Ainsi s’explique l’éloge des dépenses somptuaires dans The Fable of the
Bees (la Fable des abeilles, 1714) de Bernard de Mandeville (1670-1733) ou dans la sentence de Montesquieu : « Si les riches ne dépensent pas beaucoup, les pauvres meurent de faim. »
Les principales
orientations de l’épargne
(à l’exception de l’autofinancement des entreprises)
y acquisition de métaux précieux (or notamment) ou de devises étrangères ; y acquisition de collections (monnaies, objets d’art, tableaux) ;
y souscription à des émissions d’actions ; y acquisition d’actions sur les Bourses de valeurs ;
y souscription à des obligations, bons de caisse, bons du Trésor, ou leur achat ; y prêts à des entreprises privées (comptes courants) ;
y comptes de chèques, comptes courants, livrets de caisse d’épargne, etc., aux gui-chets des banques ou des établissements assimilés ;
y acquisition de biens fonciers (terres cultivables, forêts, immeubles construits).
J. L.
L’épargne en circuit court Pour les classiques (physiocrates fran-
çais, A. Smith, D. Ricardo, J.-B. Say, T. R. Malthus, J. S. Mill) et pour Marx, il n’y a pas de dissociation entre l’épargne et l’investissement* : l’épargnant est celui-là même qui investit.
Dans le raisonnement classique, il ne peut en être autrement. Des deux principaux groupes économiques (les capitalistes, ou entrepreneurs, et les travailleurs, ou salariés) qui constituent la société et qui sont caractérisés chacun par un type particulier de revenu et ont une fonction spécifique à assurer dans l’économie, ce sont surtout, sinon exclusivement, les entrepreneurs qui épargnent. Et si ces derniers épargnent, c’est pour investir dans leur entreprise.
S’ils peuvent épargner, c’est, d’une part, parce qu’il leur est possible de prélever sur leurs revenus*, ou profits, et que, d’autre part, ils ont l’emploi immédiat de l’épargne dans leur entreprise (autofinancement). Il ne peut pas en être ainsi, par contre, avec le second groupe, composé d’individus passifs, en ce sens qu’ils n’ont, eux, aucune prise sur leurs revenus, ou salaires. Ils ne sont pas en mesure matérielle d’accumuler du capital, leurs salaires étant entièrement consacrés à leur survie.
Même si le niveau général des salaires augmente, le surplus de ceux-ci se dirigera surtout vers une extension des dépenses de consommation, et non pas vers un investissement accru.
Dans cette vision des classiques,
l’épargne précède la formation du capital (le terme investissement n’est pas connu des classiques) et en est la condition. Mais toute l’épargne réalisée dans la société est considérée comme étant automatiquement réinvestie.
En d’autres termes, dans une éco-
nomie nationale en situation de plein emploi, la réalisation de nouveaux moyens de production exige une offre de capital : plus précisément une abstinence aux dépens de la consommation.
Dans le fait de l’épargne, on soustrait précisément sur la demande des biens de consommation, au profit d’une offre additive, dès lors possible, à la demande des biens de capital. L’épargne et la formation du capital sont bien,
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 7
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dans l’optique classique, une seule et même chose ; l’une postule l’autre chez les entrepreneurs réinvestissant une large part du profit dans leur entreprise.
Le circuit long
Le développement du capitalisme sous la forme de sociétés drainant, dès la fin du XIXe s., des capitaux considérables dans le public, et non plus financées à l’aide du seul « profit » des chefs d’entreprise (c’est-à-dire par « autofinancement »), a conduit les économistes contemporains à la distinction des agents qui épargnent (les salariés et les ménages) et de ceux qui investissent (les entreprises) : il s’agit de deux groupes — distincts — de personnes, et il n’y a plus de lien aussi net entre les deux activités.
Keynes* a souligné clairement cette dissociation entre les décisions individuelles d’épargner et les décisions d’investir. À l’époque contemporaine, cette dissociation, qui allonge le circuit épargne-investissement, a été à l’origine d’une remise en cause de l’interprétation classique : l’investissement et l’épargne résultent effectivement d’actes distincts, émanant de deux groupes d’agents différents, de telle sorte que les décisions spécifiques des uns ne commandent pas nécessairement les décisions des autres.
Le renouvellement de
l’analyse de l’épargne
L’analyse économique contemporaine n’admet plus que l’épargne soit regardée seulement comme une abstention de consommer (optique classique) ou comme un résidu quantitatif résultant d’une privation de consommation (optique keynésienne). L’acte d’épargne, défini a contrario à partir de la consommation, n’est pas purement passif.
Partant des faits, l’analyse éco-
nomique contemporaine définit bien l’épargne comme la fraction non
consommée du revenu, mais elle souligne que l’épargne est loin d’être considérée négativement par les individus et par les ménages comme un reste.
Cette fraction peut soit financer directement des investissements, soit être placée, sous une forme ou une autre, en créances (actions ou obligations), ou encore être simplement conservée sous forme de monnaie* (épargne liquide).
Dans tous les cas, l’épargne a un aspect précis et volontariste qui s’exprime à travers le désir positif de constituer un patrimoine : la structure de celui-ci à un moment donné reflète donc, de façon plus ou moins fidèle, l’ensemble des désirs spécifiques d’une personne.
Il résulte de cette observation une conception de l’épargne plus active.
Au lieu de reprendre la seule diffé-
rence entre revenu et consommation, on cherche à appréhender l’épargne à partir de ses divers emplois : placements, variation des encaisses, autofinancement des investissements, remboursement des emprunts.
Les motivations de
l’épargne chez les
particuliers et dans
les ménages
Il est devenu nécessaire d’encourager l’épargne à s’investir, d’autant que les ménages tendent aujourd’hui à épargner relativement moins. Les pouvoirs publics des différents pays, pour encourager les ménages à épargner, ont pris diverses mesures allant de l’aménagement de la fiscalité à la mise en place de formules institutionnelles rendant les placements plus attrayants et plus faciles.
Les motivations susceptibles de déclencher l’épargne chez les particuliers ou dans les ménages, ou de l’orienter vers une forme plutôt que vers une autre, sont multiples. On peut, avec Raymond Barre, en distinguer un certain nombre.
y L’importance du revenu influe, à la base, de manière extrêmement significative : l’épargne peut d’autant plus facilement se constituer que le revenu est assez important pour largement couvrir les dépenses de consommation du particulier ou du ménage en laissant des excédents.
y La propension à consommer, finement analysée par Keynes, ne doit pas être trop élevée, l’épargne tendant à s’analyser comme un phénomène résiduel, venant après l’acte de consommation. Si le revenu s’accroît sensiblement, Keynes note d’ailleurs que la consommation n’augmentera pas d’autant et que l’épargne, donc, tendra, par voie de conséquence, à croître.
y La stabilité (ou l’instabilité) monétaire a un effet déterminant, dans la mesure où elle attire l’épargne ou, au contraire, en détourne les particuliers ou les ménages : en France, l’indexation des emprunts fut, à plusieurs reprises entre 1945 et 1958, pratiquée, en vue d’accroître le volume des placements en obligations.