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« passer » de la ligne à la tache plus ou moins dense grâce à la fusion de traits rapprochés. Un modelé était donc créé, suggérant des effets de clair-obscur en rapport avec le raffinement optique auquel on était parvenu vers la fin du XVe s. On a pu facilement tirer de ces techniques de la sanguine des effets d’« ombre vivante », comme on peut le voir dans les dessins de Michel-Ange*

ou de Watteau*. Ce dernier devait

particulièrement mettre en valeur une technique « à trois crayons », où la sanguine est associée à la pierre noire

d’Italie (ou à la pierre noire artificielle) et à la craie, conformément aux premiers essais italiens et français (Fouquet* : sanguine et pierre noire). Selon son origine, la sanguine présente des teintes différenciées allant jusqu’au brun.

La pierre d’Italie, que nous venons de citer, est un schiste argileux, relativement tendre, mais dont la section permet, avec la pointe ou le biseau, de tracer une ligne d’une grande finesse, en même temps qu’elle autorise la largeur du trait et le modelé. Cette souplesse d’utilisation fait que la pierre d’Italie s’est substituée tout naturellement à la pointe d’argent à partir du moment où la sensibilité artistique s’est orientée vers une expression plus large, vers un modelé jouant avec les lumières, que soulignera encore l’usage de la gouache ou de la craie (Signorelli*, Fra Bartolomeo, Véronèse* notamment).

Très largement utilisée dans les dessins préparatoires à la peinture, la pierre d’Italie intervient au cours d’une évolution marquée par le développement des valeurs « spatiales » dans la nouvelle peinture à l’huile, qui insiste sur les effets de « relief » comme le suggé-

rait Léonard de Vinci dans ses écrits.

À partir du moment où le dessin prend downloadModeText.vue.download 9 sur 591

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leront dans le genre, qui est également une preuve de l’extension du dessin direct, de notation « alla prima », comme source des compositions de tableaux.

En ce sens, avant de devenir un

genre de dessin pour collectionneurs, le fusain a été très largement utilisé dans les esquisses les plus libres pour suggérer rapidement l’essentiel d’une forme, d’une composition, parallè-

lement à l’usage du pinceau ou de la plume. Mais le fusain ne pouvait être que d’un usage provisoire, à cause de son incapacité à rester longtemps fixé sur son support. À partir du moment où des pulvérisations d’eau gommée lui ont assuré une certaine stabilité, le fusain a pu être largement diffusé au cours du XVIe s. et être associé, lui

aussi, à d’autres matériaux, avant de devenir un moyen courant d’étude dans les académies.

Le fusain offrait d’innombrables

avantages du fait de sa matière friable et du travail auquel on peut soumettre sa substance avec l’estompe, avec le doigt, ou en reprenant en hachures des parties à moitié effacées. À bien des égards, il se rapprochait nettement de la sensibilité requise par la peinture à l’huile avec ses effets divers, de la ligne à l’empâtement en passant par le glacis ou la surface à peine teintée. D’où les effets étonnants qu’en ont tirés tant de peintres, de Titien* à Prud’hon* (celui-ci lui associant la craie, sur papier bleuté). Avec le pastel, le fusain devait trouver une alliance particulièrement heureuse, surtout au XVIIIe s.

Cette technique de « peinture sèche »

correspond à l’évolution des diverses combinaisons peu à peu établies entre le dessin proprement dit et la couleur, depuis que le dessin a été « rehaussé »

d’aquarelle*. Poudre de couleur mêlée à de l’argile et de l’eau gommée, le pastel, connu dès le XVe s., a surtout pris de l’importance au XVIIIe s., au moment où la qualité du matériau et les procédés de fixation ont progressé. Trait, hachures, empâtements, frottis : le pastel permettait toutes sortes d’effets comme le montrent les oeuvres d’une Rosalba Carriera ou d’un Maurice Quentin de La Tour. Au XXe s., un Rouault* jouera avec les empâtements en ajoutant de l’eau. Depuis, on fabrique des pastels à l’huile, de même qu’on mêle parfois de l’huile au fusain pour en obtenir des effets veloutés et s’assurer une fixation directe.

Enfin, à ces différents moyens techniques, l’époque contemporaine a

ajouté une méthode par pulvérisation à l’aide d’aérographes, surtout utilisée dans le dessin publicitaire.

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Le langage du dessin

Toutes ces techniques doivent leur prodigieux développement à la fois à une modification dans les conceptions visuelles de la forme, mise en avant par la peinture, et à la diffusion du papier, dont la fabrication s’améliore dès le début du XVe s. Il s’y ajoutera, durant le XVIe s., une demande particulière des collectionneurs, à la recherche de dessins « d’inspiration ».

Mais il faut également accorder une attention particulière au rôle joué par le dessin dans la composition, depuis l’organisation schématique d’un ensemble fondée sur une « mise en place » perspective et sur un schéma géométrique d’équilibre et de direction des formes, jusqu’à la définition réciproque de ces formes par association et proximité.

Autant d’opérations qui ont nécessité une instrumentation particulière, à base de « réticules » transparents, de boîtes optiques, de « chambres obscures »

dont nous parlent les anciens traités.

Le dessin est ainsi devenu une science, que la pratique du dessin d’anatomie rendra encore plus complexe, et cela d’une manière abusive dans l’enseignement, par suite d’une confusion entre dessin d’application scientifique et dessin de création artistique.

De son côté, l’autonomie acquise

par le dessin au cours des siècles a eu comme conséquences des « querelles »

répétées sur la primauté du dessin ou de la couleur, depuis la plus célèbre, survenue au cours du XVIIe s. En fait, la vraie querelle apparaît plutôt au niveau de la conception, du « dessein », en jouant sur l’orthographe du mot primitif et sur le sens qu’il a pris désormais par rapport au mot anglais « design* ».

Ce dernier s’adresse davantage à l’organisation de l’ensemble des formes dans une page et, partant, peut être le guide d’une recherche organique applicable à toutes sortes d’expressions.

Ces nuances de sens n’affectent

pourtant que très peu les habitudes de travail qui ont été acquises au cours des siècles : et, même si aujourd’hui le refus de pratiques antérieures s’affirme chez certains comme la première démarche d’un art « autre », le dessin utilise toujours des moyens techniques

« anciens ». À bien des égards, l’art

abstrait, en particulier, aura plutôt mis l’accent sur l’importance des élé-

ments constitutifs, comme l’a montré Klee*, jusque dans la pédagogie du dessin. Une foule de nuances ont été apportées, aboutissant à l’élaboration d’un véritable langage fondé sur le point, le trait, la ligne, les hachures, la tache, le frottis, etc. Ainsi, depuis les propositions d’un Degas* ou les jeux d’un Seurat* avec le grain du papier jusqu’aux collages* et aux frottis de Max Ernst*, issus d’un certain automatisme*, le dessin contemporain a surtout amplifié le champ de ses investigations, devenant un moyen d’expression du « psychisme des profondeurs ». Ce qui, somme toute, correspond bien à cette tendance a l’autonomie que nous constatons dans l’histoire du dessin : celle-ci est un peu, également, l’histoire de la conquête d’une individualité chez l’homme, comme le signe de son appartenance à tel ou tel type de société.