vue.download 561 sur 591
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 7
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étrangère. C’est à travers la langue que celle-ci est appréhendée sous
ses aspects les plus caractéristiques.
Idéalement, les élèves découvrent un autre monde en découvrant une autre langue.
En outre, dans l’enseignement du second degré, on fait toujours une place
importante à la littérature, en particulier dans le second cycle.
Mais cet enseignement n’est plus
clos sur lui-même ; la traduction n’est plus un exercice central ; les textes choisis servent surtout de tremplin pour des exercices d’expression orale et écrite permettant de compléter l’apprentissage de la langue. Par ce truchement, les élèves apprennent en particulier à manier une langue plus abstraite.